Bernard n’ayant point eu part ainsi que ses frères à la curée des royaumes, se révolte le premier contre son père ; celui-ci, après un combat sanglant, s’empare de son fils et lui fait crever les yeux. Bernard survit peu de temps à ce supplice, et les prêtres absolvent moyennant de riches dotations Louis-le-Pieux de son abominable cruauté. Il eut de la belle Judith un dernier fils, appelé plus tard Karl-le-Chauve, et lui octroya l’Allemanie, la Réthie et une partie de la Bourgogne démembrée des États de Lothaire, de Louis et de Pépin. Ceux ci, courroucés d’être ainsi dépossédés en faveur de leur jeune frère, marchent contre Louis-le-Pieux et le forcent de se retirer dans un couvent avec la Reine Judith ; mais bientôt après la guerre éclate entre les trois fils rebelles. Grâce à cette division, habilement exploitée par le moine Gombaud, Louis-le-Pieux sort du couvent et est rétabli roi dans une diète tenue à Nimègue ; en 834, ses trois fils se soulèvent de nouveau contre lui, rassemblent leurs troupes entre Bâle et Strasbourg, dans un endroit appelé depuis le camp du Mensonge, et s’emparent de leur père ; le pape Grégoire IV, pontife infâme ! complice de ces fils dénaturés, se joint à eux pour forcer leur père à abdiquer, après quoi on conduit ce roi dévotieux et lâche, à l’abbaye de Saint-Médard, à Soissons, où on l’enferme revêtu d’un cilice. De nouvelles guerres éclatent entre les trois frères ; quelques partisans de Louis-le-Pieux profitant de l’occurrence le font évader de sa prison ; l’abbé de Saint-Denis, moyennant une grosse somme, le resacre roi, et ce débonnaire, croyant apaiser la haine de ses fils, leur partage de nouveau ses États ; mais, malcontents de la distribution, ils se soulèvent encore ; il les combat, et lors de cette dernière guerre, il meurt de la peur que lui inspire une éclipse de soleil, quoiqu’il se piquât fort d’être astronome. Après les luttes parricides viennent les luttes fratricides. En 840, Karl-le-Chauve, fils de Louis-le-Pieux, monte sur le trône à dix-sept ans ; il s’allie à son frère Louis de Bavière contre leur frère, Lothaire. Pendant trente-six ans que régna ce roi (de 840 à 876), la Gaule, la Germanie et l’Italie, héritage de Karl-le-Grand, furent incessamment dévastées par les guerres de Karl-le-Chauve contre ses frères ou de leurs descendants contre lui ; les Arabes, les Hongrois envahissent la Gaule, les pirates north-mans, maîtres de l’embouchure des grands fleuves, ravagent le littoral des rivières, font plusieurs fois payer rançon à Paris qu’ils assiègent, et grand nombre de leurs bandes s’établissant enfin à poste fixe dans des camps retranchés à l’embouchure de la Seine, de la Somme, de la Gironde, de la Loire, vont plusieurs fois piller Orléans, Blois et Tours. Les grands seigneurs bénéficiers, descendants des Leudes de Clovis, méprisant de l’autorité Karl-le-Chauve, élèvent, malgré ses édits, partout des châteaux forts, et retranchés dans ces citadelles imprenables, se déclarent Comtes ou Duks souverains, héréditaires et propriétaires des Comtés et des Duchés qu’ils avaient jusqu’alors tenus à bénéfices temporaires ou gouvernés au nom des rois franks. Parmi ces grands seigneurs franks, la famille de Roth-bert-le-Fort, investie de père en fils du comté de Paris et du duché de France, se montra des plus audacieusement rebelles à la royauté. Ces comtes de Paris devaient être pour la race dégénérée de Karl-le-Grand ce que ses ancêtres, les maires du palais, avaient été pour la race énervée de Clovis. Karl-le-Chauve, revenu d’Italie, meurt par le poison en 876, dans le village de Brios, situé au sommet du Mont Cénis. Louis-le-Bègue succède au roi défunt ; nouvelles guerres civiles entre le Bègue et ses neveux, descendants de Karl-le-Chauve ; les North-mans, les Arabes, les Hongrois redoublent leurs désastres en Gaule ; les serfs, poussés à bout par l’atrocité de l’esclavage et de la misère, se joignant aux pirates, se vengent ainsi de l’oppression des seigneurs et des évêques Enfin Louis-le-Bègue meurt à Compiègne le 10 avril 879, laissant sa seconde femme grosse du prince qui fut plus tard Karl-le-Sot ; de sa première épouse, Louis-le-Bègue avait eu Louis III et Karloman ; ils se partagent les États de leur père, de longues guerres civiles éclatent entre eux ou contre Karl-le-Gros, leur oncle. Celui-ci, à la mort de Louis III et de Karloman, s’empare du trône à l’exclusion de son neveu Karl-le-Sot, et après plusieurs années d’un règne souillé par des hontes, des lâchetés sans nombre, Karl-le-Gros meurt en 888, méprisable et méprisé, après avoir ignominieusement assisté des hauteurs de Montmartre au siège et au sac de Paris par les pirates North-mans, sans porter secours à cette cité. Karl-le-Gros mort, Arnulf, bâtard de Karloman, règne sur la Germanie au préjudice de Karl-le-Sot, héritier naturel des royaumes d’Allemagne et de Gaule. Eudes, comte de Paris, fils de Roth-bert-le-Fort, s’empare, lui, d’une partie de la Gaule et se fait proclamer par sa bande de guerriers, roi de France, et, comme tel, il est sacré et couronné par Gauthier, archevêque de Sens, l’église catholique étant toujours prête à sacrer, consacrer, resacrer, archisacrer qui la paye. Eudes, l’usurpateur, meurt en 803. Cette fois, Karl-le-Sot monte sut le trône, et il règne encore en cette année 912, justifiant et de reste son surnom de Sot, hors d’état de résister aux pirates North-mans, aux grands seigneurs, aux évêques et aux abbés qui lui arrachent son royal héritage, ville à ville, domaine à domaine, province à province.

La voilà donc cette glorieuse lignée de Karl-le-Grand ! Louis-le-Pieux, Karl-le-Chauve, Louis-le-Bègue, Karl-le-Gros, Karl-le-Sot ! UN PIEUX, UN CHAUVE, UN BÈGUE, UN GROS, UN SOT ! rois imbéciles, lâches ou cruels, mourant par la peur, la débauche ou le poison ; les voilà donc tes descendants, auguste empereur ! Ton immense empire démembré, la Gaule, l’Allemagne, l’Italie, ravagées durant un siècle, par les guerres parricides ou fratricides de leurs rois, envahies par les Arabes, les Hongrois, les North-mans, asservies, épuisées, par les seigneurs et les prélats. Voilà ce que tu as laissé après toi, auguste empereur, qui régnas sur le monde ! Les voilà, les voilà les fruits abhorrés de cette royauté fondée par la conquête des Franks ! Et maintenant lisez, fils de Joel, lisez, vous connaîtrez les maux affreux que ces rois, issus de Clovis, de Karl-Martel ou de Karl-le-Grand ont fait subir à la Gaule, notre mère patrie. Non, elle ne s’appelle plus la Gaule ; hélas ! ils lui ont volé jusqu’à son nom ! Ils l’appellent aujourd’hui de leur nom exécré : – la FRANCE !

La légende suivante se passe dans la cité de Paris, noble ville, qui, du temps de la vieille Gaule, fut vaillante parmi les plus vaillantes. Jusqu’à l’invasion de notre sol par César et plus tard par Clovis, les Gaulois de la contrée de Paris avaient vécu libres, comme les autres populations du pays ; des premiers ils prirent les armes contre les légions romaines. Labiénus s’étant, à la tête de troupes nombreuses, présenté devant Paris pour s’en rendre maître, les Parisiens, dans l’impossibilité de défendre la ville, la livrent héroïquement aux flammes, et se retirent sur les hauteurs qui dominent la ville. Un combat acharné s’y engage. – « L’on ne vit pas, » – a écrit César dans ses Commentaires, en parlant de cette bataille acharnée, – « l’on ne vit pas un seul Gaulois de Paris abandonner son poste ; tous périrent les armes à la main. Le vieux Camulogène, leur chef, subit le même sort. ». – Cette défaite, funeste à l’armée romaine qui fut elle-même décimée, loin d’abattre le courage des Parisiens l’enflamma d’une nouvelle ardeur ; bientôt ils envoyèrent huit mille hommes se joindre aux troupes du chef-des-cent-vallées. Ceux-là aussi, comme ce héros de la Gaule, ne déposèrent les armes qu’écrasés par le nombre. L’esprit de patriotique révolte des Parisiens courrouça César ; il rangea Paris parmi les villes Vegtigales, cités sur lesquelles la conquête romaine pesait plus cruellement encore que sur les autres villes. Le christianisme fit à Paris comme ailleurs miroiter aux yeux des populations abusées, les lueurs trompeuses d’une délivrance prochaine ; mais à Paris comme ailleurs, de faux prêtres de Jésus, complices des Franks, plongèrent le peuple dans les ténèbres catholiques ; aussi, moins fidèle à la foi druidique que la Bretagne, Paris subit peu à peu le double joug de l’Église et de la conquête, son peuple s’énerva, s’hébéta comme tant d’autres peuples de la Gaule jadis indomptable. Julien, l’empereur romain, bâtit vers 356, le palais des Thermes que devaient habiter plus tard les rois franks ; vers l’an 494, Clovis s’empara de Paris et y fixa en 506 le siège de sa royauté ; ce fut là que, ayant rassemblé ses Leudes, avant d’aller exterminer les Ariens du midi de la Gaule, convié par l’Église à ce religieux massacre, ce bon catholique fit vœu, s’il réussissait dans cette sanglante et lucrative entreprise, d’employer une partie des dépouilles des hérétiques à bâtir une basilique dans Paris. Il tint parole, ce pieux homme, et revenant en cette cité, capitale de son royaume, il éleva une basilique dédiée à saint Pierre et à saint Paul, église où on l’enterra en 511. On la dédia plus tard à sainte Geneviève.