Les Aventures prodigieuses de Tartarin de Tarascon

Les Aventures prodigieuses de Tartarin de Tarascon
Alphonse Daudet
Publication: 1872
Catégorie(s): Fiction, Humour, Contes et légendes
Source: http://ebooksgratuits.com/
A Propos Daudet:
Alphonse Daudet, né à Nîmes (Gard) le 13 mai 1840 et mort à
Paris le 16 décembre 1897, est un écrivain et auteur dramatique
français. Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise à Paris.
Alphonse Daudet naît à Nîmes le 13 mai 1840. Après avoir suivi les
cours de l'institution Canivet à Nîmes, il entre en sixième au
lycée Ampère. Alphonse doit renoncer à passer son baccalauréat à
cause de la ruine en 1855 de son père, commerçant en soieries. Il
devient maître d'étude au collège d'Alès. Cette expérience pénible
lui inspirera son premier roman, Le Petit Chose (1868). Daudet
rejoint ensuite son frère à Paris et y mène une vie de bohème. Il
publie en 1859 un recueil de vers, Les Amoureuses. L'année
suivante, il rencontre le poète Frédéric Mistral. Il a son entrée
dans quelques salons littéraires, collabore à plusieurs journaux,
notamment Paris-Journal, L'Universel et Le Figaro. En 1861, il
devient secrétaire du duc de Morny (1811-1865) demi-frère de
Napoléon III et président du Corps Législatif. Ce dernier lui
laisse beaucoup de temps libre qu'il occupe à écrire des contes,
des chroniques mais meurt subitement en 1865 : cet événement fut le
tournant décisif de la carrière d'Alphonse. Après cet évènement,
Alphonse Daudet se consacra à l'écriture, non seulement comme
chroniqueur au journal Le Figaro mais aussi comme romancier. Puis,
après avoir fait un voyage en Provence, Alphonse commença à écrire
les premiers textes qui feront partie des Lettres de mon Moulin. Il
connut son premier succès en 1862-1865, avec la Dernière Idole,
pièce montée à l'Odéon et écrite en collaboration avec Ernest
Manuel - pseudonyme d'Ernest Lépine. Puis, il obtint, par le
directeur du journal L'Événement, l'autorisation de les publier
comme feuilleton pendant tout l'été de l'année 1866, sous le titre
de Chroniques provençales. Certains des récits des Lettres de mon
Moulin sont restés parmi les histoires les plus populaires de notre
littérature, comme La Chèvre de monsieur Seguin, Les Trois Messes
basses ou L'Élixir du Révérend Père Gaucher. Le premier vrai roman
d'Alphonse Daudet fut Le Petit Chose écrit en 1868. Il s'agit du
roman autobiographique d'Alphonse dans la mesure où il évoque son
passé de maître d'étude au collège d'Alès (dans le Gard, au nord de
Nîmes). C'est en 1874 qu'Alphonse décida d'écrire des romans de
mœurs comme : Fromont jeune et Risler aîné mais aussi Jack (1876),
Le Nabab (1877) – dont Morny serait le "modèle" – les Rois en exil
(1879), Numa Roumestan (1881) ou L'Immortel (1883). Pendant ces
travaux de romancier et de dramaturge (il écrivit dix-sept pièces),
il n'oublia pas pour autant son travail de conteur : il écrivit en
1872 Tartarin de Tarascon, qui fut son personnage mythique. Les
contes du lundi (1873), un recueil de contes sur la guerre
franco-prussienne, témoignent aussi de son goût pour ce genre et
pour les récits merveilleux. Daudet subit les premières atteintes
d'une maladie incurable de la moelle épinière, le tabes dorsalis,
mais continue de publier jusqu'en 1895. Il décède le 16 décembre
1897 à Paris, à l'âge de 57 ans.
Disponible sur Feedbooks Daudet:
Lettres de mon
moulin (1869)
Souvenirs d'un
homme de lettres (1888)
Fromont jeune et
Risler aîné (1874)
Le
Petit Chose (1868)
Tartarin sur les
Alpes - Nouveaux exploits du héros tarasconnais (1885)
Port-Tarascon -
Dernières aventures de l'illustre Tartarin (1890)
Les
Amoureuses (1858)
L'Évangéliste
(1892)
Wood'stown
(1873)
Sapho
(1884)
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Partie 1
À Tarascon
I – Le Jardin du baobab
Ma première visite à Tartarin de Tarascon est
restée dans ma vie comme une date inoubliable ; il y a douze
ou quinze ans de cela, mais je m’en souviens mieux que d’hier.
L’intrépide Tartarin habitait alors, à l’entrée de la ville, la
troisième maison à main gauche sur le chemin d’Avignon. Jolie
petite villa tarasconnaise avec jardin devant, balcon derrière, des
murs très blancs, des persiennes vertes, et sur le pas de la porte
une nichée de petits Savoyards jouant à la marelle ou dormant au
bon soleil, la tête sur leurs boîtes à cirage.
Du dehors, la maison n’avait l’air de
rien.
Jamais on ne se serait cru devant la demeure
d’un héros. Mais, quand on entrait, coquin de sort !…
De la cave au grenier, tout le bâtiment avait
l’air héroïque, même le jardin !…
Ô le jardin de Tartarin, il n’y en avait pas
deux comme celui-là en Europe. Pas un arbre du pays, pas une fleur
de France ; rien que des plantes exotiques, des gommiers, des
calebassiers, des cotonniers, des cocotiers, des manguiers, des
bananiers, des palmiers, un baobab, des nopals, des cactus, des
figuiers de Barbarie, à se croire en pleine Afrique centrale, à dix
mille lieues de Tarascon. Tout cela, bien entendu, n’était pas de
grandeur naturelle, ainsi les cocotiers n’étaient guère plus gros
que des betteraves, et le baobab (arbre géant, arbor
gigantea) tenait à l’aise dans un pot de réséda ; mais
c’est égal ! pour Tarascon, c’était déjà bien joli, et les
personnes de la ville, admises le dimanche à l’honneur de
contempler le baobab de Tartarin, s’en retournaient pleines
d’admiration.
Pensez quelle émotion je dus éprouver ce
jour-là en traversant ce jardin mirifique !… Ce fut bien autre
chose quand on m’introduisit dans le cabinet du héros.
Ce cabinet, une des curiosités de la ville,
était au fond du jardin, ouvrant de plain-pied sur le baobab par
une porte vitrée.
Imaginez-vous une grande salle tapissée de
fusils et de sabres, depuis en haut jusqu’en bas ; toutes les
armes de tous les pays du monde : carabines, rifles,
tromblons, couteaux corses, couteaux catalans, couteaux-revolvers,
couteaux-poignards, kriss malais, flèches caraïbes, flèches de
silex, coups-de-poing, casse-tête, massues hottentotes, lassos
mexicains, est-ce que je sais !
Par là-dessus, un grand soleil féroce qui
faisait luire l’acier des glaives et les crosses des armes à feu,
comme pour vous donner encore plus la chair de poule… Ce qui
rassurait un peu pourtant, c’était le bon air d’ordre et de
propreté qui régnait sur toute cette yataganerie. Tout y était
rangé, soigné, brossé, étiqueté comme dans une pharmacie, de loin
en loin, un petit écriteau bonhomme sur lequel on lisait :
Flèches empoisonnées, n’y touchez
pas !
Ou :
Armes chargées, méfiez-vous !
Sans ces écriteaux, jamais je n’aurais osé
entrer.
Au milieu du cabinet, il y avait un guéridon.
Sur le guéridon, un flacon de rhum, une blague turque les Voyages
du capitaine Cook, les romans de Cooper, de Gustave Aimard, des
récits de chasse, chasse à l’ours, chasse au faucon, chasse à
l’éléphant, etc. Enfin, devant le guéridon, un homme était assis,
de quarante à quarante-cinq ans, petit, gros, trapu, rougeaud, en
bras de chemise, avec des caleçons de flanelle, une forte barbe
courte et des yeux flamboyants ; d’une main il tenait un
livre, de l’autre il brandissait une énorme pipe à couvercle de
fer, et, tout en lisant je ne sais quel formidable récit de
chasseurs de chevelures, il faisait, en avançant sa lèvre
inférieure, une moue terrible, qui donnait à sa brave figure de
petit rentier tarasconnais ce même caractère de férocité bonasse
qui régnait dans toute la maison.
Cet homme, c’était Tartarin, Tartarin de
Tarascon, l’intrépide, le grand, l’incomparable Tartarin de
Tarascon.
II – Coup d’œil général jeté sur la bonne
ville de Tarascon.
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