Lanterne magique

 LÉON-PAUL FARGUE

LANTERNE MAGlQUE

Chroniques littéraires de Paris occupé

Seghers Poésie d’abord

Éditions

prospero

Disperseur numérique
Nielcass

 © Éditions Robert Laffont, 1944 et
Éditions Seghers, Paris, 2015
ISBN 978-3-232-12413-6

 À ROBERT ET ALBERT PAUL

Il n’y a pas de sujets.
Il n’y a qu’un sujet : celui qui écrit.

L.-P.F.


LÉON-PAUL FARGUE, POÈTE ET PIÉTON DE PARIS

Léon-Paul Fargue est né le 4 mars 1876 à Paris. Il effectue ses études au collège Rollin, au lycée Janson-de-Sailly, puis brièvement au lycée Henri IV où il se lie avec Alfred Jarry. Étudiant, il hésite entre la littérature, la musique et la peinture. Après quelques essais à Pont-Aven sur les traces de Gauguin, il choisit finalement d’écrire et publie en 1895 Tancrède, sa première œuvre, dans la revue Pan. Il traîne dans la bohème de Montmartre, sous l’ombre de Verlaine et du cabaret du Chat Noir, puis rencontre Mallarmé, Valéry et Gide. Il participe à la création de revues comme La Croisade puis L’Art littéraire, avec Alfred Jarry. Ses poèmes sont bientôt publiés par La Plume et Le Mercure de France, en 1898.

En 1900, après trois ans de service militaire dans l’Est, Fargue retrouve Paris et (épisodiquement) la fabrique de son père, verrier d’art et céramiste – fabrique dont il héritera à la mort de celui-ci. Dès 1903, il est introduit dans la sphère musicale, aux côtés de Ricardo Vines, Maurice Ravel, Florent Schmitt et Maurice Delage, en compagnie desquels il formera la fameuse bande des « Apaches d’Auteuil ». Hormis en 1907, avec Poèmes (Premier cahier), il ne publie presque rien au cours de cette période. Cependant, il participe aux débuts de La Nouvelle Revue Française et rencontre Valery Larbaud, en 1909 : c’est le début d’une amitié importante.

Son deuxième livre, Poèmes, paraît en 1912 et se révélera fondateur par son utilisation des mots, de la langue. Il fera des émules et lui assurera la notoriété auprès de contemporains très divers, d’Apollinaire à Claudel, d’Alain-Fournier à Proust. En 1914, il publie un recueil de poèmes. Pour la musique, et dans La N.R.F., son célèbre poème en hommage à son père, « Aeternae Memoriae Patris ». Mobilisé en 1914 à Laon, il sera rapidement réformé et retrouvera dès 1916, autour de la libraire Adrienne Monnier, ses amis Jean Cocteau et Erik Satie. Rue de l’Odéon se crée la confrérie des « Potassons » qui rassemble les amateurs, aussi divers que Paul Valéry ou Valentine Hugo, de poésies, d’art et de contrepèteries.

Dans les années 1920, Fargue participe à la fondation et à la direction de la prestigieuse revue Commerce, avec Valéry Larbaud et Paul Valéry. Il se lie avec certains surréalistes, notamment André Breton, Philippe Soupault et Robert Desnos, côtoie Malraux, Saint-Exupéry, Joyce, Beucler ou Michaux. En juin 1927, paraît un numéro hommage de la revue Les Feuilles libres auquel la plupart de ses amis ont collaboré tels Picasso, Klee, Ravel, Joyce, Claudel, et beaucoup d’autres. Au cours de cette décennie, il fait paraître son œuvre poétique seconde manière, en prose, dans Commerce : Épaisseurs, Vulturne, Suite familière, et Banalité, qu’il rassemble chez Gallimard dans Espaces (1928) et Sous la lampe (1929). En 1980 paraissent les Ludions, livre d’art illustré de magnifiques dessins « fantastico-surréalistes » de Marie Monnier, et bientôt mis en musique par Satie, qui composera six mélodies.

Les années 1930 sont marquées par une nouvelle activité, très prolixe : la chronique journalistique. Elle lui permet d’aborder des sujets très divers, de la critique littéraire à des thèmes beaucoup plus légers, comme les aléas de la mode, où l’art, la poésie et l’homme demeurant toutefois omniprésents. Du Figaro aux Nouvelles Littéraires, de Voilà à Marie-Claire, Fargue collabore à un grand nombre de revues et de quotidiens. Nombre de ces textes seront réunis plus tard dans Déjeuners de soleil. Dîners de lune. Etc. Il reçoit pour D’après Paris le prix de la Renaissance en 1932. Il est élu à l’Académie Mallarmé en 1937, et sera membre de l’Académie Ronsard. En 1939, il publie son livre culte qui lui servira aussi de surnom, Le Piéton de Paris, balade poétique dans le Paris du début du siècle à l’orée de la guerre.

Peu avant la Seconde Guerre mondiale, Fargue rencontre sa future épouse, le peintre Chériane, chez qui il s’installe boulevard Montparnasse (actuelle place Léon-Paul Fargue). Essentiellement poète, il ne s’engage pas dans la guerre mais celle-ci le touche profondément et il se soucie de ses amis en détresse : Saint-Pol-Roux, Léon Blum, Jean Zay, Max Jacob, ou Robert Desnos. En 1941, il fait paraître Haute solitude, parfois considéré comme son chef-d’œuvre poétique et, peu après, il donne dans le recueil Refuges, une série de portraits et de souvenirs. L’écriture étant son seul mode de subsistance, il poursuit son travail de chroniqueur littéraire et offre des pages assez révélatrices de la vie parisienne sous l’Occupation. Celles datant de 1942-1943 sont rassemblées ici, dans Lanterne Magique, publié chez le jeune Robert Laffont, à Marseille en 1944.

En mars 1943, au cours d’un repas avec Picasso, Léon-Paul Fargue est frappé d’hémiplégie et restera paralysé. Au sortir du conflit, il rassemble ses sentiments sur la guerre dans Méandres, et publie Portraits de famille où il « croque »quelques-uns de ses « grands amis », de Colette à Valery Larbaud, de Verlaine à Francis Jammes.