La terre est ronde
Présentation
La Terre est ronde (1939) raconte l’histoire de Rose, neuf ans, et de son cousin Willie, de leurs peurs, de leurs aventures, d’un lion, d’une montagne et d’une chaise. C’est le premier livre pour enfants de Gertrude Stein, qui dans sa maison de la vallée du Rhône avait pour amie une petite fille prénommée Rose. Elle s’y joue des ressorts traditionnels du conte et de sa fausse légèreté ; les mots s’y répètent, tournent et retournent sans cesse, comme dans une comptine et comme dans notre monde toujours en mouvement. Un livre rare, sombre et merveilleux, à lire et à relire à tout âge.
ÉDITIONS PAYOT & RIVAGES
payot-rivages.fr
Ouvrage publié sous la direction de Lidia Breda
TITRE ORIGINAL :
The World Is Round
Illustration de couverture : Rose est une rose, une fiction musicale de Sabine
Zovighian sur ARTE Radio © Thomas Baas.
© Marc Dachy, 1984
pour la traduction française
© Éditions Payot & Rivages, Paris, 2018
pour la préface et la présente édition
ISBN : 978-2-7436-4439-0
« Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. »
Le nom de Rose
C’est assez tardivement que Gertrude Stein s’essaya à la littérature enfantine. Pourtant, malgré le procès en illisibilité qui lui est fait plus ou moins justement depuis ses premières publications, son langage a toujours gardé une forme de simplicité fascinante. Si Stein peut parfois paraître un peu obscure, cela ne vient jamais de la richesse foisonnante du vocabulaire, de la multiplication virtuose des métaphores, ni d’une multiplication des références savantes. C’est au contraire que la grammaire de Stein, sa logique, jamais déconstruites, sont toujours présentées au plus près du courant de conscience : les mots, les phrases, les idées se suivent, au gré des sautes de l’attention, des détournements du regard. Ainsi, la prose steinienne avance toujours avec la force de l’évidence et l’euphonie qui lui est propre. C’est une voix que chacun peut entendre, et les enfants peut-être plus que les autres, moins prompts qu’ils sont à vouloir que tout rentre déjà dans les structures normées d’une syntaxe qu’ils n’ont pas encore entièrement intégrée.
Gertrude Stein est née en 1874, en Pennsylvanie. Après une adolescence en Californie, près de San Francisco, elle émigre à Paris en 1903, où elle restera presque toute sa vie. C’est là qu’elle commence, avec son frère Leo, une collection de tableaux, appelée à devenir célèbre ; là aussi qu’elle se met véritablement à écrire. L’œuvre, bientôt tentaculaire, immaîtrisable, grandit discrètement, dans les petites revues, les cercles expérimentaux. Depuis Trois Vies, son premier livre, longues nouvelles publiées en 1909, les publications se multiplient : pièces de théâtre, poèmes, romans brefs ou monstrueusement longs, livrets d’opéra. Et puis il y a L’Autobiographie d’Alice Toklas, sa première autobiographie, où elle emprunte, pour se raconter, la voix de sa compagne de toujours. À sa parution en 1933, le nom de Stein était déjà connu en Amérique, mais elle n’y était guère lue, ou seulement pour la caricaturer. L’Autobiographie, texte brillant, drôle, enlevé, change tout. Alors qu’elle n’était pas retournée au pays natal depuis son émigration, Stein est conviée aux États-Unis pour une tournée de conférences. Pour la première fois, elle rencontre véritablement son public.
C’est à ce titre d’écrivaine désormais installée que la toute jeune maison William R. Scott, spécialisée dans la littérature pour la jeunesse, la sollicite en 1938. L’auteure et éditrice Margaret Wise Brown (connue aujourd’hui pour ses propres livres pour enfants, dont certains sont devenus des classiques), qui s’intéressait à la pédagogie progressiste inspirée de Dewey, désirait faire écrire des auteurs connus pour un public plus jeune. Ernest Hemingway et F. Scott Fitzgerald, sollicités, ne répondirent jamais. Gertrude Stein, elle, accepta avec enthousiasme. Ce n’était pas la première fois qu’on lui passait commande et, comme à son habitude, Stein y répondit de manière surprenante, avec ce texte d’une grande puissance, publié en 1939.
La réédition récente de The Word is Round par Harper Collins témoigne de l’enchantement persistant de ce texte. Dans le pays d’adoption de Stein, cependant, il demeure presque inconnu. Depuis la parution de l’un de ses poèmes dans une anthologie française de la jeune poésie américaine en 1928, Stein est abondamment traduite en France. Elle le fut d’abord par ses contemporains et amis ; puis ce sont souvent des poètes, qui trouvaient en elle une source d’inspiration, qui l’adaptèrent en français, de Jacques Roubaud à Olivier Cadiot.
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