Au fond, vous n'êtes pas méchant, mais quelquefois vous éprouvez du plaisir à dire des choses dures.
MAURICE : Si vous croyez que ça m'amuse toujours !
BLANCHE : Je sais que vous ne les pensez pas.
MAURICE : Non. Malgré moi, elles me passent toutes seules par la tête.
BLANCHE : Jusqu'à présent, votre conduite était irréprochable. Tout allait si bien ! Qu'est-ce qui vous a pris ?
MAURICE : Je ne sais pas... Un accès.
BLANCHE : Allons, vous n'avez eu que ce petit instant d'erreur, et je vous pardonne.
Elle lui tend la main.
MAURICE : Vous pardonnez toujours ! Mais votre pardon ne m'excuse pas. (lui tenant les mains) Manquée à cause de moi ; ratée, notre rupture !... Malin, va ! Il ne me reste qu'à vous débarrasser de ma piteuse personne. Pourvu que je ne revienne pas machinalement demain !... Où en étions-nous ? Tout est réglé ? Vous ne me devez rien, je ne vous dois rien ?
BLANCHE : Oh ! voulez-vous un reçu ?
MAURICE : Ah ! un reçu daté et signé que je jetterais galamment le jour des noces dans la corbeille de mariage...
BLANCHE : Faites attention !
MAURICE : Oui, je sens que chaque parole que je prononce maintenant ne peut être qu'une maladresse de plus. Tantôt j'ai l'air de quitter une compagne de voyage : moi, je suis arrivé, je descends et je salue, correct et banal ; et tantôt je voudrais dire quelque chose de très profond, de très doux, de décisif, le mot de la fin ; je ne trouve pas. Je ne peux cependant pas sortir à l'anglaise. Mon Dieu, inspirez un pauvre homme, et vous-même, ma triste et généreuse amie, aidez-moi.
BLANCHE : Vous me faites peine et pitié ! Ne vous torturez pas. Ne cherchez rien. Ne dites rien et allez-vous-en.
MAURICE : Je m'en vais. Si au moins j'étais sûr que vous êtes calmée.
BLANCHE : Je suis calme. Allez et soyez heureux... Et votre petit paquet sur la table ?
MAURICE (qui s'en allait, revient) : Oui, j'y pense... Si vous pouviez reposer vos nerfs fatigués, dormir.
BLANCHE : J'essaierai. Je suis lasse. Laissez-moi, je voudrais être seule.
MAURICE : Appuyez-vous sur ce coussin. Voulez-vous que je baisse la lampe ?
BLANCHE : Non. Ce serait lugubre. Arrangez le feu ; je frissonne. (Maurice se précipite pour arranger le feu, puis il va, sur la pointe du pied, baiser la main de Blanche.) Vous êtes encore là ?
MAURICE : Chut ! ne vous occupez pas de moi, je suis parti. Il n'y a plus personne près de vous.
BLANCHE : Quel vide ! Que de choses vous emportez !
MAURICE (soulevant la tenture) : Il vous reste le beau rôle.
Il sort. La tenture se referme. Blanche regarde.
FIN
.
1 comment