Il redevint maître de Florence, d'où il chassa pour la seconde fois les Guelfes ; mais dans le conseil tenu à Empoli, et où les Gibelins proposèrent la destruction complète de Florence. Farinata fut le seul à s'opposer à cette décision. Deux ans après sa mort, les Guelfes revenaient à Florence, d'où les Gibelins étaient chassés définitivement, et la famille de Farinata avec eux. Cf. E. Parodi, Farinata, dans Poesia e storia nella Divina Commedia, Naples 1920, pp. 533-566 ; M. Barbi, Il canto di Farinata, dans Con Dante e coi suoi interpreti. Florence 1941, pp. 153-211 ; E. Auerbach, Farinata and Cavalcante, dans Kenyon Review, XIV (1952), pp. 207-242. La présence de Farinata parmi les hérésiarques se trouve justifiée par une condamnation que sa mémoire souffrit le 9 octobre 1283, soit dix-neuf ans après sa mort ; cf. N. Ottokar, La condanna postuma di Farinata degli Uberti, dans Archivio storico italiano, LXXXVII, 2 (1919). p. 155-163.
[89] Cavalcante Cavalcanti, chevalier florentin, Guelfe comme Dante et matérialiste comme Farinata. « Gentilhomme bien fait et riche, dit Boccace, il suivit l'opinion d'Épicure, selon laquelle l'âme ne survit pas au corps, et les plaisirs des sens sont le seul vrai bonheur. » Il était père de Guido Cavalcanti, qui fut ami de Dante, Guelfe comme lui, et avec lui le meilleur poète du dolce stil nuovo.
[90] Ce vers a été très souvent et très diversement interprété. On peut l'expliquer de deux manières, selon qu'on traduit : « Celui qui attend là me mène par ici, vers celle que votre Guido a peut-être dédaignée », ou : « Celui qui attend là me mène par ici, et votre Guido l'a peut-être dédaigné. » Les deux traductions sont possibles ; mais la première semble un peu moins naturelle. D'après_ ceux qui préfèrent le premier sens, Dante dit que son ami n'avait pas assez aimé Béatrice, ou Monna Vanna (L. Pietrobono) ; il serait peut-être plus naturel de penser que Guido n'avait pas assez aimé le symbole représenté par Béatrice, c'est-à-dire que sa foi n'avait pas été suffisante pour le conduire sur ces mêmes chemins. Pour les autres, Cavalcanti n'a pas aimé Virgile, soit parce qu'il n'aimait pas le latin ; ou parce qu'il faut entendre par Virgile la raison illuminée par la foi (D'Ovidio) ; ou parce que Virgile était le poète de l'Empire, dont l'idéal contrariait les idées guelfes de Cavalcanti ; ou enfin, plus probablement, parce que Guido n'avait pas cultivé la poésie épique ou « tragique » dont Virgile était aux yeux de Dante le meilleur modèle, et s'était contenté d'être un simple rimeur de sonnets et de chansons, alors que Dante, grâce à Virgile, était devenu poète, avec tout ce que ce nom, du point de vue de Dante, acquiert de dignité et de noblesse (Federzoni, Studi e diporti danteschi, Bologne 1902, pp. 145-152). Quelle que puisse être l'explication de cette expression assez ambiguë, il ne faut pas perdre de vue qu'elle se trouve considérablement atténuée par ce « peut-être » qu'ajoute le poète et qui indique qu'il faut tout comprendre comme des nuances, et non pas comme des vérités de fait.
[91] Le sens de cette hésitation se trouve expliqué un peu plus loin.
[92] La dame qui règne aux Enfers, Hécate, déesse de la lune : ce qui veut dire que, dans moins de cinquante lunaisons, le poète jugera autrement de l'art de revenir sur les lieux d'où l'on a été chassé. Les cinquante lunaisons mènent d'avril 1300 à juin 1304. Dante avait été exilé depuis janvier 1302 : on ne saurait dire pourquoi Farinata lui fait attendre deux ans de plus, pour découvrir à quel point l'exil pèsera sur son destin.
[93] La famille des Uberti avait été décrétée ennemie de la patrie à Florence ; à l'endroit où s'élevait leur maison, démolie par décret de la République, fut ouverte la place de la Signoria ; et tous les pardons octroyés aux exilés exceptaient les Uberti.
[94] Ceci s'applique sans doute à l'exclamation de Cavalcanti, qui croyait son fils mort : preuve qu'il ne savait pas ce qui se passait en ce même instant sur la terre.
[95] L'explication est sans doute une excuse, sans qu'elle soit nécessairement exacte. Dante dit qu'il n'a pas répondu à Cavalcanti, parce qu'il pensait que les morts doivent savoir la vérité sur ce qui se passe dans le monde ; mais s'il le pensait, pourquoi le demande-t-il encore à Farinata ? Tout cet épisode paraît témoigner d'un certain embarras. Guido Cavalcanti devait mourir quelques mois après l'époque où se place le voyage de Dante : il était sans doute déjà mort, au moment où Dante écrivait ces vers. Il s'agissait donc, pour le poète, de savoir s'il parlerait de son ami comme d'un vivant, ou comme d'un mort, ou comme de quelqu'un qui allait mourir. C'est ce qui pourrait expliquer ses hésitations.
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