Le sergent d’armes, quoique jeune encore, avait, disait-il, fait plusieurs fois partie des compagnies envoyées avec les troupes royales contre les Anglais ; il parla fort de ses prouesses, caressant sa moustache et de côté regardant Jeanne. Celle-ci, à l’extrême surprise de sa famille, malgré le courroux contraint et croissant de son père, sortit de sa réserve ordinaire, rapprocha son escabeau de celui du soldat, parut admirer beaucoup ce vaillant, l’accabla de questions sur l’armée royale, sur ses forces, sur sa manière de combattre, sur sa position présente, sur le nombre de ses bombardes d’artillerie, sur le nom des capitaines qui inspiraient confiance aux hommes d’armes ; le sergent, très-flatté de la curiosité de cette belle fille à l’endroit des faits et gestes militaires, pensant même qu’elle s’intéressait plus encore peut-être au guerrier qu’à la guerre, répondit galamment à toutes les questions de Jeanne. Elle l’écoutait si avidement, semblait enfin, par le feu de ses regards, par l’animation de son visage, prendre à cet entretien un si profond intérêt, que Jacques Darc, indigné, s’imagina que la fière mine du soldat affolait Jeanne, et lui lança des regards furieux ; elle ne remarqua pas l’indignation paternelle, redoubla ses questions, apprit avec une douleur secrète que, refoulée au delà de la Loire après une récente et honteuse défaite, dite la bataille des harengs, l’armée royale avait fui en désordre, que les Anglais assiégeaient Orléans et que, cette ville prise, la Touraine envahie, c’en était fait du roi et de la France, puisque tout son territoire appartiendrait dès lors aux Anglais.
– Rien ne peut donc sauver la Gaule ! – s’écria Jeanne en proie à une exaltation indicible ; – tout est donc perdu ?
– Si avant un mois le siège d’Orléans n’est pas levé, – reprit le sergent, – si les Anglais ne sont pas repoussés loin des rives de la Loire, il n’y aura plus de France ! aussi vrai que vous êtes la plus belle fille de la Lorraine. Sang-Dieu ! lorsque tout à l’heure vous étiez coiffée de mon casque, je croyais voir la déesse de la guerre ! Avec un capitaine tel que vous, j’attaquerais seul une armée !
À ces mots, Jacques Darc se leva brusquement de table, dit à son hôte que le jour finissait, et que les gens rustiques, levés à l’aube, se couchaient avec le soleil. Le sergent, dépité de recevoir ainsi congé, reprit lentement ses armes, tâchant de rencontrer le regard de Jeanne ; mais celle-ci, insoucieuse du soldat, assise sur son escabeau, plongée depuis quelques instants dans de pénibles réflexions, songeait aux nouveaux désastres de la Gaule sans pouvoir retenir les larmes qui roulaient dans ses yeux.
– Plus de doute, – se dit le laboureur, – ma fille, jusqu’à ce jour si chaste, si pieuse, s’est subitement affolée de ce bravache ; elle pleure son départ… Honte à elle et à nous ! Maudite soit l’hospitalité que j’ai donnée à cet étranger !
Jacques Darc, lorsque son hôte eut quitté la maison, parut de plus en plus sévère ; contenant à peine son indignation, il s’approcha de sa fille, la prit rudement par le bras, lui indiqua d’un geste impérieux l’échelle qui conduisait au réduit où elle couchait, et s’écria :
– Montez là haut ; demain matin je vous parlerai !
Jeanne, absorbée par ses cruelles pensées, obéit machinalement à son père ; celui-ci, lorsqu’elle eut regagné sa chambre, reprit, s’adressant à ses fils, très-surpris de sa rudesse envers leur sœur :
– Que Dieu nous soit en aide ! avez-vous vu de quel air Jeanne regardait ce sergent ?… Ah ! si elle devait jamais s’en aller avec un homme d’armes, votre devoir serait de la noyer de vos propres mains ; sinon, je le jure, je la noierais plutôt moi-même(26).
Le laboureur prononça ces paroles avec une telle explosion de colère, que Jeanne les entendit ; elle devina l’erreur de son père et pleura. Mais bientôt ses voix lui dirent :
« – L’heure est venue… La France et son roi sont perdus sans toi… Va, fille de Dieu !… sauve ton roi… sauve la France !… Le Seigneur est avec toi !… »
*
* *
Écoutez, fils de Joel, écoutez cette légende de la plébéienne catholique et royaliste : – Charles VII a dû sa couronne à Jeanne Darc… il l’a honteusement reniée, lâchement délaissée ! – Chaque jour elle s’agenouillait pieusement devant les prêtres catholiques… leurs évêques l’ont brûlée vive ! – La couardise de la chevalerie avait donné la Gaule aux Anglais ; – le patriotisme, le génie militaire de Jeanne, triomphent enfin de l’étranger… elle est poursuivie, trahie, livrée par la haineuse envie des chevaliers ! – Pauvre plébéienne, l’implacable jalousie des capitaines et des courtisans, l’ingratitude royale, la férocité cléricale, ont fait ton martyre ! – Sois bénie à travers les âges, ô vierge guerrière ! sainte fille de la mère-patrie !… – Écoutez, fils de Joel, écoutez cette légende, – et jugez à l’œuvre : gens de cour, gens de guerre, gens d’Église et royauté !…
CHAPITRE II.
VAUCOULEURS.
Le capitaine Robert de Baudricourt et Denis Laxart. – L’entrevue. – Le sire de Novelpont. – Jeanne. – L’inspiration. – Départ pour le château royal de Chinon.
Robert de Baudricourt, chef de guerre à Vaucouleurs, homme dans la force de l’âge, d’une tournure martiale, d’une figure dont la rudesse était rachetée par un regard intelligent et pénétrant, se promenait avec agitation dans une salle du château de la ville. Instruit par une récente dépêche de la position désespérée de Charles VII et des dangers que courait Orléans, vivement assiégée par les Anglais, ce capitaine, aussi affligé que courroucé de ces déplorables nouvelles, marchait à grands pas, maugréant, blasphémant, ébranlant le plancher sous le choc impatient de ses talons éperonnés ; soudain un rideau de cuir, qui masquait l’entrée principale de la salle, se souleva et laissa voir à demi le visage timide et effarouché de Denis Laxart, grand-oncle de Jeanne. Robert de Baudricourt, sans apercevoir le bonhomme, frappa du pied, donna un violent coup de poing sur la table où était restée la funeste dépêche qu’il venait de relire encore et s’écria :
– Mort et furie ! c’en est fait de la France et du roi !
Denis Laxart, à cette exclamation furibonde, n’eut pas le courage d’aborder en ce moment le terrible capitaine, referma prestement le rideau, derrière lequel cependant il resta, attendant pour se présenter un instant plus opportun ; mais le courroux de Robert redoubla, il s’écria en frappant de nouveau du pied :
– Malédiction ! tout est perdu !
– Non, messire !… non, tout n’est pas perdu ! – dit résolument le bon Denis surmontant ses craintes, mais demeurant néanmoins abrité par le rideau ; puis, avançant seulement sa tête au dehors de cette portière, il répéta : – Non ; messire, non, grâce à Dieu, tout n’est pas perdu !
Le capitaine, entendant cette voix timide, se retourna, reconnut le vieillard qu’il affectionnait et lui dit brusquement : – Que fais-tu… à cette porte ? entre… entre donc ! – Mais voyant Denis hésiter, il ajouta d’une grosse voix : – De par le diable, entreras-tu ?
– Me voici, messire… me voici entré ! Mais pour l’amour du bon Dieu, ne vous emportez point.
– Que veux-tu ?
– Messire… je… hum… hum… messire… je… viens… hum…
– Ah çà, maintenant, vas-tu t’expliquer ?
– Oui, messire… mais je vous en conjure encore une fois, ne vous emportez point ; je vous apporte une bonne nouvelle…
– Laquelle ?
– Une nouvelle… inespérée… hum… hum… une nouvelle miraculeuse…
– Laquelle… laquelle…
– Tout n’est pas perdu, messire… au contraire… tout est sauvé !
– Quoi sauvé ?
– Le roi et la Gaule !
– Denis ! – reprit le capitaine en jetant un regard menaçant sur l’oncle de Jeanne, – si tu n’avais des cheveux blancs, je te ferais chasser du château à coups de fourreau d’épée ! Quoi ! tu oses railler ! parler du salut du roi et de la France… lorsque tu m’entends m’écrier : Tout est perdu !
– Messire, je vous en supplie, écoutez sans colère ce que j’ai à vous raconter, si incroyable que cela vous paraisse !… Je n’ai ni la figure, ni le langage d’un bouffon… Ne me connaissez-vous pas depuis longtemps ?
– Oui, je te connais, je te sais bon et prud’homme ; aussi tes paroles malsonnantes m’ont-elles fort surpris… Allons, parle.
– Vous ne vous courroucerez point ?
– Non…
– Vous ne m’interromprez point ?
– Ah ! que de mots !
– Messire, vous le voyez, j’ai le front baigné de sueur, la voix étranglée, le corps tout tremblant, pourtant je n’ai point seulement commencé de vous apprendre ce pour quoi je suis venu… Si donc vous m’interrompiez avec colère… Je perdrais le fil de mes idées… je…
– Ventre-Dieu ! quelle patience il me faut avoir ! Allons ! dépêche ! je ne t’interromprai pas… je t’écoute !
Denis Laxart fit un grand effort sur lui-même, et, après s’être un moment recueilli, dit au capitaine d’une voix précipitée :
– Je suis allé hier voir ma nièce à Domrémy ; elle a épousé Jacques Darc, honnête laboureur ; ils ont deux fils et une fille ; la fille s’appelle Jeannette… elle a dix-sept ans…
Mais Denis, voyant l’impatience à peine contenue du capitaine sur le point d’éclater à cet exorde, se hâta d’ajouter :
– J’arrive au fait, messire, j’arrive au fait, hum… hum… il va vous paraître étonnant, prodigieux, mais enfin… tel il est… tel je vous le rapporte… Donc, hier soir, ma petite-nièce Jeannette m’a dit ceci : – « Mon bon oncle, vous connaissez le capitaine Robert de Baudricourt ; il faut que, dès demain, vous me conduisiez à Vaucouleurs, auprès de lui. »
– Auprès de moi ! que me veut ta nièce ?
– Elle veut vous révéler, messire, ce qu’elle m’a révélé hier soir, à l’insu de ses parents, à l’insu même de maître Minet, son curé, son confesseur… jugez un peu… quel secret !
– Enfin, ce secret… quel est-il ?
– Le voici, messire… Il paraît… hum… hum… il paraît que Jeannette est inspirée de Dieu… que des voix mystérieuses lui annoncent, depuis longtemps, qu’elle, Jeannette, ma petite-nièce, chassera les Anglais de la Gaule en se mettant à la tête des troupes du roi, et qu’elle lui rendra sa couronne…
Robert de Baudricourt, d’abord stupéfait de l’extravagance de ces paroles, eut peine à se contraindre, il fut sur le point de chasser brutalement le pauvre Denis. Cependant, se dominant par pitié pour le vieillard, il lui dit d’un accent sardonique :
– Ah ! tel était le secret que ta nièce voulait me confier ?
– Oui, messire… elle se proposait ensuite de vous demander les moyens de se rendre auprès du gentil dauphin, notre sire, qu’elle veut absolument entretenir des projets que le Seigneur Dieu a sur elle… toujours pour la délivrance de la Gaule et de son roi.
– Vraiment ?
– Ceci est, messire, la pure vérité. Or, je vous l’avoue, j’ai été profondément frappé de l’accent de sincérité de Jeannette, lorsqu’elle m’a raconté ses visions de saintes et d’archanges, lorsqu’elle m’a appris comment elle entendait des voix mystérieuses qui, depuis trois ans, l’obsédaient, lui prophétisant qu’elle était la vierge guerrière dont Merlin prédisait la venue pour la délivrance de la Gaule. Cette légende court depuis longtemps la Lorraine ; vous le savez, messire, de sorte que…
– Ainsi, tu as cru ta nièce ? – dit le capitaine avec un mélange de mépris et de compassion en interrompant le vieillard, qu’il regardait comme stupide ou comme fou… – Ainsi, tu as ajouté foi aux paroles de cette fille ?
– Comment ne pas la croire, messire ? Jamais l’on n’a eu un mensonge à lui reprocher. Aussi, cédant à ses instances, hier soir, j’ai, non sans peine, obtenu de Jacques Darc, qui semblait fort irrité contre sa fille, de lui permettre de m’accompagner, sous le prétexte de venir passer quelques jours en cette ville avec ma femme et moi. Ce matin, partant de Domrémy avant l’aube, j’ai pris Jeannette en croupe ; nous sommes arrivés ici il y a une heure ; ma nièce m’attend chez moi, où je dois lui porter votre réponse.
– Ah ! elle attend ma réponse ?
– Oui, messire…
– Eh bien ! la voici… Il faut souffleter à tour de bras cette effrontée folle(27) et la reconduire à ses parents, afin qu’ils la châtient rudement.
– Quoi ! messire ? – s’écria le pauvre oncle, – telle est votre réponse ?…
– Maître Denis Laxart, je vous croyais un prud’homme, vous n’êtes qu’un vieil oison ou qu’un vieux fou !
– Messire…
– N’avez-vous pas honte ! à votre âge ! ajouter foi à de pareilles sottises ! avoir l’impudence de me faire de telles confidences… Mort et furie ! je ne sais qui me tient de… Sortez !
– Messire… ne croyez pas que…
– Hors d’ici ! Par les cinq cents diables de l’enfer… sortez à l’instant, sortez !
Le pauvre Denis sortit tout éperdu.
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Le pauvre Denis Laxart sortit tout éperdu, mais plus tard il revint au château de Vaucouleurs ; il revint non plus seul, mais avec Jeanne, inquiet, tremblant à la seule pensée d’affronter encore le courroux du sire de Baudricourt. Jeanne avait tant prié, tant supplié son oncle, de la conduire près du terrible capitaine, qu’il s’était à regret rendu aux instances de sa nièce. Que l’on juge de l’effroi du bonhomme, lorsqu’en compagnie de la jeune fille, il approcha du rideau de cuir masquant l’entrée de la salle où se tenait Robert de Baudricourt. Celui-ci s’entretenait avec messire Jean de Novelpont(28), chevalier, habitant Vaucouleurs, et lui disait, continuant une conversation commencée : – Encore une fois c’est une folle, bonne à souffleter…
– Eh ! qu’importe ! si l’on avait pu tirer quelque parti de sa folie ! – répondait Jean de Novelpont. – Imaginez un homme en proie à une maladie incurable, il est abandonné des médecins ; condamné par eux à mourir, on lui propose d’essayer in extremis d’un philtre prétendu salutaire, composé par un fou. Notre malade ne doit-il pas tenter cette dernière chance de guérison ?… Que risque-t-il ?
– Mort-Dieu ! il risque de mourir à coup sûr !… de plus de passer pour un sot…
– Robert, je vous le répète, le peuple et les soldats sont crédules ; l’annonce d’un secours céleste, surnaturel, peut ranimer l’espérance des populations et de l’armée, relever leur courage, les rendre victorieux après tant de défaites. Or, avouez-le, les conséquences d’un premier succès ne seraient-elles pas incalculables ?
– Certes ! si l’on remportait cette victoire, – répondit Robert de Baudricourt quelque peu ébranlé. – Je connais nos soldats, souvent un revers suffit à les abattre ; mais une bataille heureuse peut ranimer leur énergie, et leur donner un élan irrésistible !
– En ce cas, pourquoi ne pas consentir à voir cette fille ? pourquoi ne pas l’interroger…
– Y songez-vous ? une visionnaire… une vachère !
– Soit ; mais dans l’état désespéré où se trouve la France, que risque-t-on de recourir à l’empirisme ? Robert, croyez-moi, vous eussiez politiquement agi en consentant à écouter cette paysanne… La prophétie de Merlin qu’elle invoque, absurde ou non, est populaire en Gaule… Je me souviens d’avoir entendu raconter cette légende dans mon enfance… Partout, d’ailleurs, l’on prophétise à cette heure en notre malheureux pays. Las d’attendre des moyens humains la délivrance des maux qui nous accablent, on la demande aux moyens surnaturels ; les doctes clercs de l’Université de Paris, des prêtres ! n’ont-ils pas dernièrement encore fait publiquement appel à la clairvoyance divinatrice des pieux hommes versés dans les saintes Écritures et habitués à la vie contemplative ? Selon moi, en certaines circonstances, il faut oser… tout oser !
– Par la mort du Christ ! c’est encore toi ! – s’écria Robert de Baudricourt en interrompant son ami et voyant la figure craintive de Denis Laxart apparaître à la fente du rideau de cuir ; – ne crains-tu pas de lasser ma patience ?
Denis ne répondit rien, s’effaça devant Jeanne ; celle-ci écarta le rideau, s’avança résolûment vers les deux chevaliers ; son oncle la suivait levant les yeux au ciel, tremblant de tous ses membres.
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Jeanne vieille ou laide eût été sans doute à l’instant chassée dédaigneusement par Robert de Baudricourt ; mais il fut, ainsi que le sire Jean de Novelpont, frappé de la beauté de la jeune fille, de l’expression douce et mâle de ses traits, de son maintien chaste, modeste, assuré. Les deux chevaliers, saisis d’étonnement, se regardèrent en silence ; le sire de Novelpont, hochant la tête en souriant, semblait dire à son ami : « – Avais-je tort de vous conseiller de voir du moins cette pauvre visionnaire ? »
Robert de Baudricourt hésitait encore sur l’accueil qu’il devait faire à Jeanne, lorsque l’autre chevalier lui dit, afin de l’éprouver :
– Eh bien, mon enfant ? il faudra donc que le roi soit chassé de France ? et que nous devenions Anglais ? Est-ce pour empêcher cela que vous êtes ici(29) ?
– Messire, – répondit Jeanne d’une voix douce et ferme empreinte d’un accent d’irrécusable sincérité, – je suis venue ici, dans cette ville royale, afin de demander au sire Robert de Baudricourt de me faire conduire vers le dauphin de France ; l’on n’a pas eu souci de mes paroles, pourtant il faut qu’avant huit jours je sois auprès du roi. Si je ne pouvais marcher, j’irais sur les genoux ; il n’y a au monde ni capitaine, ni duc, ni prince, capables de sauver le royaume de France sans le secours que j’apporte de par l’assistance de Dieu et de ses saints(30). – Puis Jeanne soupira et, le regard humide de larmes, ajouta naïvement : – J’aimerais mieux rester à coudre et à filer en notre maison auprès de ma pauvre mère… mais Dieu m’a donné une tâche… je dois l’accomplir(31).
– Et de quelle façon l’accompliras-tu cette tâche ? – reprit Robert de Baudricourt, non moins surpris que son ami du mélange d’assurance, de douceur ingénue et de conviction qui régnaient dans la réponse de la jeune fille. – Oui, comment feras-tu, toi simple bergère, pour vaincre et chasser les Anglais, lorsque La Hire, Xaintrailles, Dunois, Gaucourt, et tant d’autres vaillants capitaines ont été battus ?
– Je me mettrai hardiment à la tête des gens d’armes, et, Dieu aidant, nous vaincrons !
– Ma fille… – reprit Robert de Baudricourt avec un sourire d’incrédulité, – s’il est dans la volonté de Dieu de chasser les Anglais de la Gaule, est-ce qu’il a besoin pour cela de toi et de gens d’armes(32) ?
– Les gens d’armes batailleront… Dieu donnera la victoire(33) ! – répondit Jeanne avec un laconisme tranquille.
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