Sans air, sans jour, sans point d'appui,
L'homme le sent flotter rompu derrière lui.
Un vivant n'est plus là qu'un rêve dans un gouffre.
Entrer là, c'est entrer dans de l'oubli. L'on souffre,
On rampe, on saigne, on râle, on crie; on ne sait pas.
Le captif va, vient, tremble; il fait de vagues pas,
Sent à son pied sa chaîne et s'arrête farouche,
Boit à sa cruche, mord à son pain noir, se couche,
Se lève, se rendort, tressaille, et, réveillé,
Dit: Où suis-je? que suis-je? et tâte un mur mouillé.
Il ne sait plus qu'il souffre, il ne sent plus qu'il pleure;
Il semble à ce damné qu'il s'enfonce à chaque heure
Plus bas dans la prison, et que, dans lui vivant,
La prison chaque jour pénètre plus avant;
La Bastille le tient; hagard, il s'incorpore
A cet épouvantable et hideux madrépore;
Morne, il constate, au froid toujours croissant du fer,
La transformation de son bagne en enfer;
Il croit que l'heure est morte au-dessus de sa tête,
Et que l'éternité dans son cachot s'arrête.
Est-ce que son œil voit? est-ce que son cœur bat?
Il s'accoude des mois entiers sur son grabat,
Ecoutant dans un coin filer quelque araignée.
Son âme se détache et lui semble éloignée;
Il croit heurter sa bière en touchant à son lit;
L'évanouissement par degrés le remplit;
Il ne peut plus fixer un temps, compter un nombre;
La pierre devient nuit, lui-même il devient ombre,
Et sent croître, à travers la stupeur de l'ennui,
Autour de lui la tombe et le fantôme en lui.
… … … … … … … … … … … … … … … … … …
… … … … … … … … … … … … … … … … … …
O triste genre humain! Sur tous les échafauds
Tant de sang fut versé dans les deux hémisphères
Que du fer qu'on en eût tiré l'on eût pu faire
Hélas! tous les barreaux de toutes les prisons!
… … … … … … … … … … … … … … … … … …
… … … … … … … … … … … … … … … … … …
… le cabanon prépare à l'échafaud.
Le patient commence au captif; les supplices
Ont pour aide la geôle obscure, et pour complices
La cruche d'eau, l'ennui, la paille, le barreau;
Qu'est-ce que les verrous? des valets du bourreau.
… … … … … … … … … … … … … … … … … …
L'énorme tour a douze étages de cachots,
Noirs, hideux, et selon la saison, froids ou chauds;
Des fournaises en juin, en janvier des glacières;
Chaque cellule est basse, et l'on voit des poussières
Qui jadis ont vécu, dans l'ombre des piliers;
Des squelettes, dans l'angle obscur des escaliers,
Sont adossés au mur, ayant au cou des chaînes;
On entend le vent fuir dans les forêts prochaines,
Et les captifs au fond du donjon sont pensifs;
Les portes sont de fer, les verrous sont massifs,
Et le trousseau de clefs fait la charge d'un homme.
Le roi, qui des deniers du peuple est économe,
A quinze ou vingt palais à meubler, de façon
Qu'il n'a pas de quoi mettre un lit dans la prison;
Aussi les prisonniers couchent-ils sur la pierre.
Cent vingt archers du guet, à la longue rapière,
Graves, muets, portant la jaquette à grands plis
Sous le hoqueton bleu semé de fleurs-de-lys,
Veillent du haut en bas, six devant chaque porte.
… … … … … … … … … … … … … … … … … …
Oh! qu'elle avait commis de crimes, la géante!
II
CAMILLE ET LUCILE
III
LA PRISE DE LA BASTILLE
——————————————
DÉNOUEMENT
SATAN PARDONNÉ
… … … … … … … … … … … … … … … … … …
Le sanglot de Satan dans l'ombre continue.
Satan sous sa voûte
Je me dresse, marqué par l'effroyable trait:
Dernier degré de l'horreur! - L'amour me hait.
DIEU PARLE DANS L'INFINI
Non, je ne te hais pas
… … ..
Un ange est entre nous; ce qu'elle a fait te compte;
L'homme, enchaîné par toi, par elle est délivré.
Ô Satan, tu peux dire à présent: je vivrai!
Viens, la prison détruite abolit la géhenne!
Viens, l'ange Liberté c'est ta fille et la mienne.
Cette paternité sublime nous unit.
L'archange ressuscite et le démon finit,
Et j'efface la nuit infâme, et rien n'en reste;
Satan est mort, renais, ô Lucifer céleste!
Remonte hors de l'ombre avec l'aurore au front!
… … … .
À écrire au verso de la dernière page
Ô mondes du dehors, Dieu rayonne pour tous,
Vos mystères profonds ne regardent que vous.
Chapitre 7
Les Grands Morts
Au loin sous une brume aux épaisseurs profondes,
L'œil, dans l'obscurité, plus bas que tous les mondes,
Voit vaguement des fronts énormes s'agiter.
Tâchant encor d'aider l'homme et de l'assister,
Ils sont tous là, pensifs, sur de ténébreux trônes,
Les guides des Sions, des Tyrs, des Babylones,
Tous ceux que la nature et l'art ont pour docteurs,
Tous les contemplateurs et tous les rédempteurs
Qui bravèrent du sphinx la figure camuse,
Tous ceux qui, par l'esprit, la vision, la muse,
Fouillant l'énigme monde et l'énigme destin,
De quelque âge nocturne ont été le matin.
Les plongeurs du chaos, les sondeurs du désastre,
Moïse, Orphée, Hermès, Socrate, Zoroastre,
Michel-Ange, Gama, le chercheur hasardeux,
Milton, Newton, Jean Huss, Tell, Shakspeare; et près d'eux,
Tous les autres pasteurs des humanités sombres
Que d'autres sphères vont promenant dans les ombres,
Tous les puissants Colombs et tous les Christs divins,
Tous les Dantes, les Jobs, les Luthers, les Calvins,
Et tous les Mahomets de tous les autres globes,
Géants ayant du jour dans les plis de leurs robes,
Sont là; les Spinosas comme les Aarons;
Formes d'une autre vie et que nous ignorons;
Ils ne se parlent pas; et, d'un geste farouche,
Ils écoutent, penchés et le doigt sur la bouche;
Leur âme en leurs yeux brille; ils écoutent le bruit.
Ce concile de l'ombre est assis dans la nuit.
L'esprit monte, descend et plane l'aile haute,
Sur cette formidable et sombre Pentecôte;
Ils lisent à la fois hier, aujourd'hui, demain;
Leur crâne est transparent pour leur œil surhumain,
Et chacun d'eux s'adosse à quelque grand pilastre.
Sur leur tête l'idée éclôt et devient astre,
Et luit comme Vénus qui brille au fond des soirs
À l'heure où le bœuf roux descend des abreuvoirs,
Où l'on entend hennir sur les monts les cavales.
Ces comètes qu'on voit passer par intervalles
Avec une lumière immense dans les cieux,
S'allongeant à travers l'éther silencieux,
Flamboyantes, à l'ombre éternelle mêlées,
Sont des langues de feu de leurs fronts envolées.
17 avril 1855
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Anonyme en 1759, Candide est attribué à un certain « Monsieur le
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qui pourrait hésiter sur le genre de l’ouvrage : conte ou essai ?
Art mineur ou art noble ? L’auteur prend, dès les premières lignes,
position contre la noblesse aux titres bien plus ronflants que
celui-ci. Et que dire du nom du soi-disant docteur Ralph ? Rien de
plus qu’une onomatopée qui ne laisse aucun doute sur le ton de
cette œuvre (voir Thunder-Ten-Tronckh, le château de la situation
initiale). Cette œuvre si ironique dès les premières lignes, ne
laisse aucun doute sur l’origine de l’auteur, qui ne pouvait faire
partie que des Lumières. Et de là à pense
Voltaire
Oedipe

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