Non, il n'avait rien trouvé, alors elle ramassa pour lui une tige de carvi sèche qui avait conservé toutes ses graines.

Lorsque le garçon eut fini de manger, Akka lui dit qu'elle trouvait qu'il allait et venait beaucoup trop hardiment dans le parc, puis elle lui demanda s'il savait de combien d'ennemis il devait prendre garde, lui qui était si petit. Non, il n'en avait aucune idée. Alors Akka entreprit de les lui énumérer.

Quand il s'aventurait sous les arbres, dit-elle, il devait se méfier du renard et de la martre ; quand il s'approchait du lac il devait penser aux loutres ; s'il restait assis sur les murets il ne devait pas oublier la belette qui savait se glisser par le moindre trou, et s'il pensait s'allonger pour dormir dans un tas de feuilles, il valait mieux d'abord vérifier que la vipère n'avait pas choisi l'endroit pour hiberner. S'il sortait en terrain découvert, il lui fallait garder un œil sur l'épervier et la buse, sur l'aigle et le faucon qui planaient haut dans le ciel. Dans les coudraies, il risquait d'être capturé par l'émouchet ; les pies et les corbeaux étaient partout et mieux valait pour lui s'en méfier. Dès le crépuscule tombé, il devait ouvrir grand ses oreilles pour épier les grosses chouettes qui battaient si silencieusement des ailes qu'elles pouvaient le surprendre avant même qu'il découvrît leur présence.

En entendant qu'il avait tant d'ennemis mortels, le garçon se dit qu'il ne réussirait jamais à rester en vie. Il n'avait pas particulièrement peur de mourir, mais aucune envie d'être mangé, il demanda donc à Akka ce qu'il lui faudrait faire pour se protéger contre les bêtes de proie.

Akka lui répondit immédiatement qu'il devait avant tout essayer de se mettre en bons termes avec les petits animaux des bois et des champs, les écureuils et les lièvres, les pinsons et les mésanges, les pics et les alouettes. S'ils le considéraient comme un ami, ils l'avertiraient des dangers, lui proposeraient des cachettes et, en cas d'urgence, pourraient même l'aider à se défendre.

Mais lorsque, plus tard dans la journée, le garçon voulut suivre le conseil et sollicita l'aide de Sirle l'écureuil, ce fut pour essuyer un refus.

— N'attends rien de bon de ma part ni de la part des autres petits animaux, dit Sirle. Crois-tu que nous ne savons pas que tu es Nils le gardeur d'oies, qui l'année dernière détruisait les nids d'hirondelles, brisait les œufs d'étourneaux, dénichait les petits corbeaux et les jetait dans la mare, qui prenait des merles au collet et enfermait les écureuils dans des cages ? Débrouille-toi tout seul comme tu pourras, et estime-toi heureux que nous ne nous liguions pas tous contre toi pour te chasser d'ici vers tes semblables.

Voilà bien une réponse que le garçon n'aurait jamais laissé passer autrefois, du temps où il était Nils le gardeur d'oies, mais aujourd'hui il ne craignait qu'une chose : que les oies sauvages apprissent à quel point il pouvait être méchant. Il avait eu si peur de ne pas pouvoir accompagner les oies sauvages qu'il n'avait pas osé faire la moindre bêtise depuis qu'il vivait en leur compagnie. Certes, il n'était pas bien dangereux, compte tenu de sa taille, mais si l'envie lui en avait pris, il aurait quand même été capable de détruire beaucoup de nids d'oiseaux et de casser beaucoup d'œufs. Non, il avait tout simplement été gentil, il n'avait pas arraché une seule plume d'oie, n'avait répondu impoliment à personne, et chaque matin en saluant Akka il avait retiré son bonnet et s'était incliné.

Toute la journée du jeudi, il rumina que c'était sûrement à cause de sa méchanceté que les oies sauvages ne voulaient pas l'emmener en Laponie. Et quand, le soir, il apprit que la femme de Sirle l'écureuil avait été enlevée et que ses petits étaient en train de mourir de faim, il décida de les aider, avec succès comme on l'a déjà lu dans ce récit.

Lorsque, le vendredi, le garçon pénétra dans le parc, il entendit partout dans les fourrés les pinsons qui chantaient et racontaient que la femme de Sirle l'écureuil avait été arrachée à ses petits par de cruels voleurs mais que Nils le gardeur d'oies avait osé pénétrer chez les humains pour lui amener ses petits.

— Dans le parc d'Övedskloster, qui fête-t-on plus désormais que Poucet ? chantaient les pinsons. Lui que tout le monde craignait du temps où il était Nils le gardeur d'oies ? Sirle l'écureuil lui donnera de ses noisettes, les pauvres lièvres joueront avec lui, les chevreuils le laisseront monter sur leur dos et s'enfuiront si jamais Smirre le renard s'approche, les mésanges le préviendront de l'arrivée de l'épervier, et nous autres pinsons et alouettes chanterons ses prouesses.

Le garçon était persuadé qu'Akka et les autres oies sauvages entendaient tout cela, mais de tout le vendredi pas une ne vint le voir pour lui dire qu'il resterait parmi elles.

Jusqu'au samedi les oies purent paître dans les champs entourant Övedskloster sans être importunées par Smirre le renard. Cependant, le samedi matin lorsqu'elles se posèrent sur un champ, il se tenait à l'affût et les poursuivit d'un pré à l'autre, les empêchant de manger en paix. Voyant qu'il ne les laisserait pas tranquilles, Akka se décida rapidement, elle prit l'air et mena les autres sur plusieurs dizaines de kilomètres au-dessus des plaines du canton de Fars et des collines couvertes de genévriers des hauts de Linderöd. Elles ne se posèrent qu'une fois atteints les environs de Vittskövle.

Et ce fut là, près de Vittskövle que le jars fut capturé, comme nous l'avons déjà appris. Et le pauvre n'aurait jamais été retrouvé si le garçon n'avait pas mobilisé toutes ses forces pour lui venir en aide.

Le samedi soir, lorsque le garçon retrouva les rives du lac de Vomb en compagnie du jars, il estimait avoir fait du bon travail et attendait impatiemment de savoir ce qu'Akka et les oies sauvages allaient dire. Et toutes ne lésinèrent pas sur les louanges mais elles ne prononcèrent pas les mots qu'il aurait tant voulu entendre.

Puis vint le dimanche. Une semaine entière s'était écoulée depuis que le garçon avait été ensorcelé et il était toujours aussi petit.

Mais apparemment cela ne le tracassait pas outre mesure. Le dimanche après-midi, il était perché dans la ramure touffue d'un osier en bordure du lac et soufflait dans un chalumeau. Autour de lui, le buisson était rempli d'autant de mésanges, de pinsons et de sansonnets qu'il pouvait en supporter et qui gazouillaient des chansons que le garçon essayait d'apprendre à jouer. Mais il n'avait aucun don pour cet art, il sifflait si faux que les plumes se hérissaient sur le dos des petits maîtres, et tous piaillaient et battaient des ailes avec désespoir. Un moment, le garçon en rit tant qu'il en perdit son chalumeau.

Mais il s'y remit, et tout aussi mal, si bien que les plaintes fusèrent :

— Dis donc, Poucet, aujourd'hui tu joues plus mal que jamais. Tu n'as pas joué une seule note juste. À quoi penses-tu donc, Poucet ?

— Mon esprit est ailleurs, répondit le garçon, et c'était vrai. Il se demandait encore combien de temps les oies sauvages allaient lui permettre de rester ou s'il allait être renvoyé le jour même.

Soudain, le garçon jeta son chalumeau et dégringola en bas de l'osier. Il avait vu Akka et sa bande s'avancer vers lui l'une derrière l'autre. Elles marchaient d'une manière si inhabituellement lente et solennelle que le garçon crut à l'instant comprendre que le moment était venu de savoir ce qu'elles comptaient faire de lui.

Elles s'arrêtèrent enfin et Akka dit :

— Tu as raison, Poucet, de t'étonner de ma conduite, moi qui ne t'ai pas remercié de m'avoir sauvée de Smirre le renard. Mais je suis de ceux qui préfèrent remercier par des actes et non des mots.