Retourne vite à la maison ; rassurez-vous tous. » L’enfant revient tout content nous raconter cela. – « Ah ! pauvre petit, me suis-je écrié, tu as, sans le vouloir, livré ton père ! »

PETIT-JEAN.

Que dites-vous ?

LE PÈRE POIRIER.

Je connais Sylvain… Plutôt que de laisser en prison la mère de ses enfants, il aura été se livrer… La preuve, c’est qu’aussitôt que Pierre nous a eu dit ce qu’il avait fait, je cours aussi vite que je peux avec Marie à la marnière. Sylvain n’y était plus… (Il pleure à chaudes larmes). Il se sera traîné jusqu’à Orléans pour se rendre prisonnier, afin qu’on mette Jeanne en liberté ;… à moins… que, perdant son sang, et, malgré son courage, hors d’état de sortir du bois, il ne soit mort au fond de quelque taillis… où les loups iront mettre son pauvre corps en lambeaux !… Misère de moi ! pourquoi ai-je vécu si vieux ! ! Le bon Dieu m’en voulait donc bien ;… je n’ai pourtant jamais fait de mal à personne ! (Il pleure).

PETIT-JEAN.

Bon père,… il y a déjà assez de malheurs sur votre famille… Vous le voyez, Jeanne est toujours prisonnière, soit qu’on la retienne avec Sylvain, soit que mon pauvre camarade ait, comme vous le craignez, trouvé la mort au fond des bois… Enfin, vos trois petits enfants n’ont plus que vous au monde… Si l’on me trouve dans cette maison, on vous arrête… Alors, que voulez-vous qu’ils deviennent ?… ils n’auront plus personne,… ces pauvres orphelins,… personne ;… je vous dis que je veux m’en aller de cette maison !… je ne resterai pas une minute ici !… Non ! (Il essaie encore, mais vainement de se traîner jusqu’à la porte). Cloué là… mon Dieu !… cloué là !… impossible de sortir ! malheur à moi ! Ah ! pourquoi ne suis-je pas mort sur la route ! Pauvres orphelins ! ils perdront leur dernier soutien ! et par ma faute,… par ma faute !

LE PÈRE POIRIER, amèrement.

Bah ! à quoi est-ce que je leur sers, à ces enfants ! Ce sont eux qui me soignent, je leur suis plutôt à charge ;… je n’ai pas pour longtemps à vivre !… je le sens bien… Et quand ils n’auront plus ni père, ni mère, ni grand-père, en ne les tuera pas peut-être, ces petits malheureux ! On les enverra au dépôt des mendiants,… et de là… à la prison des jeunes vagabonds,… où ils deviendront sans doute comme tant d’autres, de mauvais sujets… Eux ! ! (Il pleure). Pauvres chères créatures ! Élevés jusqu’ici… par nous si honnêtement, si bravement, que c’était un charme de les voir et de les aimer…

PETIT-JEAN.

Père Poirier,… par pitié,… écoutez-moi !

LE PÈRE POIRIER.

Tout ce que vous direz ou rien, c’est la même chose ! Vous me voudriez du mal, que je n’aurais pas le cœur de vous laisser dehors par un temps pareil ! Ainsi, au lieu de vous obstiner à passer la nuit sur le carreau, aidez-vous, je vous porterai sur le lit, vous y reposerez, vous reprendrez des forces ; et si demain matin vous êtes en état de marcher,… un des enfants vous conduira à la marnière… C’est une cachette sûre, puisque mon pauvre Sylvain y est resté sans être découvert. Allons ! Petit-Jean, soyez raisonnable. Que les soldats vous trouvent ici couché par terre ou sur le lit, est-ce que l’on ne m’arrêtera pas tout de même, si l’on doit m’arrêter ? Tandis que si vous passez une bonne nuit, au lieu d’en passer une mauvaise, vous serez peut-être demain matin en état de quitter la maison.

PETIT-JEAN.

Je suis obligé de faire ce que vous voulez ;… je me sens hors d’état de faire un pas ;… je vais essayer, avec votre aide, de me mettre sur le lit, et peut-être, au bout de quelques heures de repos, je pourrai repartir.

Petit-Jean, grâce au secours que lui prête le vieillard, parvient à monter sur le lit, et s’y couche avec un bien-être, avec un délassement inexprimables, après ces deux jours passés à errer dans les bois.

LE PÈRE POIRIER, étendant avec sollicitude sur Petit-Jean une couverture de laine.

Il y a du pain à la maison, voulez-vous manger un morceau ?

PETIT-JEAN.

Merci ! ce matin, Jacques Denis, forcé de me refuser un asile, m’a donné quelques provisions ; elles m’ont duré jusqu’à ce soir. Mais, j’ai grand’soif…

LE PÈRE POIRIER.

Je vais mettre de l’eau avec ce qui reste de vin dans le pot,… ça vous fera une boisson (S’occupant de ce soin). Et vos blessures, mon pauvre garçon ?

PETIT-JEAN.

Celle de la jambe m’est encore bien sensible ; mais, je ne sens plus beaucoup la plaie que j’ai au bras.

LE PÈRE POIRIER.

Voulez-vous que j’essaie de vous panser ?

PETIT-JEAN.

Merci, bon père ! Je crains qu’en arrachant les linges qui sont collés sur le sang caillé, cela ne ravive mes blessures… Le repos me fera du bien ;… je me sens accablé de sommeil ;… mes yeux se ferment malgré moi… (Sa tête appesantie retombe sur le traversin ; mais, tressaillant au bout d’un instant) : Mon Dieu ! si l’on allait me trouver chez vous !…

LE PÈRE POIRIER, lui présentant à boire.

Ne songez pas à cela ;… buvez et faites un bon somme.

PETIT-JEAN, après avoir bu.

Oh ! je le voudrais !… pour pouvoir partir d’ici dans quelques heures !…

LE PÈRE POIRIER.

Nous verrons cela plus tard ; tâchez d’abord de dormir,… de vous reposer.

PETIT-JEAN, cédant peu à peu au sommeil qui le gagne.

Merci, bon vieux père !… je… suis… si… fatigué !… Ah !… c’est… bon… un lit !… Mon Dieu !… si l’on… me… trouvait… chez…

Petit-Jean n’achève pas, sa voix expire sur ses lèvres ; il s’endort bientôt profondément. Le vieillard, après avoir couvert l’ami de son fils avec quelques bardes qu’il place par-dessus la couverture, éteint la lampe, revient près du foyer, renverse un escabeau qui doit lui servir d’oreiller ; puis, amoncelant des bruyères sèches sur le sol, il s’y étend, en disant d’une voix navrante :

– Ah ! dans les bois,… je couchais aussi autrefois toute la nuit sur la dure ;… mais, chaque dimanche je descendais au village et je voyais mon Sylvain… Ah ! mon pauvre enfant ! mon pauvre enfant !… c’est fini…

Le vieillard ferme ses yeux d’où coulent ses larmes ; il espère, en s’isolant ainsi de la lumière que répand le foyer, trouver le sommeil et l’oubli passager de sa douleur ; peu à peu, ainsi que Petit-Jean, il s’endort. Le plus profond silence règne dans la maison ; les dernières lueurs du brasier expirant jettent leurs reflets rougeâtres sur le vieillard endormi et sur le lit où repose Petit-Jean. Bientôt celui-ci, sous l’obsession d’un songe, murmure avec effort :

– Soldats ! Vive… la loi… la… République !… Sylvain !… mon ami !,… si… l’on… me… trouvait… chez toi… oh !… je… ta femme, tes enfants…

Petit-Jean balbutie encore quelques mots d’une voix de plus en plus affaiblie. Le silence redevient profond, et bientôt minuit sonne dans le lointain, à la paroisse de Saint-Laurent-des-Eaux.

* * *

Le jour commence à poindre ; Petit-Jean et le père Poirier sont toujours endormis. Soudain des coups de crosse de fusil ébranlent la porte de la maison, et l’on entend au dehors un piétinement de chevaux, un cahotement de roues et un bourdonnement confus qui annoncent la présence d’une troupe considérable.

Au bruit des coups de crosse qui ébranlent la porte, le père Poirier, dont le sommeil est plus léger que celui de Petit-Jean, brisé de fatigue, le père Poirier, éveillé en sursaut, regarde autour de lui avec surprise et inquiétude ; puis, il entend les enfants, renfermés dans la chambre voisine, lui crier avec épouvante :

– Grand-père ! voilà des soldats ! de la cavalerie ! des canons ! nous les voyons par la fenêtre !

À ce moment, on frappe de nouveau la porte à coups de crosse de fusil, et plusieurs voix disent : – Ouvrez !… ouvrez !…

LE PÈRE POIRIER, se levant péniblement de sa couche de bruyères.

Petit-Jean s’en doutait ;… c’est une colonne mobile… qui fouille le pays… Il n’y a pas d’espoir de le faire échapper… Pauvre garçon ! (Le regardant avec compassion) : – Quel dommage ! il dort d’un si bon cœur ! (Petit-Jean dort, en effet, si profondément qu’il n’a rien entendu). Allons, c’est fini pour lui (Se dirigeant presque courbé en deux vers la porte). Quant à moi,… il paraît que c’est les galères, les galères !… pour donner refuge à un ami ! Quel temps ! ! Misère de moi ! j’ai vécu trop vieux !

Le père Poirier ouvre la porte de la maison, et, à la pâle clarté du jour naissant, obscurci par une neige épaisse qui tombe à gros flocons, voici ce qu’il voit :

Un officier général à cheval, enveloppé d’un burnous bleu, à capuchon, couvert de neige, se tient à peu de distance d’une compagnie de bussards portant de longs manteaux blancs ; un bataillon d’infanterie, aux pantalons rouges et aux capotes grises, a fait halte sur la route ; plus loin, deux obusiers de montagne, conduits à la prolonge par des soldats du train, sont escortés par un piquet de cavaliers d’artillerie, vêtus de manteaux bleus à galons rouges ; enfin, à peu de distance de la maison, sont arrêtées sur la route deux grandes charrettes à trois chevaux ; elles sont encombrées de prisonniers ; plusieurs d’entre eux sont blessés : les uns ont la tête à demi couverte d’un linge ensanglanté, les autres un bras enveloppé d’un mouchoir noué en écharpe ; des bourgeois, de riches propriétaires, des médecins, des avocats, des fermiers, tous, solidement garrottés, sont assis ou couchés dans ces voitures, à côté de paysans vêtus de blouses ou d’habits rustiques. On remarque plusieurs paysannes au milieu de cet entassement d’insurgés de tout état, de tout âge, à demi couverts de neige, bleuis par le froid et frissonnant de tous leurs membres : les uns mornes, abattus ; les autres calmes, dédaigneux ou résolus. Plusieurs captifs, attachés deux à deux par des cordes et n’ayant pu trouver place sur les voitures, sont près des roues, debout ou accroupis sur le sol ; aux ridelles des charrettes sont attachés quelques fusils de chasse et de gardes nationaux, enlevés aux insurgés. Les soldats restent, pour la plupart, silencieux et sombres ; on n’entend aucun de ces joyeux propos qui circulent ordinairement dans une troupe en halte. Contenus par l’habitude de la discipline, un vague et secret remords pèse cependant sur la conscience de ces soldats, enfants du peuple, presque tous paysans et forcés de traiter leurs frères en ennemis ; quelques-uns seulement, les moins jeunes et surtout lorsqu’ils sont placés près des officiers, ricanent tout haut, et plaisantent, en termes de caserne, sur cette chasse aux Bédouins, et quelques-uns essuient à l’herbe du chemin leurs baïonnettes, rougies de sang.

Les officiers, selon que leur rang les rapproche des grades supérieurs, affectent une contenance et un langage de plus en plus sardoniques ou farouches ; mais les sous-lieutenants, les lieutenants et bon nombre de capitaines, impassibles et soucieux, exécutent cette sanglante razzia de citoyens, avec une résignation militaire ou une obéissance passive et machinale ; ils exécutent aveuglément, fatalement, des ordres inexorables ; le sentiment du droit, de la justice et de la liberté a été comprimé, étouffé chez eux, par la discipline ; mais, du moins, ils n’insultent pas ces insurgés, héroïques défenseurs du droit, de la justice et de la liberté.

Les chefs de cette colonne mobile, plus en évidence, plus à même d’obtenir un avancement rapide, se montrent, au contraire, pour le mériter, menaçants, impitoyables ; l’un d’eux, chef de bataillon d’infanterie, homme à l’œil injecté de sang et à longues moustaches rousses, se détachant du groupe au milieu duquel se trouve l’officier général, descend de cheval, le donne à tenir à un grenadier, et dit d’une voix haute et rude à ses soldats :

– Quatre hommes, pour fouiller cette maison !

LE PÈRE POIRIER, debout au seuil de la porte, se range pour laisser passer les soldats, et se dit :

De l’infanterie,… de la cavalerie,… du canon,… et un général,… pour assiéger la cabane à Sylvain !… Que voilà une belle guerre !

L’OFFICIER SUPÉRIEUR, au vieillard.

Tu es le maître de cette maison ?

LE PÈRE POIRIER.

C’est mon fils qui en est locataire…

L’OFFICIER SUPÉRIEUR, entrant dans la chambre avec ses hommes et suivi du vieillard.

Si tu as eu le malheur de cacher ici un insurgé,… ton compte est bon !…

L’officier supérieur, précédant le père Poirier dans la chambre, et apercevant aussitôt le lit où est couché Petit-Jean, toujours profondément endormi, s’approche, lève brusquement la couverture et les bardes sous lesquelles repose l’insurgé tout vêtu, et remarque du sang à la manche gauche de sa blouse grise.

L’OFFICIER SUPÉRIEUR, se retournant vers le vieillard et lui lançant un regard terrible.

Cet homme est blessé ! c’est un brigand d’insurgé !… Tu le cachais, vieux gredin !

LE PÈRE POIRIER.

Vous faites les demandes et les réponses ; qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ?

L’OFFICIER SUPÉRIEUR, secouant rudement d’une main Petit-Jean par son bras blessé, montre le poing au vieillard.

Toi !… tu en as pour vingt ans de galères !

LE PÈRE POIRIER, haussant les épaules.

Merci, Monsieur, ça fait que vous m’assurez que je vivrai jusqu’à quatre-vingt-quinze ans,… vu que j’en ai soixante et quinze. Je ne croyais pas devoir vivre si vieux ! (Il regarde Petit-Jean les larmes aux yeux). Pauvre garçon,… il dormait si bien ! Quel réveil…

L’OFFICIER SUPÉRIEUR, à Petit-Jean, le secouant toujours par son bras blessé.

Je vais t’apprendre à faire la marmotte, moi, b… de partageux !

PETIT-JEAN, à demi éveillé par la douleur, jette un cri déchirant en portant la main droite à sa blessure.

Ah !… vous me faites bien mal ! !… (Il s’assied sur son séant, promène autour de lui ses yeux effarés ; puis, se réveillant tout à fait, voyant l’officier supérieur près de son lit, et à travers la porte, une masse de soldats, il comprend tout, et s’écrie avec désespoir) : – Ah ! père Poirier,… je vous l’avais bien dit ! vous êtes perdu ! c’est ma faute ! (Il cache sa figure sur le traversin, et éclate en gémissements). Mon Dieu,… c’est ma faute !

L’OFFICIER SUPÉRIEUR, au vieillard.

Comment, misérable ! tu savais à quoi tu t’exposais en cachant ce brigand-là ?

LE PÈRE POIRIER, intrépidement.

Oui, je le savais ! !

L’OFFICIER SUPÉRIEUR.

Et tu as osé…

LE PÈRE POIRIER, relevant fièrement la tête.

Petit-Jean était l’ami de mon fils…

L’OFFICIER SUPÉRIEUR.

Puisque ton fils a de tels amis, ça doit être un fier gueux… Où est-il ?

LE PÈRE POIRIER, avec un éclat de rire effrayant.

Ah ! ah ! ah ! où il est ?… Il est en prison ! ! sa femme aussi,… et moi je vas aller aux galères,… à soixante-quinze ans ! après avoir été toute ma vie honnête homme ! Merci bien, Monsieur ! merci de vous charger du vieux père Poirier… Dam… je ferai un chétif galérien, et je ne durerai guère longtemps ; mais, ça n’est point ma faute… (Appelant).  ! Pierre, hé ! Marie !… venez embrasser votre grand-père pour la dernière fois ; pauvres chers enfants,… vous ne le reverrez plus jamais !…

Deux des soldats qui, pendant l’entretien du vieillard et de l’officier supérieur, ont été visiter la chambre où couchaient Pierre et Marie, rentrent, en disant :

– Mon commandant, il n’y a là-dedans que trois enfants.

Pierre et Marie, à la voix du père Poirier, accourent effarés, éplorés, sur les pas des soldats, et se jettent au cou du vieillard.

Le père Poirier embrasse les enfants en sanglotant, sans pouvoir d’abord prononcer une parole ; le petit Dominique, son Benjamin, est surtout l’objet de ses caresses déchirantes, et le vieillard murmure au milieu de ses sanglots :

– C’est fini,… cher petit,… le vieux père ne te fera plus de jolis sabots, le soir à la veillée !… Adieu, mes enfants !… Marie,… veille bien sur tes frères… Vous voilà tous trois de pauvres abandonnés, sans père ni mère !

PETIT-JEAN, se jetant à bas du lit, et d’une voix suppliante au commandant :

Monsieur,… par pitié,… laissez à ces enfants leur grand-père,… c’est le seul parent qui leur reste…

L’OFFICIER SUPÉRIEUR.

F… la paix, brigand de partageux ! (À ses hommes). Emmenez le vieux et le jeune. (Il sort).

PETIT-JEAN, d’une voix éclatante.

Les brigands sont ceux qui violent la loi !… Les honnêtes gens sont ceux qui, comme nous, l’ont défendue ! ! (S’adressant aux deux soldats qui s’approchent de lui pour l’entraîner) : Ah ! mes amis, quel métier on vous impose !

UN GRENADIER, à voix basse.

Hé…s…n… de Dieu ! qu’est-ce que vous voulez que nous y fassions nous autres !… On nous fusillerait comme des chiens si nous n’obéissions pas ! Prenez-vous en à nos chefs !

L’AUTRE GRENADIER, s’approchant du père Poirier que les deux enfants enlacent en sanglotant.

(À part.) Cochon de sort ! ! je n’en ai jamais tant fait en Afrique ! et, au moins, les Bédouins ne parlent pas français ! (Haut). Allons, mon pauvre vieux,… en route ;… il y a encore place dans la charrette…

PETIT-JEAN, donnant son bras au vieillard.

Je vous le disais bien,… c’est moi qui vous ai perdu ! Ah ! je ne me le pardonnerai jamais !

LE PÈRE POIRIER, avec un cri de joie soudaine.

J’y pense ! si mon fils est en prison… à Orléans, je le verrai encore une fois ! !… Je le verrai !… quel bonheur !

Les soldats emmènent le vieillard et l’insurgé ; les enfants de Sylvain tombent agenouillés au seuil de la porte, les mains jointes et en gémissant. On accouple Petit-Jean, au moyen d’une corde, avec un autre paysan ; le père Poirier trouve place sur la charrette. L’officier supérieur, après avoir consulté le général, lève son sabre ; les tambours battent un long roulement ; la colonne mobile se remet en marche.

PETIT-JEAN, d’une voix éclatante.

Vive la loi !… Vive la constitution !… Vive la République ! !

TOUS LES PRISONNIERS, avec enthousiasme.

Vive la République !… Vive la constitution !… Vive la loi ! !

L’OFFICIER SUPÉRIEUR se tourne vers les prisonniers d’un air menaçant.

La loi ! (Leur montrant son sabre).