Cheminée au fond. Porte-tenture à gauche. Table à droite. Pouf au milieu. Un piano ouvert. Fleurs à bon marché. Quelques cadres au mur. Feu de bois. Une lampe allumée.
BLANCHE, puis MAURICE.
Blanche est assise à sa table. Robe d'intérieur. Vieilles dentelles, c'est son seul luxe, tout son héritage. Elle a fouillé ses tiroirs, brûlé des papiers, noué la faveur d'un petit paquet, et pris dans une boîte une lettre ancienne qu'elle relit. Ou, plutôt, elle n'en relit que des phrases connues. Celle-ci l'émeut, jusqu'à la tristesse. Une autre lui fait hocher la tête. Une autre, enfin, la force à rire franchement. On sonne. Blanche remet, sans hâte, la lettre dans sa boîte, et la boîte dans le tiroir de la table. Puis elle va ouvrir elle-même. Maurice entre. Dès ses premières phrases et ses premiers gestes, on sent qu'il est comme chez lui.
MAURICE (il appuie sur les mots) : Bonjour, chère et belle amie.
BLANCHE (moins affectée) : Bonjour, mon ami. (Maurice veut l'embrasser par habitude, politesse, et pour braver le péril. Elle recule.) Non.
MAURICE : Oh ! en ami.
BLANCHE : Plus maintenant.
MAURICE : Je vous assure que ça ne me troublerait pas.
BLANCHE : Ni moi ; précisément : c'est inutile. Avez-vous terminé vos courses ?
Il pose son chapeau et sa canne sur un meuble et s'assied à gauche de la cheminée, tend ses mains au feu, le ravive, tâche de ne pas paraître gêné. Blanche s'est assise près de la table, du côté opposé à celui où elle lisait la lettre.
MAURICE : Toutes, et je m'assieds éreinté. Que ne peut-on s'endormir garçon et se réveiller marié ? Je suis allé d'abord à la mairie : m'adressant ici, puis là, puis à droite, puis à gauche, puis au fond, j'ai questionné quelques messieurs ternes que mon mariage n'a pas l'air d'émouvoir beaucoup... De là, je suis allé chez le tailleur, essayer mon habit. Il me conseille décidément un peu d'ouate ici. J'ai, en effet, une épaule plus basse que l'autre.
BLANCHE : Je n'avais pas remarqué.
MAURICE : Je peux l'avouer, aujourd'hui que ça vous est égal.
BLANCHE : Je ne le dirai à personne.
MAURICE : De là, je suis allé à l'église. Il paraît qu'il va falloir me confesser !
BLANCHE : Sans doute, il faut remettre votre âme à neuf.
MAURICE : Les uns m'affirment que le billet de confession s'achète, et les autres que je puis tomber sur un prêtre grincheux qui me dira, si je pose pour l'homme du monde et l'esprit fort : « Il ne s'agit pas de ça, mon garçon.
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