L'une était Mlle Ribault, dessinatrice au Petit Courrier des Dames que dirigeait M. Thiéry. Avant de mourir, trempant son doigt dans son sang, elle eut la force d'écrire sur un paravent :

« L'assassin, c'est le commis de M. Thi ». Laforcade, le commis, fut arrêté quelques heures après son crime.

De notre temps, cette maison se signale d'une autre façon à

l'attention des curieux.

C'est là qu'habite M. André Mary, le poète bourguignon auquel M.

Fernand Fleuret a dédié sa Macaronée satirique, Falourdin, destinée à

stigmatiser la presse contemporaine.

Au commencement de son poème M. Fernand Fleuret a chanté la vieille maison de la rue Bourbon-le-Château :

Si tu translates, voire, un Boëce chanci

Dans ta sombre maison du carrefour Buci

Que peuplent des bouquins et des pots de la Chine...

L'auteur de Falourdin auquel on ne peut reprocher qu'un peu d'archaïsme, si toutefois un si rare défaut prête au reproche, est aujourd'hui, où ils sont rares, un des meilleurs versificateurs français, et comme il est vraiment poète, ses productions méritent de passer aux âges qui viendront…

M. Fernand Fleuret est Normand. Une fois, au cours d'un banquet où l'on célébrait le millénaire de la Normandie, un Norvégien 18

gigantesque, qui se trouvait près de lui, le regarda avec condescendance et déclara :

« Vous, petit Viking ; moi, grand Viking. »

Le petit Viking, d'après l'observation d'un autre poète normand, a l'air d'un archer de la tapisserie de Bayeux.

Son penchant décidé vers la mystification le poussa un jour, alors qu'il allait encore au collège, à faire croire à la cuisinière de ses parents qu'un certain fourreau qui emprunta jadis son nom à la paisible ville de Condom était une bourse de nouvelle sorte et fort commode pour les gros sous. A la boucherie, ce fut un éclat de rire qui se propagea dans toute la ville. La cuisinière se plaignit vivement, ne cachant point le nom de celui qui l'avait trompée. Et depuis ce jour, les dévotes regardèrent M. Fernand Fleuret d'un mauvais œil.

Quand il voulut publier cette supercherie littéraire très supérieure à

celle de Mérimée : le Carquois du sieur Louvigné du Dêzert, M.

Fernand Fleuret se fit appuyer auprès d'un éditeur qui demeure à côté de l’Odéon.

L'éditeur sourit à mon Fleuret, tâte le manuscrit, l'ouvre et le premier mot qui lui tombe sous les yeux, c'est celui dont les typographes firent une si belle coquille un jour que, dans un journal, il était question des fouilles de Mme Dieulafoy.

« Fouilles, Monsieur, s'écria l'éditeur en refermant le manuscrit, Monsieur... Sortez, Monsieur. »

Dans la sombre maison du carrefour Buci habite encore M. Maurice Cremnitz, qui piqua fort la curiosité en publiant sous les initiales M. C., dans Vers et Prose, un poème excellent intitulé Anniversaire et qui fut composé à la mémoire de Jean Moréas.

M. Maurice Cremnitz est un poète qui depuis longtemps déjà ne montre plus volontiers ses ouvrages.