La vie nouvelle
La Vie nouvelle
Dante Alighieri
Publication:
Source : Livres & Ebooks
Chapitre 1
Préface
La Vita nuova est un roman d’amour, hymne de l’amour glorieux, lamento de l’amour brisé. C’est aussi un roman psychologique, qui diffère de ceux qu’affec-tionne notre littérature contemporaine par l’élévation et la pureté des sentiments exprimés et le silence gardé sur les sensations éprouvées.
C’est encore un livre de mémoire où le poète retrace, presque jour par jour, les impressions nouvelles et naïves d’une âme que le contact du monde n’avait encore qu’à peine effleurée.
Si la Divine Comédie n’est que bien imparfaitement connue en France, et si, à la plupart de ceux-là mêmes qui la lisent dans sa langue, elle n’est à proprement parler familière que dans une partie de sa vaste conception, on peut dire que la Vita nuova est inconnue chez nous. Nous sommes bien habitués à unir le doux nom de Béatrice au grand nom de Dante, mais c’est tout.
La Bibliothèque nationale ne possède que deux traductions de la Vita nuova .
L’une et l’autre se trouvent enfouies et sont demeurées très ignorées, dans une traduction de la Divine Comédie : l’une de Delescluze, annexée à une traduction de la Comédie de Brizeux (1891), dépourvue de notes ou commentaires, l’autre de Séb.
Rhéal, celle-ci très incomplète.
La Vita nuova n’est pas, comme la Divine Comédie , une création fantastique et sibylline, sortie tout entière d’une des imaginations les plus extraordinaires qui se soient imposées à là postérité. C’est une histoire vraie dont la forme romanesque ne fait qu’ajouter à la puissance de vie qui l’anime.
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C’est l’histoire, enfantine d’abord, puis romanesque, puis pathétique, de doux amants du treizième siècle. Elle nous permet de plonger nos regards dans une époque curieuse, mal connue, époque de transition entre le crépuscule mourant du moyen âge et l’aurore naissante de la Renaissance.
Si, dans la traduction que j’ai publiée de la Divine Comédie j’ai cru, à tort ou à raison, pouvoir changer la forme du récit tout en gardant l’intégrité du texte conservé, et en éliminer seulement des formes scolastiques et des détails topo-graphiques et historiques qui ne pouvaient que la rendre difficile et confuse au lecteur français, et n’étaient propres à toucher que les compatriotes du poète, la traduction que je viens offrir de la Vita nuova est absolument littérale.
Cette publication m’a été conseillée, comme mes autres études sur la Divine Comédie et sur la personne de Dante, par le désir de vulgariser dans notre pays l’œuvre du grand Italien, dont le nom a conquis l’immortalité, tandis que les produits de son génie sont à peine connus chez nous, en dehors d’un cercle bien restreint de lecteurs et d’admirateurs.
La Vita nuova est une œuvre pleine de charme, et suggestive au plus haut point.
C’est une œuvre humaine, dont l’intérêt ne se limite pas aux personnages qu’elle met en scène et à l’époque où ils se meuvent.
Restent le coloris du style et l’harmonie des vers, dont le traducteur a cherché à s’inspirer, mais qu’il ne lui était pas possible de s’approprier. Voici cependant ce que dit Dante lui-même à ce propos : « Les écrits poétiques ne sauraient se prêter à la transportation dans une autre langue. Néanmoins, s’il est impossible au traducteur de donner un équivalent littéral au langage allégorique et aux expressions mystérieuses de ses vers, et d’en reproduire les beautés, on peut au moins en pé-
nétrer le sens littéral et suivre le poète dans la succession de ses sentiments et de ses pensées. »
MAX DURAND-FARDEL.
1897.
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Introduction
I.
Toute l’histoire de Dante tient entre trois dates précises. Il naquit à Florence en 1265. Il fut élevé au Priorat, la plus haute magistrature de son pays, en 1300. Il mourut à Ravenne en 1321, âgé de 56 ans.
Après avoir pris part, pendant un temps bien court, au gouvernement de la Ré-
publique florentine, il fut soudain précipité du pouvoir par le jeu mortel des fac-tions et, victime d’accusations infâmes, condamné en 1301 à la confiscation de sa modeste fortune, à l’exil, et au bûcher s’il reparaissait dans sa patrie.
Son existence pendant ces longues années d’exil est demeurée fort obscure. On sait qu’il erra d’hospitalités en hospitalités, de châteaux en châteaux, de couvens en couvens, « montant les escaliers des autres et mangeant le pain d’autrui ». On suit sa trace à Vérone, à Padoue, à Sienne, à Bologne, à Crémone, près de tels ou tels personnages, de ces tyrans qui se partageaient les provinces, les villes, les châ-
teaux, découpant chacun à leur tour cette malheureuse Italie dont le sort lui arra-chait de si éloquentes objurgations.
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