Beatrice est toujours représentée, jusque dans les régions célestes, vêtue de rouge, couleur noble sans doute aux yeux du Poète.
Voici un Dieu plus fort que moi, qui viendra me dominer.
Le cerveau.
C’est votre Béatitude qui vous est apparue.
Dans le texte : ove si ministrato nutrimento nostro . Je me suis permis de traduire autrement cette phrase. Fraticelli l’a également interprétée dans son commentaire par : lo spirito vocale .
« Malheureux que je suis, je vais me trouver souvent bien empêché. »Nous trouvons plusieurs fois le mot impeditus employé dans le sens de embarrassé, troublé.
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C’est d’Hélène passant devant la foule qu’Homère parlait ainsi.
C’est-à-dire de mon esprit.
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Chapitre 4
Après que furent passées neuf années juste depuis la première apparition de cette charmante femme et le dernier jour, je la rencontrai vêtue de blanc, entre deux dames plus âgées. Comme elle passait dans une rue, elle jeta les yeux du côté où je me trouvais, craintif, et, avec une courtoisie infinie, dont elle est aujourd’hui récompensée dans l’autre vie, elle me salua si gracieusement qu’il me sembla avoir atteint l’extrémité de la Béatitude. L’heure où m’arriva ce doux salut était précisément la neuvième de ce jour. Et comme c’était la première fois que sa voix parvenait à mes oreilles, je fus pris d’une telle douceur que je me sentis comme ivre, et je me séparai aussitôt de la foule.
Rentré dans ma chambre solitaire, je me mis à penser à elle et à sa courtoisie, et en y pensant je tombai dans un doux sommeil où m’apparut une vision merveilleuse.
Il me sembla voir dans ma chambre un petit nuage couleur de feu dans lequel je distinguais la figure d’un personnage d’aspect inquiétant pour qui le regardait ; et il montrait lui-même une joie vraiment extraordinaire, et il disait beaucoup de choses dont je ne comprenais qu’une partie, où je distinguais seulement : « Ego dominus tuus . »Il me semblait voir dans ses bras une personne endormie, nue, sauf qu’elle était légèrement recouverte d’un drap de couleur rouge. Et en regardant attentivement, je connus que c’était la dame du salut, celle qui avait daigné me saluer le jour d’avant. Et il me semblait qu’il tenait dans une de ses mains une chose qui brûlait, et qu’il me disait : « Vide cor tuum . »Et quand il fut resté là un peu de temps, il me semblait qu’il réveillait celle qui dormait, et il s’y prenait de telle manière qu’il lui faisait manger cette chose qui brûlait dans sa main, et qu’elle mangeait en hésitant. Après cela, sa joie ne tardait pas à se convertir en des larmes amères ; et, prenant cette femme dans ses bras, il me semblait qu’il s’en allait avec elle vers le ciel.
Je ressentis alors une telle angoisse que mon léger sommeil ne put durer davantage, et je m’éveillai.
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Je commençai aussitôt à penser, et je trouvai que l’heure où cette vision m’était apparue était la quatrième de la nuit, d’où il résulte qu’elle était la première des neuf dernières heures de la nuit. Et tout en songeant à ce qui venait de m’apparaître, je me proposai de le faire entendre à quelques-uns de mes amis qui étaient des trouvères fameux dans ce temps-là. Et, comme je m’étais déjà essayé aux choses rimées, je voulus faire un sonnet dans lequel je saluerais tous les fi-dèles de l’Amour, et les prierais de juger de ma vision. Je leur écrivis donc ce que j’avais vu en songe :
A toute âme éprise et à tout noble cœur A qui parviendra ceci Afin qu’ils m’en retournent leur avis, Salut dans la personne de leur Seigneur, c’est-à-dire l’Amour.
Déjà étaient passées les heures Où les étoiles brillent de tout leur éclat, Quand m’apparut tout a coup l’Amour Dont l’essence me remplit encore de terreur. L’Amour me paraissait joyeux. Il tenait mon cœur dans sa main Et dans ses bras une femme endormie et enveloppée d’un manteau.
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