Elle exclut les rapports multiples.

Essayer de définir les choses qui, tout en te produisant effectivement, restent en un sent imaginaires. Guerre. Crimes. Vengeances. Malheur extrême.

Les crimes, en Espagne, se commettaient effectivement et pourtant ressemblaient à de simples vantardises.

Réalités qui n’ont pas plus de dimensions que le rêve.

Dans le mal, comme dans le rêve, il n’y a pas de lectures[2] multiples. D’où la simplicité des criminels.

Crimes plats comme des rêves des deux côtés : côté du bourreau et côté de la victime. Quoi de plus affreux que de mourir dans un cauchemar ?

Compensations. Marius imaginait la vengeance future. Napoléon songeait à la postérité. Guillaume II désirait une tasse de thé. Son imagination n’était pas assez fortement accrochée à la puissance pour traverser les années : elle se tournait vers une tasse de thé.

Adoration des grands par le peuple au XVIIe siècle (La Bruyère). C’était un effet de l’imagination combleuse de vides, effet évanoui depuis que l’argent s’y est substitué. Deux effets bas, mais l’argent plus encore.

Dans n’importe quelle situation, si on arrête l’imagination combleuse, il y a vide (pauvres en esprit).

Dans n’importe quelle situation (mais, dans certaines, au prix de quel abaissement !) l’imagination peut combler le vide. C’est ainsi que les êtres moyens peuvent être prisonniers, esclaves, prostituées, et traverser n’importe quelle souffrance sans purification.

Continuellement suspendue en soi-même le travail de l’imagination combleuse de vides.

Si on accepte n’importe quel vide, quel coup du sort peut empêcher d’aimer l’univers ?

On est assuré que » quoi qu’il arrive, l’univers est plein.

Le temps est une image de l’éternité, mais c’est aussi un ersatz de l’éternité.

L’avare à qui on a pris son trésor. C’est du passé gelé qu’on lui enlève. Passé et avenir, les seules richesses de l’homme.

Avenir combleur de vides. Parfois aussi le passé joue ce rôle (j’étais, j’ai fait…) Dans d’autres cas, le malheur rend la pensée du bonheur intolérable ; il prive alors le malheureux de son passé (nessum maggior dolore…).

Le passé et l’avenir entravent l’effet salutaire de malheur en fournissant un champ illimité pour des élévations imaginaires. C’est pourquoi le renoncement au passé et à l’avenir est le premier des renoncements.

Le présent ne reçoit pas la finalité. L’avenir non plus, car il est seulement ce qui sera présent. Mais on ne le sait pas. Si on porte sur le présent la pointe de ce désir en nous qui correspond à la finalité, elle perce à travers jusqu’à l’éternel.

C’est là l’usage du désespoir qui détourne de l’avenir.

Quand on est déçu par un plaisir qu’on attendait et qui vient, la cause de la déception, c’est qu’on attendait de l’avenir. Et une fois qu’il est là, c’est du présent. Il faudrait que l’avenir fût là sans cesser d’être l’avenir. Absurdité dont seule l’éternité guérit.

Le temps et la caverne. Sortir de la caverne, être détaché consiste à ne plus s’orienter vers l’avenir.

Un mode de purification : prier Dieu, non seulement en secret par rapport aux hommes, mais en pensant que Dieu n’existe pas[3].

Piété à l’égard des morts : tout faire pour ce qui n’existe pas.

La douleur de la mort d’autrui, c’est cette douleur du vide, du déséquilibre. Efforts désormais sans objet, donc sans récompense. Si l’imagination y supplée, abaissement. « Laisse les morts enterrer leurs morts. » Et sa propre mort, n’en est-il pas de même ? L’objet, la récompense sont dans l’avenir. Privation d’avenir, vide, déséquilibre. C’est pourquoi « philosopher, c’est apprendre à mourir ».