Le Rhinocéros ne dit rien au sujet du gâteau du Parsi car il l'avait mangé en entier et il n'avait jamais eu de manières, ni alors, ni maintenant, ni plus tard. Il avança dans l'eau en se dandinant et en soufflant des bulles par le nez. Il avait laissé sa peau sur la plage. Or, le Parsi passait par là et il trouva la peau ; il sourit et son sourire fit deux fois le tour de son visage. Puis il dansa trois fois autour de la peau et se frotta les mains. Ensuite il regagna son campement et remplit son chapeau de miettes de gâteau car le Parsi ne mangeait que des gâteaux et il ne nettoyait jamais son campement. Il prit la peau, et il secoua la peau, et il frotta la peau et il l'incrusta de vieilles miettes de gâteau, sèches et rêches, et de quelques groseilles brûlées, autant qu'elle pouvait en contenir. Puis il grimpa en haut de son palmier et attendit que le Rhinocéros sorte de l'eau et remette sa peau. Ce que fit le Rhinocéros. Il boutonna les trois boutons et ça le râpait comme des miettes dans un lit. Il voulut se gratter, mais cela ne fit qu'aggraver les choses, alors il s'allongea sur le sable et se roula, se roula, se roula encore, et chaque fois qu'il se roulait, les miettes du gâteau le démangeaient davantage. Et de pis en pis. Alors, il courut jusqu'au palmier et se frotta, se frotta, se frotta encore. Il se frotta tant et si fort que sa peau fit un grand pli derrière ses épaules et un autre pli en dessous, là où se trouvaient d'ordinaire les boutons (mais il les avait fait sauter à tant se frotter), et il fit d'autres plis sur les pattes. Cela le mit de mauvaise humeur, mais les miettes s'en fichaient. Elles étaient sous sa peau et elles le râpaient. Alors le Rhinocéros rentra chez lui très irrité ; depuis ce jour, les rhinocéros ont tous de grands plis sur la peau et mauvais caractère, tout ça à cause des miettes de gâteau qui sont dessous. Le Parsi descendit de son palmier avec son chapeau qui reflétait les rayons du soleil avec une splendeur-plus-qu'orientale, il emballa son fourneau et partit dans la direction d'Orotavo, d'Amygdal, des Hautes Prairies d'Antananarivo et des Marais de Sonaput.
Cette île déserte est,
Passé le cap Gardafui,
Près des rives de Socotra
Et de la mer rose Arabique,
Mais on y cuit.
Il en cuirait, partant de Suez,
À nos pareils, à vous, à moi,
D'aller, même en P & O {1}
Voir le Parsi au gâteau.
4. Comment le Léopard acquit ses taches
(How the Leopard got his Spots)
À l'époque où tout le monde partait à égalité, ma Mieux-Aimée, le Léopard vivait en un lieu nommé le Haut-Veld. Souviens-toi que ce n'était pas le Bas-Veld, ni le Bush-Veld, ni le Sour-Veld, mais le Haut-Veld, exclusivement nu, brûlant et éclatant, avec du sable, des rochers couleur de sable et exclusivement des touffes d'herbe jaunâtre et sablonneuse. La Girafe, le Zèbre, l'Éland, le Coudou et le Bubale y vivaient eux aussi : et ils étaient tous exclusivement jaune-brun-roux partout, mais le Léopard était le plus exclusivement jaune-brun-roux de tous, une espèce d'animal en forme de chat gris-jaune qui se confondait à un poil près avec la couleur exclusivement jaune-gris-brun du Haut-Veld. C'était très embêtant pour la Girafe, le Zèbre et les autres, car il se tapissait près d'une pierre ou d'un buisson exclusivement jaune-gris-brun et lorsque passaient la Girafe, le Zèbre, l'Éland, le Coudou, le Gruit ou le Damalisque, il leur sautait dessus et leur faisait faire des bonds. Tu peux me croire. Et il y avait également un Ethiopien avec des arcs et des flèches (un homme exclusivement gris-brun-jaune en ce temps-là) qui vivait sur le Haut-Veld en compagnie du Léopard ; et ces deux-là chassaient ensemble.
L'Éthiopien avec ses arcs et ses flèches, le Léopard exclusivement avec ses dents et ses griffes ; si bien que la Girafe, l'Éland, le Coudou, le Couagga et tous les autres ne savaient plus sur quelle patte sauter, ma Mieux-Aimée. Tu peux me croire !
Après très longtemps (les choses vivaient éternellement en ce temps-là) ils apprirent à éviter tout ce qui ressemblait à un Léopard ou à un Ethiopien. Et petit à petit ils quittèrent le Haut-Veld (à commencer par la Girafe car elle avait de longues pattes). Pendant des jours et des jours et des jours, ils filèrent avant de parvenir à une immense forêt, exclusivement remplie d'arbres, de buissons et d'ombres rayées, tachetées, mouchetées où se cacher.
Après une autre longue période, à force de rester moitié dans l'ombre, moitié en dehors, et à cause des ombres glissantes et mouvantes des arbres qui leur tombaient dessus, la Girafe devint tachetée, le Zèbre rayé, l'Éland et le Coudou plus foncés avec de petites vagues grises sur le dos comme l'écorce sur un tronc d'arbre. Ainsi, on avait beau les entendre et les sentir, on pouvait rarement les voir et encore, à condition de bien savoir où regarder. Ils passaient du bon temps parmi les ombres exclusivement tachetées mouchetées de la forêt, tandis que le Léopard et l'Éthiopien parcouraient en tous sens le Haut-Veld exclusivement gris-jaune rouge, là-bas, en se demandant où étaient passés leurs petits déjeuners, leurs dîners et leurs goûters. Finalement, ils eurent si faim, ce Léopard et cet Éthiopien, qu'ils mangèrent des rats, des scarabées et des lapins de rochers ; puis ils eurent tous les deux le Gros Mal Au Ventre ; c'est alors qu'ils rencontrèrent Baviaan, le Babouin aboyeur à tête de chien, qui est Vraiment l'Animal le Plus Sage de Toute l'Afrique du Sud.
Léopard dit à Baviaan (il faisait très chaud ce jour-là) :
— Rien ne va plus ! Où est passé tout le gibier ?
Baviaan cligna de l'œil.
1 comment