J’ai découvert une épine qui avait été ou
piquée, ou projetée, dans le cuir chevelu, mais en tout cas, sans
grande force ! Vous observerez que, si l’homme était assis
droit dans son fauteuil, la partie atteinte faisait face au trou
dans le plafond. Maintenant, examinez cette épine. »
Je m’en emparai avec précaution, et la regardai à la lumière de
la lanterne. Elle était longue, noire, pointue ; son extrémité
paraissait vernissée, comme si une substance gommeuse y avait
séché ; la pointe émoussée avait été taillée et arrondie au
couteau.
« Est-ce une épine qu’on trouve en Angleterre ?
demanda-t-il.
– Non, certainement pas !
Eh bien, avec toutes ces données, vous devriez pouvoir faire
quelques inférences correctes. Mais voici les officiels. Les forces
auxiliaires peuvent donc sonner la retraite. »
Comme il parlait, les pas se firent entendre bruyamment dans le
couloir, et un homme trapu, sanguin, corpulent, vêtu d’un costume
gris, pénétra lourdement dans la pièce. Il avait le visage
gras ; des paupières bouffies, les yeux très petits et
clignotants filtraient un regard perçant. Immédiatement derrière
lui, apparurent un inspecteur en uniforme et Thaddeus Sholto qui
paraissait toujours aussi ému.
« Bon Dieu, en voilà une affaire ! s’écria le gros
homme d’une voix rauque et voilée. Une belle histoire, oui !
Mais qui sont ces gens ? Ma parole, cette maison est aussi
encombrée qu’un terrier.
– Je crois que vous pouvez me reconnaître, monsieur Athelney
Jones, dit Holmes tranquillement.
– Ah ! mais oui. Bien sûr ! fit-il d’une voix
essoufflée. Monsieur Sherlock Holmes, le théoricien. Vous
reconnaître ? Je n’oublierai jamais la petite conférence que
vous nous avez faite à tous sur les causes, inférences, effets,
dans l’affaire du joyau de Bishopgate. C’est vrai que vous nous
avez mis sur la bonne piste ; mais vous admettrez bien,
maintenant, que c’était plus par hasard que par l’effet d’une
découverte véritable.
– Il suffisait d’un raisonnement très simple.
– Oh ! allons, allons. Il ne faut jamais avoir honte
d’admettre la vérité. Mais ceci ? Sale affaire ! Sale
affaire, hein ! Des faits précis, n’est-ce pas ? pas de
place pour les théories. Quelle chance j’ai eue de me trouver à
Norwood pour une autre affaire ! J’étais au commissariat quand
la nouvelle est arrivée. D’après vous, de quoi l’homme est-il
mort ?
– Oh ! c’est une affaire qui ne laisse aucune place pour
les théories, dit Holmes sèchement.
– Non, non. Mais enfin, on ne peut nier que vous touchez juste,
quelquefois. Mon Dieu ! la porte était verrouillée, m’a-t-on
dit. Un demi-million de joyaux disparus. Comment était la
fenêtre ?
– Fermée de l’intérieur ; mais il y a des traces de pas sur
le rebord.
– Bien, bien. Mais si elle était fermée, les pas n’ont rien à
voir dans l’histoire. C’est une question de bon sens. L’homme est
peut-être mort d’une attaque ; seulement les joyaux manquant.
Ah ! J’ai une idée. J’ai parfois de ces éclairs. Laissez-moi,
inspecteur ; vous aussi, monsieur Sholto. Votre ami peut
rester, Holmes. Dites-moi ce que vous pensez de ceci : Sholto
a avoué, de lui-même, qu’il était hier soir avec son frère. Ce
dernier meurt d’une attaque, et Sholto part avec le trésor. Qu’en
dites-vous ?
– Après quoi, le mort, craignant sans doute de s’enrhumer, s’est
levé pour verrouiller la porte.
– Hum ! Il y a une faille. Voyons, usons un peu de bon
sens.
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