Elle avait sur elle tous les vêtements qu’elle possédait et elle était très occupée. Ida ne lui parlait jamais.

Ida avait grandi. Il lui arrivait de songer à se trouver un mari mais elle savait bien qu’un mari signifierait le mariage le mariage des changements les changements d’autres noms et après tout elle avait déjà connu tellement de changements et elle n’avait que ce nom Ida et elle voulait le garder. Et puis il lui arriva encore une drôle de chose.

C’était l’hiver et en hiver le tonnerre grondait et Ida ne se demandait jamais pourquoi le tonnerre grondait en hiver et pourquoi la foudre frappait. C’était comme ça voilà tout.

Ida ne faisait pas attention à ces choses-là mais un jour elle vit un homme qui portait une réclame sur le dos, un homme-sandwich, c’était normal mais ce qui était drôle c’était qu’il s’était arrêté et qu’il s’était mis à parler comme s’il s’adressait à un monsieur important riche et bien habillé.

Ida était rentrée très vite.

Puis elle était allée vivre chez une autre grande-tante en dehors de la ville et là elle l’avait décidé et elle en avait parlé à son chien Amour, elle avait décidé d’être une jumelle.

Elle n’avait pas encore décidé d’être une jumelle qu’une autre drôle de chose lui était arrivée.

Elle se promenait avec son chien Amour, ils se promenaient et soudain il était parti aboyer après quelque chose, et ce quelque chose était un homme étendu sur le côté de la route il ne dormait pas, ses jambes ne bougeaient pas, il n’était pas mort, il roulait, il n’avait pas l’air heureux, pas heureux tout simplement, et il portait des habits de soldat. Le chien Amour était allé vers lui, pas pour renifler, pas pour aboyer, il était allé vers lui tout simplement et quand Ida s’était approchée elle s’était aperçue que ce n’était pas un Blanc, c’était un Arabe, et bien sûr le chien Amour n’aboyait pas après. Comment l’aurait-il pu puisque les Arabes sentent l’herbe et les champs et ne sentent rien d’humain ? Ida n’avait pas peur, il s’était levé l’Arabe et il avait fait des gestes comme pour demander à boire. Ida si ça avait été vers le soir, ce qui était le cas, et si elle avait été seule, ce qui était le cas, aurait pu avoir peur, mais elle répondit par gestes qu’elle n’avait rien, et l’Arabe s’était levé, et était resté planté là, et puis soudain il était parti. Ida au lieu d’aller là où elle allait s’en était retournée par où elle était venue.

Elle avait entendu parler de la religion mais il se trouvait qu’elle n’en avait jamais eu aucune. Un jour, c’était l’été, elle était ailleurs et avait vu un tas de gens sous les arbres et elle y était allée. Ils étaient là et quelqu’un tournait autour, ils étaient tous assis ou à genoux, pas tous mais la plupart et au milieu il y en avait une qui marchait lentement et ses bras avançaient lentement et tout le monde la suivait et certains quand leurs bras s’avançaient ne pouvaient plus les en empêcher. Ida était restée tant qu’elle pouvait et puis elle était partie. Elle restait toujours tant qu’elle pouvait.

Un jour, c’était avant ou après qu’elle avait fini par décider d’être une jumelle, elle était entrée dans un marathon. Elle ne cessait d’avancer, qu’elle dorme ou qu’elle marche, elle ne cessait d’avancer lentement. C’était là une de ces drôles de choses qui lui arrivaient. Puis elle avait vécu aux abords d’une ville, elle avait alors dix-huit ans, et elle s’était dit qu’elle en avait assez de n’être qu’une et elle avait dit à son chien Amour qu’elle allait être deux qu’elle allait être une jumelle. Et ce fut exactement ce qui se passa.

Ida s’écrivait souvent des lettres à elle-même autrement dit à sa sœur jumelle.

Ida ma chère sœur,

Je suis assise ici pas toute seule car ce cher Amour est avec moi, et je lui parle et il me parle, mais je suis toute seule et je pense à toi Ida ma chère sœur. Es-tu belle aussi belle que moi Ida ma chère sœur, dis-moi, et si tu l’es peut-être que je ne le suis pas. Je ne peux pas m’en aller Ida, je suis toujours là, si je ne suis pas ici je suis ailleurs, mais pour le moment je suis ici, je suis comme ça, mais pas toi chère Ida, tu n’es pas ici, si tu l’étais je ne pourrais pas t’écrire. Tu sais ce que je pense Ida, je pense que tu pourrais être une reine de beauté, une de celles qu’on élit quand tout le monde vote. On les élit et elles vont partout et tout le monde les regarde et tout le monde les voit. Chère Ida oh chère Ida je t’en prie je t’en prie sois-en une. Ne leur dis pas que tu t’appelles autrement qu’Ida et je sais qu’Ida gagnera, Ida Ida Ida,

ta sœur

Ida

Ida restait assise en silence à regarder son chien Amour et à jouer doucement du piano jusqu’à ce que la lumière baisse. Ida sortit et commença par fermer la porte elle sortit et se dit en sortant qu’elle était une beauté et qu’ils voteraient tous pour elle. Il lui fallait commencer par trouver l’endroit où on allait voter, mais ça n’avait aucune importance n’importe où ferait l’affaire ils voteraient pour elle absolument n’importe où, elle était si belle.

En s’en allant elle vit une petite fille gentiment habillée qui avait un bras cassé et qui lançait une pierre contre une fenêtre. C’était son bras droit à la petite fille qui était cassé. C’était un signe.

Et quand Ida arriva ils votèrent qu’elle était une grande beauté et la plus belle et la plus complète beauté et elle remporta cette année-là le premier prix de beauté pour le monde entier. Aussi facilement que ça. Elle s’appelait Ida et elle avait gagné.

Personne ne savait rien d’elle sauf que c’était Ida mais ça suffisait parce que c’était Ida, Ida la beauté.

Deuxième partie

Il se trouva qu’un vieil homme était entré là où on votait. Il ne savait pas qu’on votait pour le prix de beauté mais une fois entré il avait voté lui aussi.