Un d’eux a récemment ensorcelé un boulanger « ainsi que son four ». Un autre a la scélératesse de cacheter et sceller avec le plus grand soin des enveloppes « où il n’y a rien dedans ». Un autre va jusqu’à avoir dans sa maison sur une planche trois bouteilles étiquetées B. Ces faits monstrueux sont constatés. Quelques sorciers sont complaisants, et, pour deux ou trois guinées, prennent vos maladies. Alors ils se roulent sur leur lit en poussant des cris. Pendant qu’ils se tordent, vous dites : Tiens, je n’ai plus rien. D’autres vous guérissent de tous les maux en vous nouant un mouchoir autour du corps. Moyen si simple qu’on s’étonne que personne ne s’en soit encore avisé. Au siècle dernier la cour royale de Guernesey les mettait sur un tas de fagots, et les brûlait vifs. De nos jours elle les condamne à huit semaines de prison, quatre semaines au pain et à l’eau, et quatre semaines au secret, alternant. Amant alterna catenae.
Le dernier brûlement de sorciers à Guernesey a eu lieu en 1747. La ville avait utilisé pour cela une de ses places, le carrefour du Bordage. Le carrefour du Bordage a vu brûler onze sorciers, de 1565 à 1700. En général ces coupables avouaient. On les aidait à l’aveu au moyen de la torture. Le carrefour du Bordage a rendu d’autres services encore à la société et à la religion. On y a brûlé les hérétiques. Sous Marie Tudor, on y brûla, entre autres huguenots, une mère et ses deux filles ; cette mère s’appelait Perrotine Massy. Une des filles était grosse. Elle accoucha dans la braise du bûcher. La chronique dit : « Son ventre éclata. » Il sortit de ce ventre un enfant vivant ; le nouveau-né roula hors de la fournaise ; un nommé House le ramassa. Le bailli Hélier Gosselin, bon catholique, fit rejeter l’enfant dans le feu.
Pour ta femme, quand tu te marieras
Revenons à Gilliatt.
On contait dans le pays qu’une femme, qui avait avec elle un petit enfant, était venue vers la fin de la révolution habiter Guernesey. Elle était anglaise, à moins qu’elle ne fût française. Elle avait un nom quelconque dont la prononciation guernesiaise et l’orthographe paysanne avaient fait Gilliatt. Elle vivait seule avec cet enfant qui était pour elle, selon les uns un neveu, selon les autres un fils, selon les autres un petit-fils, selon les autres rien du tout. Elle avait un peu d’argent, de quoi vivre pauvrement. Elle avait acheté une pièce de pré à la Sergentée, et une jaonnière à la Roque-Crespel, près de Rocquaine. La maison du Bû de la Rue était, à cette époque, visionnée. Depuis plus de trente ans, on ne l’habitait plus.
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