Je passai un jour à prendre des documents sur la maison Fichet, une nuit à faire le discours et j’appris, alors, que le monsieur Fichet, qui était mort et auquel je décernais les plus nobles qualités sociales et autres, n’ayant que trois semaines, n’avait guère eu le temps de les faire valoir.
ROMAN FEUILLETON
Donc, une auto s’arrêta devant l’hôtel à Chartres. Savoir qui était dans cette auto, devant cet hôtel, si c’était Toto, si c’était Totel, voilà ce que vous voudriez savoir, mais vous ne le saurez jamais… jamais… La fréquentation des Parisiens a fait beaucoup de bien aux hôteliers de Chartres, mais la fréquentation des hôteliers de Chartres a fait beaucoup de mal aux Parisiens pour certaines raisons. Un garçon d’hôtel prit les bottes du propriétaire de l’auto et les cira : ces bottes furent mal cirées, car l’abondance des autos dans les hôtels empêchait les domestiques de prendre les dispositions nécessaires à un bon cirage de bottes ; fort heureusement, la même abondance empêcha notre héros d’apercevoir que ses bottes étaient mal cirées. Que venait faire notre héros dans cette vieille cité de Chartres, qui est si connue ? il venait chercher un médecin, parce qu’il n’y en a pas assez à Paris pour le nombre de maladies qu’il avait.
ENCORE LES INDIGENTS
NON AMBULANTS
Le perron de la mairie était plein de pauvres. Une dame secouait son aumônière devant les redingotes qui sortaient : « Donnez, messieurs, c’est pour les pauvres » et les mains laissaient tomber des pièces de toutes les couleurs métalliques. Or, sur la place vint à passer le fils de la dame charitable, vint à passer avec tout son bonheur, une femme que sa mère ne lui avait pas donnée ; et la mère poussa un cri et se précipita pour la lui reprendre. Qu’arriva-t-il ? je ne sais : la dame charitable tomba sur les mains et l’aumônière fut renversée. Quel carnage ! les pauvres se ruent à la chasse de la monnaie : « Au voleur ! criait la dame charitable, monsieur le commissaire, ils veulent avoir l’argent déjà. »
LE CYGNE
GENRE ESSAI PLEIN D’ESPRIT
Le cygne se chasse en Allemagne, patrie de Lohengrin. Il sert de marque à un faux col dans les pissotières. Sur les lacs, on le confond avec les fleurs et on s’extasie, alors, sur sa forme de bateau ; d’ailleurs, on le tue impitoyablement pour le faire chanter. La peinture utiliserait volontiers le cygne, mais nous n’avons plus de peinture. Quand il a eu le temps de se changer en femme avant de mourir, sa chair est moins dure que dans le cas contraire : les chasseurs l’estiment davantage alors. Sous le nom d’eider, les cygnes aidèrent à l’édredon. Et cela ne lui va pas mal. On appelle hommes-cygnes ou hommes insignes les hommes qui ont le cou long comme Fénelon, cygne de Cambrai. Etc.
FÂCHEUSE NOUVELLE
Alors, c’est vrai ? on démolit les statues de la place de la Nation ! L’Ève en plâtre qui se plaignait derrière le char est venue gémir avec ses cheveux en plâtre. De quoi m’accuse-t-on ? si j’ai traîné mon bébé de neveu sur le tapis, c’était pour l’amuser, et il n’y avait que du rire derrière ses larmes.
NOCTURNE
DES HÉSITATIONS FAMILIALES
Il y a des nuits qui finissent dans une gare ! Il y a des gares qui finissent dans les nuits. En avons-nous traversé des rails la nuit ! moi, je me suis fait rudoyer par des angles extérieurs de wagon la nuit : j’en ai encore mal au deltoïde. Quand on attendait la sœur aînée, ou le père, cela finissait par ce qu’on n’avoue pas : la paire de souliers arrosée de la farine du pain. Mais j’ai un frère qui est désagréable dans une gare : il n’arrive qu’au dernier moment (il a des principes), alors il faut rouvrir une valise qu’un domestique n’avait pas encore apportée ; même devant le guichet, il ne sait pas encore sur quelle gare il doit faire diriger les wagons : il hésite entre Nogent-sur-Marne et les Ponts-de-Cé ou autres. La valise est là, ouverte ! Son billet n’est pas acquis et les becs de gaz essaient en vain de transformer la nuit en jour ou le jour en nuit. Il y a des nuits qui finissent dans une gare, des gares qui finissent dans la nuit. Ah ! maudite hésitation, n’est-ce pas toi qui m’as perdu, et bien ailleurs que dans vos salles d’attente, ô gares !
FANTOMAS
Sur le marteau de la porte en argent bruni, sali par le temps, sali par la poussière du temps, une espèce de Bouddha ciselé au front trop haut, aux oreilles pendantes, aux allures de marin ou de gorille : c’était Fantomas. Il tirait sur deux cordes pour faire venir là-haut je ne sais quoi. Son pied glisse ; la vie en dépend ; il faut atteindre la pomme d’appel, la pomme en caoutchouc avant le rat qui va la trouer. Or, tout cela n’est que de l’argent ciselé pour un marteau de porte.
ENCORE FANTOMAS
Ils étaient aussi gourmets que gourmés, le monsieur et la dame. La première fois que le chef des cuisines vint, un bonnet à la main, leur dire : « Excusez-moi, est-ce que Monsieur et Madame sont contents ? » on lui répondit : « Nous vous le ferons savoir par le maître d’hôtel ! » La seconde fois, ils ne répondirent pas. La troisième fois, ils songèrent à le mettre dehors, mais ils ne purent s’y résoudre, car c’était un chef unique. La quatrième fois (mon Dieu, ils habitaient aux portes de Paris, ils étaient seuls toujours, ils s’ennuyaient tant !), la quatrième fois, ils commencèrent : « La sauce aux câpres est épatante, mais le canapé de la perdrix était un peu dur. » On en arriva à parler sport, politique, religion. C’est ce que voulait le chef des cuisines, qui n’était autre que Fantomas.
SANS TITRE
Le coffret de verre était peint en rose et de telle sorte qu’on eût cru qu’il était d’acajou.
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