– Chère Winnie nous sommes jumelles et tu t’appelles Winnie. Il ne m’arrivera plus jamais de n’être pas une jumelle,
Ta jumelle Ida
Il lui arrivait tant de choses à Winnie. Pourquoi pas puisque tout le monde savait son nom.
Il y avait deux personnes une fois qui s’étaient rencontrées. Elles s’étaient dit : qu’est-ce qu’on va faire ? Alors qu’est-ce qu’elles avaient fait. Elles étaient allées voir Winnie. Elles étaient allées regarder Winnie autrement dit.
Elles l’avaient regardée et s’étaient presque mises à pleurer. Et si je ne la regardais pas si je ne regardais pas Winnie, avait dit l’une d’elles. Et l’autre avait dit : eh bien c’est exactement l’impression que j’ai.
Au bout d’un moment elles s’étaient dit que ça y était, qu’elles avaient vu Winnie, qu’elles l’avaient regardée. Ça les avait rendues nerveuses parce que peut-être l’avaient-elles vraiment.
Dis-moi l’avons-nous vraiment, avait fait l’une d’elles et l’autre lui avait répondu : oui, nous l’avons.
Tu l’as vue avait fait l’une d’elles. Sûr que je l’ai vue et toi. Sûr avait-elle dit sûr que je l’ai vue.
Elles étaient reparties par où elles étaient venues.
Un jour Ida était allée acheter des chaussures. Quand elle allait en acheter des rouges elle aimait bien regarder les jaunes. Quand elle n’allait pas s’en acheter du tout elle aimait regarder les noires.
Dans le magasin de chaussures il y avait foule. C’était la veille de Pâques.
Il y avait beaucoup de place mais il y avait quelqu’un partout, difficile d’essayer les chaussures debout, difficile, presque impossible, elle attendit donc son tour, un homme était assis près de sa femme qui essayait des chaussures, pas lui, ni Ida, mais la vendeuse lui avait demandé de se lever, il s’était levé, et il n’avait pas eu un regard pour Ida. Ida en avait l’habitude.
Le magasin était bondé, personne ne regardait Ida. Des gens parlaient de Winnie. Mais vraiment, disaient-ils, est-ce qu’elle est si intéressante ? Ils n’arrêtaient pas de parler de ça.
La vie s’écoulait ainsi.
Il y avait Winnie.
De temps à autre les hommes sont les hommes et en voilà un qui vient d’Omaha, où ils mettent la main sur tout ce qu’ils peuvent. Il avait failli mettre la main sur Ida. Voici comment ça c’était passé.
Il était sorti un soir et il avait vu Winnie. Winnie était toujours là. Elle allait partout.
Il avait suivi Winnie.
Il savait très bien s’y prendre.
Le lendemain il était venu et il avait sonné.
Il avait demandé Winnie.
Naturellement il n’y avait pas de Winnie.
Ça n’était pas surprenant et ça ne l’avait pas surpris.
Il ne pouvait pas demander Ida puisqu’il ne la connaissait pas. Il avait failli la demander. Bon en un sens il avait demandé Ida.
Ida était venue.
Ida ce n’était pas Winnie. Pas du tout.
Ida et lui, l’homme d’Omaha, s’étaient dit comment allez-vous. Et puis ils s’étaient dit au revoir.
L’homme d’Omaha était parti. Il lui était encore arrivé de suivre Winnie mais il n’avait plus jamais sonné. Il n’était pas si bête.
Ida vivait seule. Elle essayait d’apprendre à son chien Iris à regarder les oiseaux mais il n’y faisait jamais attention. Dans le cas contraire ça l’aurait occupée il lui aurait fallu y faire attention elle aussi.
Drôle de vie qu’elle menait là Ida mais quand même ça lui permettait de tenir le coup.
Mais il s’était quand même passé quelque chose.
Un jour elle était là à ne rien faire et soudain elle s’était sentie toute drôle. Elle était sûre d’avoir perdu quelque chose.
1 comment