alors, vous n’êtes venu que pour Achille ? »
Cette fois, elle ne rit plus. Elle paraît furieuse, singulièrement... et voilà qu’elle parle ! qu’elle parle !... Que dit-elle ?... Ma foi, je n’en sais trop rien ! Étonnement ? Colère ? Dépit ? Inquiétude ? Indignation ? Rancune ? Soupçon de voir ! son indigne secret lui écpapper ? Honte d’une aussi grossière turpitude pénétrée par un ami du baronnet ? C’est peut-être cela et autre chose, mais elle exprime cela en tant de langues diverses et qui me sont inconnues, dans un tel mélange d’idiomes, dans un si fulgurant sabir, que je n’y comprends goutte.
Quant à moi, je ne sais où me fourrer. Finalement, elle vient vers moi. Elle me brûle de son haleine, de tout son parfum, de sa chair de faunesse, de la flamme irritée de ses yeux...
« Ah ! vous avez bien changé, Master Prim ! de toutes les façons !... No ! No ! ce n’est pas vous !.... Je ne vous reconnais plus ! »
Elle ne me reconnaît plus ! Très dangereux cela ! Je balbutie : « J’ai demandé une chambre... L’hôtel est plein ! »
Voilà tout ce que j’ai trouvé.
Déjà elle sonne. Elle demande le directeur. Elle exige une chambre pour moi, tout de suite. Et je vois bien qu’on n’a rien à lui refuser. Je ne sais pas qui l’on va expulser, mais je coucherai au Royal ce soir. Et ce ne sera pas pour rien ! Une chambre à six cents francs ! J’espère qu’on la mettra sur la note du baronnet : « Je vais faire transporter les bagages de Monsieur, fait l’homme obséquieux.
– Mais je n’ai pas de bagage ! Je n’ai eu que le temps de sauter dans le train et je ne pensais venir que pour quelques heures... »
Stupéfaction amusée de Lady Helena :
« Alors, vous n’avez pas de tuxedo ? Oui, ce qu’ils s’obstinent à appeler smoking en France ? Ah ! dear ! dear ! Oh ! cela est grand ! Quelle histoire !... Mary ! vous ferez porter un des tuxedos du baronnet dans l’appartement de Mr. Prim ! Et du linge ! Et tout ce qu’il lui faut !... Dear, je vous donne Mary, elle vous habillera comme votre mère. Yes, baby ! Le baronnet prétend qu’il n’y a qu’elle qui réussisse son nœud de cravate. Vous avez même taille avec le baronnet. Right oh it’s O.K. ! »
Là-dessus, le maître d’hôtel déclare qu’il va envoyer chercher mon sac de toilette.
« No ! No ! No ! Ceci est pour moi ! Mary, ce sac dans ma chambre ! » Et Helena rit, rit : « Oh ! poor old dear ! Il est venu, sans une brosse à dents ! »
On nous laisse seuls, une seconde... Elle jette ses mains à mes épaules : « Come on, Lawrence ! Vous n’avez pas pensé que je vous laisserais partir comme cela ? »
J’ai cru que je n’avais qu’à cueillir le bouton de rose de sa bouche, mais elle m’a repoussé, nerveusement... « Laissez-moi m’habiller. À neuf heures, aux Ambassadeurs ! Bye ! Bye ! »
Et elle me flanqua à la porte.
Bon Dieu, non ! Je ne vais pas partir comme cela ! Ah ! bien, ce Lawrence ! tous mes compliments, mon cher... Mais faut-il que je lui ressemble ! Durin savait évidemment ce qu’il faisait en me vouant au n° 25, et je sais bien qu’elle ne l’a pas vu depuis deux ans, le « n° 25 »... Tout de même, je ne saurais douter qu’ils se sont connus de bien près. Et rien ne m’a trahi, rien !... pas même le son de ma voix... Il est vrai encore que j’ai sorti un mélange de français et d’anglais assez confus.
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