Le Tour du monde en quatre-vingts jours

Le Tour du monde en quatre-vingts jours
Jules Verne
Published: 1873
Type(s): Novels, Adventure, Travel
Source: wikisource
A propos de Verne:
Jules Gabriel Verne (February 8, 1828–March 24, 1905) was a
French author who pioneered the science-fiction genre. He is best
known for novels such as Journey To The Center Of The Earth (1864),
Twenty Thousand Leagues Under The Sea (1870), and Around the World
in Eighty Days (1873). Verne wrote about space, air, and underwater
travel before air travel and practical submarines were invented,
and before practical means of space travel had been devised. He is
the third most translated author in the world, according to Index
Translationum. Some of his books have been made into films. Verne,
along with Hugo Gernsback and H. G. Wells, is often popularly
referred to as the "Father of Science Fiction". Source:
Wikipedia
Disponible sur Feedbooks pour
Verne:
20000 lieues sous les
mers (1871)
Voyage au centre de la
Terre (1864)
De la Terre à la
Lune (1865)
Autour de la Lune
(1869)
Michel Strogoff
(1874)
Une Ville
flottante (1870)
Voyages et Aventures du
Capitaine Hatteras (1866)
Les Enfants du capitaine
Grant (1868)
Les Naufragés du
Jonathan (1909)
Mathias Sandorf
(1885)
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Chapitre 1
DANS LEQUEL PHILEAS FOGG ET PASSEPARTOUT S'ACCEPTENT
RÉCIPROQUEMENT, L'UN COMME MAÎTRE, L'AUTRE COMME
DOMESTIQUE.
En l'année 1872, la maison portant le numéro 7 de Saville-row,
Burlington Gardens, — maison dans laquelle Shéridan mourut en 1814,
— était habitée par Phileas Fogg, esq., l'un des membres les plus
singuliers et les plus remarqués du reform-club de Londres, bien
qu' il semblât prendre à tâche de ne rien faire qui pût attirer l'
attention.
À l'un des plus grands orateurs qui honorent l'Angleterre,
succédait donc ce Phileas Fogg, personnage énigmatique, dont on ne
savait rien, sinon que c'était un fort galant homme et l'un des
plus beaux gentlemen de la haute société anglaise.
On disait qu'il ressemblait à Byron, — par la tête, car il était
irréprochable quant aux pieds, — mais un Byron à moustaches et à
favoris, un Byron impassible, qui aurait vécu mille ans sans
vieillir.
Anglais, à coup sûr, Phileas Fogg n'était peut-être pas
londonner. On ne l' avait jamais vu ni à la bourse, ni à la banque,
ni dans aucun des comptoirs de la cité. Ni les bassins ni les docks
de Londres n'avaient jamais reçu un navire ayant pour armateur
Phileas Fogg. Ce gentleman ne figurait dans aucun comité
d'administration. Son nom n'avait jamais retenti dans un collège
d'avocats, ni au temple, ni à Lincoln's-Inn, ni à Gray's-Inn.
Jamais il ne plaida ni à la cour du chancelier, ni au banc de la
reine, ni à l'échiquier, ni en cour ecclésiastique. Il n'était ni
industriel, ni négociant, ni marchand, ni agriculteur. Il ne
faisait partie ni de l'Institution royale de la Grande-Bretagne, ni
de l'Institution de Londres, ni de l'Institution des Artisans, ni
de l'Institution Russell, ni de l'Institution littéraire de
l'Ouest, ni de l'Institution du Droit, ni de cette Institution des
Arts et des Sciences réunis, qui est placée sous le patronage
direct de Sa Gracieuse Majesté. Il n'appartenait enfin à aucune des
nombreuses sociétés qui pullulent dans la capitale de l'Angleterre,
depuis la Société de l'Armonica jusqu'à la Société entomologique,
fondée principalement dans le but de détruire les insectes
nuisibles.
Phileas Fogg était membre du Reform-Club, et voilà tout.
À qui s'étonnerait de ce qu'un gentleman aussi mystérieux
comptât parmi les membres de cette honorable association, on
répondra qu'il passa sur la recommandation de MM. Baring frères,
chez lesquels il avait un crédit ouvert. De là une certaine «
surface » , due à ce que ses chèques étaient régulièrement payés à
vue par le débit de son compte courant invariablement
créditeur.
Ce Phileas Fogg était-il riche ? Incontestablement. Mais
comment il avait fait fortune, c'est ce que les mieux informés ne
pouvaient dire, et Mr. Fogg était le dernier auquel il convînt de
s'adresser pour l'apprendre. En tout cas, il n' était prodigue de
rien, mais non avare, car partout où il manquait un appoint pour
une chose noble, utile ou généreuse, il l' apportait
silencieusement et même anonymement.
En somme, rien de moins communicatif que ce gentleman. Il
parlait aussi peu que possible, et semblait d'autant plus
mystérieux qu'il était silencieux. Cependant sa vie était à jour,
mais ce qu' il faisait était si mathématiquement toujours la même
chose, que l'imagination, mécontente, cherchait au delà.
Avait-il voyagé ? C'était probable, car personne ne
possédait mieux que lui la carte du monde. Il n'était endroit si
reculé dont il ne parût avoir une connaissance spéciale.
Quelquefois, mais en peu de mots, brefs et clairs, il redressait
les mille propos qui circulaient dans le club au sujet des
voyageurs perdus ou égarés ; il indiquait les vraies
probabilités, et ses paroles s'étaient trouvées souvent comme
inspirées par une seconde vue, tant l'événement finissait toujours
par les justifier. C'était un homme qui avait dû voyager partout, —
en esprit, tout au moins.
Ce qui était certain toutefois, c'est que, depuis de longues
années, Phileas Fogg n'avait pas quitté Londres. Ceux qui avaient
l'honneur de le connaître un peu plus que les autres attestaient
que, — si ce n'est sur ce chemin direct qu' il parcourait chaque
jour pour venir de sa maison au club, — personne ne pouvait
prétendre l'avoir jamais vu ailleurs. Son seul passe-temps était de
lire les journaux et de jouer au whist. À ce jeu du silence, si
bien approprié à sa nature, il gagnait souvent, mais ses gains
n'entraient jamais dans sa bourse et figuraient pour une somme
importante à son budget de charité. D'ailleurs, il faut le
remarquer, Mr. Fogg jouait évidemment pour jouer, non pour gagner.
Le jeu était pour lui un combat, une lutte contre une difficulté,
mais une lutte sans mouvement, sans déplacement, sans fatigue, et
cela allait à son caractère.
On ne connaissait à Phileas Fogg ni femme ni enfants, — ce qui
peut arriver aux gens les plus honnêtes, — ni parents ni amis, — ce
qui est plus rare en vérité.
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