La maison vide - Recueil Le retour de Sherlock Holmes
La maison vide - Recueil Le retour de Sherlock Holmes
Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits »
Arthur Conan Doyle
1859-1930
LA MAISON VIDE
Le retour de Sherlock Holmes
(septembre 1903)
Table des matières
La maison vide ......................................................................... 3
Toutes les aventures de Sherlock Holmes ............................. 35
À propos de cette édition électronique .................................. 38
La maison vide
Au printemps de 1894, tout Londres s’émut, et la haute
société s’épouvanta, de la mort de l’honorable Ronald Adair
assassiné dans des circonstances étranges, inexplicables.
L’enquête de police a mis en lumière certains détails, mais tout
n’a pas été dit : en effet l’accusation disposait d’une base si solide
qu’elle n’a pas jugé nécessaire de produire les faits dans leur
totalité.
Aujourd’hui seulement, c’est-à-dire dix ans après, me voici en
mesure de présenter au public l’enchaînement complet des
événements. Certes le crime lui-même ne manquait pas d’intérêt !
Mais ses suites m’apportèrent la surprise la plus grande et le choc
le plus violent d’une vie pourtant fertile en aventures. Encore
maintenant, lorsque j’y réfléchis, je retrouve en moi un écho de
cette subite explosion de joie, de stupeur et d’incrédulité qui
m’envahit alors.
Que le lecteur me pardonne ! Je sais jusqu’à quel point il s’est
passionné pour les quelques histoires qui lui ont révélé les
pensées et les actes d’un homme tout à fait exceptionnel. Mais
qu’il ne me blâme pas de ne pas lui avoir appris plus tôt la
nouvelle ! Ç’aurait été mon premier devoir si je n’avais été
empêché de le remplir par défense formelle qui m’avait été faite
et qui n’a été levée que le 3 du mois dernier.
Mon étroite amitié avec Sherlock Holmes avait suscité et
développé un goût profond pour l’enquête criminelle. Ce goût
survécut à la disparition de mon camarade. Je ne manquai jamais
par la suite d’étudier les diverses énigmes que l’actualité
proposait au public. Plus d’une fois, mais uniquement pour mon
plaisir personnel, je voulus m’inspirer de ses méthodes pour
trouver des solutions… avec, j’en conviens, un succès inégal. Rien
néanmoins n’aviva plus ma curiosité que la tragédie dont Ronald
Adair fut la victime. Et quand je lus dans la presse les
témoignages recueillis au cours de l’enquête qui avait entraîné un
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verdict d’assassinat contre inconnu ou inconnus, je mesurai toute
l’étendue de la perte que la mort de Sherlock Holmes avait
infligée à la société.
Cette affaire mystérieuse fourmillait de particularités qui, j’en
étais sûr, l’auraient déchaîné. La police aurait vu son action
secondée, et probablement anticipée, par l’agilité intellectuelle et
la prodigieuse faculté d’observation du premier détective
d’Europe. Je me rappelle que ce jour-là, tout en passant la revue
de mes malades, je tournai et retournai dans ma tête les éléments
dont je disposais pour reconstituer le drame sans pouvoir mettre
sur pied une explication satisfaisante… Allons, au risque de
répéter une vieille histoire trop connue, je vais récapituler
d’abord les faits établis par l’enquête.
L’honorable Ronald Adair était le deuxième fils du comte de
Maynooth, gouverneur à l’époque d’une colonie australienne. La
mère d’Adair était rentrée d’Australie pour subir l’opération de la
cataracte. Elle habitait avec son fils Ronald et sa fille Hilda au 427
de Park Lane. Le jeune homme fréquentait la meilleure société ;
selon tous les renseignements recueillis, il n’avait pas de mauvais
penchants et on ne lui connaissait pas d’ennemis. Il avait été
fiancé à Mlle Edith Woodley, de Carstairs ; mais les fiançailles
avaient été rompues quelques mois plus tôt d’un commun accord,
et rien ne permettait de penser que cette rupture eût laissé
derrière elle des regrets profonds. L’existence de Ronald Adair
déroulait ses orbes régulières à l’intérieur d’un petit monde bien
délimité ; et son tempérament ne le portait guère au sentiment ni
à la sensiblerie. Tel était le jeune aristocrate sur qui une mort
étrange s’abattit au soir du 30 mars 1894, entre dix heures et onze
heures vingt.
Ronald Adair aimait les cartes. Il jouait beaucoup, mais
jamais à des taux scandaleux. Il faisait partie des Cercles Baldwin,
Cavendish, et de Bagatelle. Après dîner, le jour de sa mort, il joua
un tour de whist au Cercle de Bagatelle.
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