Les Gens de bureau

Les Gens de bureau
Émile Gaboriau
Publication: 1877
Catégorie(s): Fiction
Source: http://www.ebooksgratuits.com
A Propos Gaboriau:
Émile Gaboriau (November 9, 1832 - September 28, 1873), was a
French writer, novelist, and journalist, and a pioneer of modern
detective fiction. Gaboriau was born in the small town of Saujon,
Charente-Maritime. He became a secretary to Paul Féval, and after
publishing some novels and miscellaneous writings, found his real
gift in L'Affaire Lerouge (1866). The book, which was Gaboriau's
first detective novel, introduced an amateur detective. It also
introduced a young police officer named Monsieur Lecoq, who was the
hero in three of Gaboriau's later detective novels. Monsieur Lecoq
was based on a real-life thief turned police officer, Eugène
François Vidocq (1775-1857), whose memoirs, Les Vrais Mémoires de
Vidocq, mixed fiction and fact. It may also have been influenced by
the villainous Monsieur Lecoq, one of the main protagonists of
Féval's Les Habits Noirs book series. The book was published in the
Pays and at once made his reputation. Gaboriau gained a huge
following, but when Arthur Conan Doyle created Sherlock Holmes,
Monsieur Lecoq's international fame declined. The story was
produced on the stage in 1872. A long series of novels dealing with
the annals of the police court followed, and proved very popular.
Gaboriau died in Paris of pulmonary apoplexy.
Disponible sur Feedbooks
Gaboriau:
Monsieur
Lecoq (1869)
Le Dossier
113 (1867)
L'Affaire
Lerouge (1865)
La Corde au
cou (1873)
Le Petit Vieux des
Batignolles (1876)
Le Crime
d'Orcival (1867)
Les Esclaves de
Paris - Tome I (1868)
Les Esclaves de
Paris - Tome II (1868)
La Clique
dorée (1871)
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Préface
Il est toujours bon de consulter les hommes spéciaux.
Aussi, avant de livrer ce volume à mon imprimeur, j'ai cru
devoir soumettre le manuscrit à un de mes amis, sous-chef dans une
de nos administrations publiques.
Huit jours après, il me retournait mon livre avec le billet
suivant :
« Je ne sais en vérité, mon cher, où vous avez puisé vos
renseignements. Vos personnages n'ont pas la moindre vraisemblance.
Ils n'existent pas. Que vous connaissez peu les employés ! Ce
sont tous, sans exception, des hommes de mérite, intelligents,
laborieux, actifs, fanatiques de leurs devoirs. Savez-vous qu'on
n'ouvre pas les portes avant dix heures pour les empêcher d'arriver
trop tôt ? Savez-vous que le soir il faut leur faire violence
pour les mettre dehors sur le coup de quatre heures ? J'en
connais qui ont refusé à la fin du mois de toucher leurs
appointements, parce qu'ils ne croyaient pas les avoir assez bien
gagnés. Et le mécanisme administratif, quelle singulière idée vous
vous en faites ! Y a-t-il exemple d'une seule affaire qui ait
traîné en longueur dans n'importe quel ministère ? Et quelle
politesse dans tout le personnel, quelle urbanité parfaite, quel
savoir-vivre !… Demandez au public. – Quant au favoritisme,
chacun sait qu'il n'existe plus depuis les immortels principes de
89.
« Donc, puisque vous voulez un conseil, croyez-moi, brûlez ces
pages, et venez me demander ma collaboration. À nous deux nous
ferons quelque chose de bien. »
Ce conseil si désintéressé m'a touché l'âme. Mais je me suis
souvenu que M. Josse est toujours orfèvre.
Voilà pourquoi je publie ce volume.
Chapitre 1
Romain Caldas, qui n'avait point eu de boules blanches à ses
examens de l'École de droit découvrit un matin qu'il devait être
admirablement propre à toutes les administrations.
En conséquence, il prit une grande feuille de papier, et de sa
plus belle écriture, qui n'était pas belle, il adressa une demande
d'emplois à S. Exc. M. le Ministre de l'Équilibre
National.
Un vieux monsieur qu'il ne connaissait guère y mit une apostille
dans laquelle il déclarait que les talents du soussigné Caldas
devaient être utilisés sans retard au profit de l'État.
En fait d'apostille, il n'y a que la première qui coûte. Romain
eut bientôt la satisfaction de voir tout à l'entour de sa pétition
vingt signatures de personnes qu'il ne connaissait pas du tout.
Sa demande envoyée, Caldas se mit à piocher consciencieusement
les matières de son examen.
L'administration de l'Équilibre, en effet, outre qu'elle exige
des candidats aux emplois dont elle dispose le diplôme de
bachelier, les astreint encore à passer un examen spécial.
Peut-être l'administration s'est-elle aperçue que tous les
bacheliers ne savent pas l'orthographe.
D'autres mobiles encore l'ont guidée, lorsqu'elle a inauguré le
système des épreuves.
D'abord un vif désir de ne pas rester au-dessous de la
civilisation chinoise, qui donne au concours le tablier du
cuisinier aussi bien que le bouton de jaspe du général.
Ensuite l'intention bien arrêtée de recruter désormais son
personnel dans un choix de sujets hors ligne
Enfin la généreuse pensée de déconcerter à tout jamais le
népotisme et de substituer le règne du mérite au régime de la
faveur.
Pour cette dernière raison sans doute, on est facilement admis à
subir l'examen, pourvu que l'on soit chaudement appuyé par trois ou
quatre grands personnages.
Caldas avait déjà légèrement préparé les trois premiers numéros
du programme qui comprend quarante-sept numéros, lorsqu'il reçut
l'avis de se rendre au ministère pour y subir les épreuves écrites
et orales.
Il s'y rendit fort inquiet. Les matières sur lesquelles il
fallait répondre sont nombreuses et variées.
On demande aux candidats : une page d'écriture, un problème de
trigonométrie, une dictée sur les difficultés les plus ardues de la
langue française, une dissertation sur une question de statistique,
et la géographie postale de la France.
C'est dans la salle des archives que l'examen a lieu.
Lorsque Caldas y pénétra, cent cinquante à deux cents
concurrents l'y avaient déjà devancé ; il en vint encore près
du double après lui.
Tout ce monde s'asseyait en silence, et des garçons de bureau
donnaient à chacun une plume, une écritoire et un cahier de papier
blanc.
Modestement placé près de la porte, Caldas considérait cette
singulière assemblée. Il était venu des candidats de toutes les
paroisses : il y en avait de très jeunes qui n'avaient pas encore
de barbe, et de très vieux qui n'avaient plus de cheveux ; des
gens d'une mise soignée, et des pauvres diables presque en
haillons.
À un moment le silence fut troublé ; les élèves de la
pension Labadens, qui prépare à tous les ministères (Trente ans de
succès. – On traite à forfait), venaient de faire leur entrée.
Ces jeunes élèves portaient l'uniforme des lycées et empestaient
la pipe et l'absinthe.
L'un d'eux vint s'asseoir à la gauche de Caldas ; déjà il
avait à sa droite un vieillard sexagénaire dont les yeux
s'abritaient derrière des lunettes vertes.
– Tous ces gens-là, pensait Caldas, ont pourtant un protecteur.
Ils ont eu une signature illustre. Comment, par quels ressorts, par
quels moyens ?… Quelles ont été leurs influences ?
Sont-ils dans la manche d'une jolie femme, d'une chambrière, d'un
perruquier ou d'un confesseur ? Ce serait, en vérité, une
curieuse statistique.
Dix heures sonnèrent. On ferma les portes.
Un monsieur très décoré, qui occupait au fond de la salle un
fauteuil placé sur une estrade, semblait présider l'assemblée.
Ce monsieur se leva et prononça à peu près ce petit discours
:
« – Je ne vous cacherai pas, jeunes candidats, les horribles
difficultés de cet examen ; vous n'aurez cependant à répondre
qu'à des questions d'une extrême simplicité. La plus rigoureuse
sévérité présidera à la correction des compositions ; les
examinateurs seront d'ailleurs aussi indulgents que possible.
Rendons tous grâce à Son Excellence Monsieur le Ministre.
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