Tu ne me croirais pas, Monsieur Bondy. Vrai, ils n’ont pas lancé loin, forcément, avec des bras si courts. Mais c’est drôle, mon vieux. Si vous êtes adroits comme ça, mes petits, que je leur fais, alors essayez un peu d’ouvrir un coquillage avec mon couteau. Et je leur mets le couteau par terre. Ils ont été intimidés un moment, puis en voilà un qui essaye et qui fourre la pointe du couteau entre les deux coquilles. Il faut faire levier, que je lui dis, levier, see ? retourner le couteau comme ça et ça y est. Et il essaye et essaye, le pauvrette, puis ça a sauté et le coquillage s’est ouvert. Tu vois, que je lui dis. Ce n’est pas si difficile. Si un païen de Batak ou de Cingalais peut faire ça, pourquoi pas un tapa-boy, ben voyons ? Tout de même, je vais pas leur dire à ces lézards, Monsieur Bondy, que c’est un fantastique marvel et miracle qu’une bête soit arrivée à faire ça. Mais maintenant, je peux le dire, j’étais, j’étais… ben complètement thunderstruck.
— Stupéfait, lui souffla Monsieur Bondy.
— Ja, right you are. Stupéfait… Ben, ça m’a tellement mis martel en tête que j’y suis resté encore un jour, avec mon bateau. Et le soir, je suis encore allé à Devil Bay et j’ai encore vu ces sharks bouffer mes lézards. Et cette nuit-là, mon gars, j’ai juré que ça ne se passerait pas comme ça. Et je leur ai donné ma parole d’honneur, Monsieur Bondy. Tapa-boys, ici, sous ces terribles étoiles, Captain Van Toch promet de vous aider.
IV
L’affaire du capitaine Van Toch
Arrivé à cet endroit de son récit, le capitaine Van Toch était si ému et bouleversé que ses cheveux se dressèrent sur sa nuque.
— Ja, Monsieur, j’ai juré. Et à partir de ce moment-là, je n’ai plus eu une minute de paix. J’ai pris mes vacances à Batang et j’ai expédié cent cinquante-sept perles à ces Juifs d’Amsterdam, tout ce qu’elles m’avaient apporté, les bêtes. Puis, j’ai trouvé une espèce de type, c’était un Dajak et un shark killer, qui tue les requins dans l’eau avec un couteau. Un terrible voleur et un assassin, ce Dajak-là. Et avec lui, sur un petit tramp-bateau, je retourne à Tana Masa et maintenant, fella, tu vas me tuer les requins avec ton couteau. Je voulais qu’il les tue tous, les requins, pour qu’ils laissent mes lézards tranquilles. C’était un assassin et un païen, ce Dajak-là, et il n’avait même pas peur des tapa-boys. Diables ou pas diables, ça lui était bien égal. Et pendant que je faisais mes observations et experiments avec ces lézards… minute, j’ai tout ça dans mon livre de bord dans lequel j’ai écrit tous les jours.
Le capitaine tira un volumineux calepin de sa poche intérieure et se mit à le feuilleter.
— Alors, quel jour sommes-nous ? Vrai, le vingt-cinq juin. Alors, le vingt-cinq juin, par exemple, c’était donc l’année dernière. Ja, voilà. Le Dajak a tué un requin. Les lézards s’intéressent beaucoup à ce salaud. Toby… c’était un petit lézard mais drôlement malin, expliqua le capitaine, il fallait bien que je leur donne des noms, hein ? pour pouvoir en parler dans mon livre.
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