Car dans ce pays-ci est-ce qu’on est obligé de savoir ce qu’on montre ?

MOI. – Pas plus que de savoir ce qu’on apprend.

LUI. – Cela est juste, morbleu, et très juste. Là, Monsieur le philosophe : la main sur la conscience, parlez net. Il y eut un temps où vous n’étiez pas cossu comme aujourd’hui.

MOI. – Je ne le suis pas encore trop.

LUI. – Mais vous n’iriez plus au Luxembourg en été, vous vous en souvenez…

MOI. – Laissons cela ; oui, je m en souviens.

LUI. – En redingote de peluche grise.

MOI. – Oui, oui.

LUI. – Éreintée par un des côtés ; avec la manchette déchirée, et les bas de laine, noirs et recousus par derrière avec du fil blanc.

MOI. – Et oui, oui, tout comme il vous plaira.

LUI. – Que faisiez-vous alors dans l’allée des Soupirs ?

MOI. – Une assez triste figure.

LUI. – Au sortir de là, vous trottiez sur le pavé.

MOI. – D’accord.

LUI. – Vous donniez des leçons de mathématiques.

MOI. – Sans en savoir un mot. N’est-ce pas là que vous en vouliez venir ?

LUI. – Justement.

MOI. – J’apprenais en montrant aux autres, et j’ai fait quelques bons écoliers.

LUI. – Cela se peut, mais il n’en est pas de la musique comme de l’algèbre ou de la géométrie. Aujourd’hui que vous êtes un gros monsieur…

MOI. – Pas si gros.

LUI. – Que vous avez du foin dans vos bottes…

MOI. – Très peu.

LUI. – Vous donnez des maîtres à votre fille.

MOI. – Pas encore. C’est sa mère qui se mêle de son éducation ; car il faut avoir la paix chez soi.

LUI. – La paix chez soi ? morbleu, on ne l’a que quand on est le serviteur ou le maître ; et c’est le maître qu’il faut être.