Ce fut aux organisateurs d’avoir le teint des larmes.

LE ROMAN

Il n’y a jamais eu qu’un rez-de-chaussée bourgeois pour moi : c’est deux petites fenêtres à Quimper ouvertes sous un petit balcon. En revenant du collège, nos regards étaient là. Un jour, pour se venger de quelque farce, on jeta de la fenêtre de l’encre sur mon pardessus. Quelle méchanceté ! des perles violettes ! je tins le poignet coupable et j’attirai dehors la hanche d’une femme sous un peignoir. Cette femme devait, un jour, être la mienne.

VIE DOUBLE

Le château a deux tours pointues et nous nous allongeons sur le mamelon d’en face. La vieille demoiselle a l’air d’un maître-autel ; le perron du château a l’air d’un maître-autel et le voilà qui s’envole vers nous soutenu par des colombes. Or, ce maître-autel laissait tomber des prospectus : Vente de charité. Et la demoiselle m’en offrit un sans s’apercevoir que j’avais plus de droit à être le vendu que le vendant, l’acheté que l’acheteur et le bénéficiaire que le bénéficiant.

PARALYSIE-PARASITISME

« Devine l’heure qu’il est ! tu ne devineras jamais l’heure qu’il est.

— J’ai vu cette nuit des ombres magiques sur mon mur. Je m’aperçois que la chaux qui polit le carreau est rayée et je m’imagine que la lampe d’un voisin crée ces projections fantastiques qui m’effraient d’autant plus qu’elles sont toujours les mêmes.

— Hein ! tu t’amuses ici ! tu vas être désolé d’aller quelques jours à Paris prendre des inscriptions à la Faculté de Droit. Devine l’heure qu’il est ?

— Une heure dix.

— Ta montre avance ! midi et demi. Bah ! tu t’amuseras avec des amis. Il y a bien dans ton voisinage quelques amis avec qui on peut organiser un pique-nique.

— J’aime mieux une invitation en due forme qu’un pique-nique.

— Tu préfères le pique-assiette au pique-nique.

— Regarde cette descente de lit : elle figure une guirlande ? elle est en caoutchouc : j’en fais un imperméable en cas de pluie d’injures !

— Effroyable ! intervint ma mère, effroyables dispositions chez ce garçon au parasitisme, c’est-à-dire à la paralysie. »

UN PEU DE CRITIQUE D’ART

Jacques Claes est vraiment un nom de peintre hollandais. Jetons, si vous le voulez bien, un coup d’œil sur ses origines. La mère du petit Jacques se pâlissait le visage avec du vinaigre, comme elle l’a avoué elle-même, c’est ce qui explique pourquoi les tableaux du maître ont l’air vernis. Dans le village de Jacques, le jour de la Saint-Couvreur, c’était l’usage que les couvreurs de toitures se laissassent tomber du haut des toits sans écraser les passants, ils devaient aussi jeter des cordes du trottoir aux cheminées. Ensemble très pittoresque qui, certainement, a dû donner à notre peintre le goût du pittoresque.

CUBISME E T SOLEIL NOYÉS

L’eglisiglia del Amore, l’odore del Tarquino, bref, tous les monuments de Rome sur une bouteglia de vin et le registre correspondant pour démontrer qu’on en a bu copieusement, mais qu’on s’abstiendra : le godet du goulot et la goulette du goût d’eau. S’il faut s’en repentir, autant s’en abstenir. L’arc-en-ciel volatil n’est pas plus qu’une décoration volcanique à l’angle de l’étiquette. Motus ! et comparons un litre avec l’autre : el spatio del Baccio et l'Bacco nel cor.

M. LE PRÉSIDENT
DE LA RÉPUBLIQUE VISITE
L’EXPOSITION D’HORTICULTURE

De hauts palmiers si gracieux qu’on se croirait en Algérie, tant par leur attitude que par leur altitude ! De hauts palmiers ! furent-ils ou seront-ils de plâtre seulement, hélas ! C’est une tête énorme là-dessous comme d’un conte du Petit Poucet l’Ogre ! Il dort ? non, il sourit et sa main qui cache le ciel, cet énorme ciel d’Algérie, sa main qui vole pour faire croire à la nuit passant aux feuillages épais un doigt léger revient avec un peu de poussière à l’index. Ah ! Ah ! madame la femme de ménage ? Ah ! Ah ! Le décor change : ce sont les dahlias qui sont géants : rouges, blancs, disposés comme pour une chromolithographie et Monsieur le Président, le petit Poucet maintenant est bien riche pour soulager des parents bûcherons de palmiers.

SUCCÈS DE LA CONFESSION

Sur la route qui mène au champ de course, il y avait un mendiant pareil à un domestique : « Ayez pitié, disait-il, je suis vicieux, j’irai jouer avec l’argent que vous me donnerez. » Et ainsi de suite sa confession. Il avait un grand succès et il le méritait.

LES INDIGENTS NON AMBULANTS
ET LES AUTRES

Les municipalités ne s’occupent pas des indigents ambulants, ce sont les fées qui s’en occupent. Un clown d’un cirque forain qui avait eu les jambes coupées et suivait la troupe comme gâte-sauce eut d’une fée une chaise de fer pareille à celles des premières places et qui avait cette propriété de faire trouver dans la poche un louis comme le Juif Errant trouvait cinq sous dans la sienne. Le personnel du cirque se disputait la chaise et ne pensait plus à autre chose : les louis disparaissaient en orgies et le cirque périclitait. La chaise, un jour, fut brisée par des gens ivres ; le cirque vendu et tous ces malheureux sur le grand chemin. Il aurait fallu que la fée intervînt, car les municipalités ne s’occupent pas des indigents ambulants, mais la fée était ailleurs. Les saltimbanques eurent l’idée de se faire indigents non ambulants pour toucher le cœur d’une municipalité.

L’OMBRE DES STATUES

Je me souviens du Grand Bazar, où je fus employé. Je me souviens d’avoir fait dégringoler les boutons de culotte dans les lunettes et d’avoir pris le balai pour déblayer. Je me souviens aussi d’un collègue chinois qui était rose et rasé : j’ai souhaité une innovation : présenter les encriers de verre sur des plaques de verre. Il y eut encore ceci : nous étions en relations avec la maison Fichet pour les coffres-forts mignons et les coffres-forts de poupées. Nous apprîmes qu’un fils Fichet était mort, et, comme je passais pour lettré, on me commanda sinon d’aller à l’enterrement prononcer l’éloge de la maison Fichet, du moins de faire le discours que prononcerait le chef de rayon des coffres-forts mignons.