Elle travaille pour les agences de la rue Henner. Copies dramatiques. Clotilde suit les cours de l’école de droit. Elle s’est déjà fait inscrire au barreau. Il ne nous manquait plus que ça : les femmes ! Une confiance prodigieuse en elle-même, dans son travail, dans sa persévérance. Elle vous dit carrément : j’arriverai. En attendant, pour vivre, elle fait de la copie, elle aussi, pour messieurs les auteurs. Et c’est honnête ! Quelle époque ! Elles ont un frère que je connais, qui est danseur au Cambridge, et qui va épouser une vieille dame. Il y a eu une scène, l’autre jour. Elles l’ont fichu à la porte. Le frère a raison. Surtout s’il tue la vieille dame et me prend pour avocat. Je sens que je le ferai acquitter...
Ce matin, j’ai reçu un mot de mon client. Il demande à me voir cet après-midi. Encore un qui ne s’en fait pas ! En sortant de ma pension – c’est un vieil oncle qui la paie – je suis allé faire un tour au jardin du Luxembourg. Pas traîné. Les Reines de France me portent sur les nerfs, et j’ai pleuré en regardant les petits bateaux des gosses sur la pièce d’eau. Ah ! je voudrais aller aux bains de mer ! Je ne connais pas Deauville. Il me semble que je n’arriverai jamais à sortir du Quartier latin. Ah ! la rue Monsieur-le-Prince !... Comment ont-ils fait, les illustres ancêtres ? Je suis allé une fois chez Laveur. On m’a montré la place où Gambetta commençait à raconter des histoires autour de son assiette à soupe. Gambetta !... que serait-il resté de cette outre d’éloquence s’il n’avait pas eu une occasion : l’Empire !... Maintenant, on veut un dictateur et on ne veut plus de discours... Qu’est-ce que je fais au monde ?...
Depuis deux jours la « Remington » s’est tue, de l’autre côté de mon mur. Ces demoiselles sont parties en vacances. C’est Mlle Clotilde qui m’a annoncé cette bonne nouvelle. Elles sont extraordinaires : elles s’offrent deux mois de congé tous les ans dans « leur villa de Lion-sur-Mer ». J’ai demandé à mon confrère en bas de soie-imitation de m’inviter.
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