Merci pour le fafiot... » Certains « gagistes » sont d’une rapacité !... Et puis, dangereux !... C’est un coup à passer devant le Conseil de l’ordre !
J’ai encore quinze francs au fond de ma poche et mes clefs... Mes pas font un bruit honteux dans les couloirs vides.
Ces vacances sont immenses. On croit qu’elles n’ont que deux mois : elles en ont quatre. Elles commencent avant les « vacations » et durent longtemps après. On renvoie les affaires dès la fin juin. Au mois de juillet, un grand avocat se diminue s’il se montre en robe dans les couloirs. À la fin de ce même mois, on l’y voit en veston. Il montre déjà sa tenue de campagne. Il va partir. Il part. Il ne reste plus que ses secrétaires pour demander quelques remises qu’on ne lui refuse jamais. Un avocat qui fait encore son métier à cette époque est un croquant.
Je suis un croquant. J’ai ma robe. Je ne la quitte pas. On ne voit qu’elle de la galerie de Harlay aux couloirs de la correctionnelle. Peut-être quelqu’un en aura-t-il besoin pour vingt francs, pour dix francs, pour cent sous ! Je fais pitié, même aux gardes du palais qui tournent la tête.
Je pénètre dans les chambres correctionnelles des vacations. Elles ne sont plus que deux où l’on expédie, en cinq sec, de petits délits de rien du tout, de petites affaires où il n’est besoin ni d’interrogatoire, ni de témoignages, ni de plaidoiries, ni de jugements longuement motivés. Pour ces petites affaires, il y a de petits avocats qui se lèvent, soulèvent leur toque, s’inclinent et disent : « Je demande l’indulgence du tribunal ! » Ils sont désignés « d’office ».
Moi aussi, je me suis inscrit « d’office » pendant les vacances. Cela me fait penser que j’ai reçu deux ou trois feuilles ce matin.
Allons faire un tour au parquet ; il y fait frais. Je demanderai communication des dossiers. Je bavarderai avec les employés. Quelquefois, on trouve un bon tuyau par là... Mais on est tellement surveillé, dénoncé... Le meilleur encore est de graisser la patte aux gardiens-chefs des prisons quand on veut se faire valoir auprès d’un criminel, d’un vrai ! Hélas ! la première mise me manque, et puis nous ne sommes pas dans la saison !... Avec les bonnes sœurs à Saint-Lazare, un ostensoir un peu là ne faisait pas mal non plus dans le tableau ! Mais tout cela, ça n’a jamais été pour moi. Je suis zéro et il me faut tout.
Quelles pauvres choses on me passe au greffe ! Le dossier le plus important, écoutez cela ! C’est celui qui a le plus de chance de mettre en valeur ma haute éloquence : « Vol et abus de confiance » : un domestique qui a volé une épingle de cravate à son maître. L’homme ne nie pas. Il a été pris sur le fait ; un imbécile par-dessus le marché.
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