Lady Barberina
Collection dirigée par
Isabelle Viéville Degeorges
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eISBN 978-2-3528-7413-3
Copyright © Éditions de la Différence, 1992 et 2009, pour la traduction.
Copyright © Archipoche, 2012, pour la présente édition.
Sommaire
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PRÉFACE
LADY BARBERINA - (1884)
LES RAISONS DE GEORGINA - (1884)
DANS LA CAGE - (1898)
PRÉFACE
Lady Barberina (1884), Les Raisons de Georgina (1884), Dans la cage (1898) : trois longues nouvelles ou courts romans d’Henry James, ce qu’en anglais on appelle novellas. La tradition littéraire anglophone apprécie la simplicité élégante de ce format d’une centaine de pages maximum. Davantage qu’une nouvelle, il permet le développement du récit et de la psychologie, sans autoriser les méandres d’analyse et d’introspection qui font le génie, mais aussi la difficulté de lecture des grands romans de l’auteur, tels que Portrait de femme ou Les Ailes de la colombe.
Tout à fait caractéristiques de l’univers de l’auteur et agréables à lire – et peut-être même pour cette raison pas les plus connus, James étant fort prisé des lecteurs qu’attire la difficulté –, ces trois textes apparaissent comme une introduction à l’œuvre immense, à la fois par sa qualité et par son étendue, de celui qu’on appelle traditionnellement « le Maître ». James, dont l’œuvre s’étend de la dernière partie du XIXe siècle à la Première Guerre mondiale, est un grand témoin de ce que Stefan Zweig appelait « le monde d’hier». C’est-à-dire la civilisation européenne à son apogée, à laquelle mettront fin les massacres de masse du XXe siècle, tentatives de suicide d’un univers de raffinement sombrant dans la barbarie.
James, tout comme Zweig, mais, bien qu’avant lui, de façon plus moderne et moins désespérée – il n’était pas juif mais de famille wasp, anglo-saxonne protestante –, en fut donc l’observateur clairvoyant, lucide et même extralucide. Car il considérait l’écrivain comme un médium, celui qui voit ce que les autres ne perçoivent pas, et qui, en conséquence de ce don, a le devoir de transmettre cette vision pénétrante des choses.
La maîtrise reconnue à James est due au tour de force qu’il accomplit : faire passer sans rupture le texte romanesque du classicisme dix-neuvièmiste au modernisme du XXe siècle. Le romancier irlandais Frank O’Connor se défiait de James, qu’il voyait comme le complice d’une modernité destructrice, et en disait : « Quelque part dans son œuvre se produit le changement entre les deux, comme si des pirates avaient envahi le navire; et quand ce dernier finit par arriver au port, personne ne peut reconnaître dans ses lignes élancées ce qui était au départ un paquebot respectable. Il semble qu’en chemin les passagers aient été assassinés, et il n’y a plus rien de familier dans les sombres visages étrangers qui nous scrutent à l’arrivée depuis le bastingage1. »
Dans chacun des trois récits qui suivent se produit cette même déstabilisante métamorphose. L’univers de James n’est pas d’emblée socialement et humainement terrifiant, comme celui de Dickens, ni d’une noirceur aussi complète que celui de Thomas Hardy. Pourtant, contrairement à ce qui se passe chez les victoriens traditionnels, l’idée de rédemption a disparu. Le système de valeurs de l’époque se trouve dynamité, paradoxalement, comme en sourdine. On ne peut échapper à son époque,
et le romancier doit en rendre compte, avec une objectivité froide, et surtout sans infliger de sermons. Mais pas de politique de la table rase: c’est en s’appuyant sur les ressources du passé que l’on avance le plus sûrement. Le nouveau monde ne peut se passer de l’ancien. C’est une obsession chez les écrivains d’outre-Atlantique que de chercher à faire le « grand roman américain ». Et s’ils cherchent perpétuellement à attraper la baleine blanche de la littérature sans y parvenir, c’est que James en est déjà l’auteur. De l’Amérique du roman, il est le début et la fin.
On trouve chez lui un monde apparemment policé, traversant le prisme, grand ou petit, de la bourgeoisie. Lorsqu’il y a des pauvres, comme l’héroïne de Dans la cage, ils ne le sont pas par nature mais déclassement, cette terreur des « gens bien ». Comme chez Edith Wharton, amie et complice de James, mais avec une ambition novatrice plus grande, et davantage de complexité dans le démontage des rouages de la tragédie bourgeoise, le lecteur assiste impuissant et horrifié à l’effritement d’une société. Le héros ou l’héroïne est un innocent promis au sacrifice, idéalisant un être aimé paré de toutes les vertus, qui à la fin se révèle, sous la soie et le velours, l’équivalent moral d’un voleur de grand chemin.
De ces trois textes, le dernier, Dans la cage, est le plus connu. Sans doute parce que c’est le plus tardif, donc stylistiquement le plus affûté. Il appartient à la seconde des trois périodes de l’œuvre: celle où James se détache des influences pour devenir pleinement lui-même.
Cet Américain expatrié, fils d’expatriés, est partagé et même déchiré entre deux mondes, l’ancien et le nouveau. Tout petit, ses parents l’ont transplanté en Europe : son premier souvenir d’enfance, c’est la grande galerie du Louvre, visitée avec sa nourrice. Depuis, il n’est
qu’allers-retours. Ses héros ne se sentent jamais chez eux, pour des raisons à la fois géographiques et sociales. Son père, lui-même fils de self made man, après un épisode dépressif hallucinatoire, sortit du rôle de fils de famille cultivé, oisif et bohème pour devenir pasteur de l’église swedenborgienne, secte nordique et protestante en vogue à l’époque, et acquit la renommée par ses sermons. Une compétition pour l’excellence anima les rejetons surdoués, névrosés et graphomanes de cette étrange famille : le frère aîné d’Henry, William, se fit un grand nom dans le domaine de la psychologie, et le Journal de sa sœur Alice, grande hystérique à la Charcot, est devenu un classique.
Membre de la troisième génération de cette success-story américaine, Henry devient écrivain par incapacité à prendre part, comme ses jeunes frères, à la guerre de Sécession. Dès lors persuadé de ne pas être un homme, de n’avoir pas sa place dans la société, il se dit que lorsqu’on ne parvient pas à agir, on peut toujours écrire.
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