Tous deux appelaient Mme Bastian mère : « Bounine ».
10 Il s’agit ici de la collection « Ne jugez pas », publiée sous la direction d’André Gide et dont le premier volume a paru en 1930. (N. d. E.)
11 Étant donné l’arme dont se servit Redureau, les blessures ne pouvaient être bénignes. Cette arme « qui tient de la faux et de la hache » plus que du couteau, avait un ballant tel qu’il explique facilement la profondeur des plaies. Evidemment Redureau avait perdu tout son sang-froid et devait taper comme un sourd. Je cherchai d’abord une preuve de son inconscience momentanée dans le fait que ce fût précisément en massacrant la victime la plus tendre, et dont il avait à craindre le moins de résistance que son arme se fût brisée ; mais, à la réflexion, il m’apparaît que le long manche du couteau à raisins put heurter un montant de fer ou de bois du berceau dans lequel sans doute l’enfant de deux ans reposait.
12 Les médecins-Iégistes ne partagent pas le scepticisme de M. le Procureur. Sur ce point (la tentative de suicide) comme sur tous les autres, Redureau – qui ne cherche nullement à atténuer sa culpabilité – leur paraît parfaitement sincère.
Remarquons également que Redureau, ses meurtres accomplis, n’a pas eu un seul instant l’idée de prendre dans l’armoire l’argent qui s’y trouvait sûrement et qui, peut-être, l’aurait aidé à fuir. Il n’a pas eu un seul instant l’idée de s’enfuir.
13 À remarquer également l’inexactitude des journaux sur ce point comme sur tant d’autres : « Redureau, aujourd’hui, prétend qu’il n’a jamais tenu un tel langage, mais de nombreux témoins viennent affirmer le contraire. » (Le Journal, mars 1914.)
14 Tous les passages en italique sont soulignés par moi.
15 Un autre trait de caractère, que je m’étonne de ne point voir relever ici, et sur lequel je me propose de revenir : Marcel Redureau, d’après certains, serait peureux; d’une peur peut-être réductible à une « nervosité » excessive.
16 Ce journal n’est autre que Le Temps (2 oct. 1913) et je ne veux pas de meilleur exemple des erreurs que peut causer la prévention.
17 Le Phare de la Loire, 2 octobre 1913.
18 Certains témoins ont insisté sur cette disposition de Redureau à la peur, et je dois dire qu’elle m’a particulièrement frappé. J’ai pu observer, en éduquant un jeune chien nerveux et froussard, comment la peur se transforma tout naturellement chez lui en méchanceté. Ce chien, sursautant au moindre bruit insolite, entrait aussitôt en état de défense... Je crois volontiers que chez Redureau, c’est la peur que lui fit à ce point perdre la tête. Si l’embryologie, ainsi que le faisait remarquer très éloquemment Agassiz (De la classification en zoologie), fut d’un extraordinaire secours pour éclairer certains rapports jusqu’alors insoupçonnés entre des espèces animales très différentes en apparence, je crois que, de même, il peut être particulièrement instructif d’étudier certains sentiments à l’état pour ainsi dire embryonnaire. La peur est sans doute l’embryon de cette brève folie qui poussa Redureau au crime. Un mien neveu, qui se conduisit en héros durant la guerre, reste convaincu que c’est ce même sentiment de peur qui souvent put affoler tel soldat jusqu’à obtenir de lui des actes analogues à celui du jeune Redureau, actes qui lui valurent alors la croix de guerre.
19 Pour passer d’une pièce dans l’autre, il s’éclairait à l’aide de la lanterne du pressoir, qu’il avait rapportée, la lampe qui éclairait la patronne et la servante ayant été renversée dès le début du drame.
20 Me Durand, l’avocat défenseur, fait remarquer néanmoins : « Les vendanges ont été faites en plusieurs périodes séparées par des intervalles de repos, dirent les experts. C’est exact. Mais quels intervalles ? Si nous prenons les dates relevées par les experts et fournies par M. Mabit, le frère de la victime, voici ce que nous constatons :
« Les vendanges ont commencé le mercredi de la 3°semaine de septembre. On leur a consacré 3 jours de cette semaine : les mercredi, jeudi et vendredi, soit les 17,18 et 19 septembre. Alors se produit une interruption de quelques jours, mais la semaine suivante, le travail reprend le mardi et dure jusqu’au samedi inclus. Le repos dominical est respecté, puis le lundi après-midi on revient aux vendanges. Le mardi 30 dès 5 heures du matin, le domestique était à l’œuvre avec son maître, il y était encore à 10 h 1/2 du soir.
« Car quelle était la durée de la journée du travail ?
« Le travail commençait chez les Mabit à 5 heures du matin. Il n’était interrompu que par les repas. Il se terminait au plus tôt à 10 heures du soir.
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« La loi limite à dix heures la journée de travail des enfants de son âge dans les établissements industriels. Ses journées à lui étaient de quatorze à quinze heures.
« Je n’accuse pas Mabit d’avoir été un maître inhumain, il se conformait chez lui aux habitudes du pays qu’il habitait. Il se les imposait à lui-même. Mais il faut ici tout dire : Il pouvait les imposer à des journaliers de 25 à 30 ans ; il commettait une erreur lorsqu’il imposait le même régime au valet de 15 ans. Je ne contredis donc pas les experts lorsqu’ils viennent déclarer avec l’autorité qui leur est propre que le travail des vendanges n’avait pas produit chez l’accusé un état d’épuisement nerveux. Mais quand ensuite, je lis dans leur rapport que l’explication des actes commis par Redureau doit être recherchée dans une disposition particulière d’irritabilité, le surmenage m’apparaît manifestement comme l’une des causes qui avaient porté à l’état aigu cette irritabilité. »
21 Il convient de noter qu’à l’audience l’avocat articula, contre ce témoin, des faits qui tendraient à le faire considérer comme une variété de mythomane. (C’est ce que nous avons longuement fait observer.)
22 Nous en avons respecté l’orthographe et la ponctuation.
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