Les trois villes - Lourdes
Le cycle des Trois villes (Lourdes, Rome et Paris) suit l’itinéraire d’un héros unique, Pierre Froment. Les trois romans ont été publié respectivement en 1894, 1896 et 1898.
Lourdes, c’est du Zola
Le 11 février 1858, la Vierge « apparaît » à Bernadette Soubirous. À la fin du siècle, Émile Zola consacrera un roman à Lourdes, au terme d’une formidable enquête sur le terrain.
« Elle était éblouie par une blancheur, une sorte de clarté vive qui lui semblait se fixer contre le rocher, en haut de la grotte, dans une fente mince et haute, pareille à une ogive de cathédrale. Effrayée, elle tomba sur les genoux. Qu’était-ce donc, mon Dieu ? »
Sous la plume d’Émile Zola, voici Bernadette Soubirous assistant à la première apparition de la Vierge Marie à Lourdes, le 11 février 1858. Il y a tout juste cent cinquante ans aujourd’hui. Mais qu’allait donc faire l’auteur de l’Assommoir et de Nana dans cette galère sulpicienne ? Un roman. Et, avant de l’écrire, une véritable enquête journalistique.
À la mi-septembre 1891, il tombe des cordes sur Lourdes (Hautes-Pyrénées), et Émile Zola, qui y séjourne avec son épouse, est de fort mauvaise humeur. Il sort, profitant d’une éclaircie, et découvre « cette ville de la foi née de l’hallucination de cette petite fille de 14 ans, cette cité mystique en ce siècle de scepticisme »[1]. Le spectacle « de ces malades, de ces marmiteux, de ces enfants mourants apportés devant la statue » le bouleverse. Le besoin de « peindre » ce « remuement des âmes » le saisit. « Ô le beau livre à faire avec cette ville extraordinaire », écrit-il à son ami Henry Céart. Il reviendra à Lourdes.
« Un défilé affreux »
Mais il lui faut d’abord en finir avec les Rougon-Macquart, dont le vingtième et dernier volume, le Docteur Pascal, paraît en 1893. Zola a déjà un autre projet en tête, une trilogie des « Trois Villes » consacrée à Lourdes, Rome et Paris, et qui aura un prêtre pour héros. Avant d’écrire, Zola a besoin de s’immerger dans son sujet. Il pratique l’enquête de terrain, rapportant des carnets qui nourrissent ses récits. En août 1892, il retourne à Lourdes, lors du pèlerinage national. Il y reste deux semaines, plus longtemps qu’il ne l’a fait aux mines d’Anzin pour Germinal, ou dans la Beauce avant d’écrire la Terre. C’est dire si le sujet lui tient à cœur. Il veut tout voir, tout savoir. Il y est reçu pour ce qu’il est : une personnalité de premier plan dans le monde des lettres. Toutes les portes lui sont ouvertes. La mairie est tenue par des républicains, c’est-à-dire la gauche anticléricale et franc-maçonne. Les catholiques prient pour la conversion du romancier. Les journalistes accourent de Paris afin de recueillir ses impressions. Lui travaille.
Il est présent en gare lorsque le « train blanc » arrive avec les grands malades. « Un défilé affreux », note-t-il. Il observe aussi bien « la petite paysanne, mourante, toute blanche sur un brancard » que « les belles dames de pèlerinages, en dentelle noire ». Toute une humanité souffrante, qui l’émeut et lui retourne le cœur : « La tristesse affreuse de tout cela, l’odeur écœurante de sueur, d’haleines gâtées, de misère et de saleté ». Il est partout, interroge tout le monde : il visite la grotte, la basilique, les piscines, l’hôpital, le diorama.
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