Oh ! quelle musique ! Les larmes lui coulent dans sa barbe, chaudes et brûlantes... Oh ! quelle tendresse divine, quel bonheur smaragdin !... Et maintenant... quelle immense clarté ! Et en bas, dans la rue, tous les gens lui sourient... Comme ils se lèvent pour le saluer ! Voici que la marchande des quatre-saisons cherche dans sa corbeille les plus belles pommes... Tout s'incline et se courbe devant lui, le meurtrier de Dieu, tout est en jubilation, en jubilation... Pourquoi ?... Oui, il le sait, il le sait bien, c'est parce que l'Antéchrist est arrivé et tous ces gens chantent « Hosannah ! Hosannahl »... Tout retentit, l'univers retentit d'allégresse et de musique... Et puis soudain tout est muet... quelque chose est tombé... c'est lui-même, hélas ! qui est tombé devant sa maison... quelqu'un le relève... Maintenant le revoici dans sa chambre... A-t-il dormi longtemps ? Il fait si sombre... Le piano est là ; de la musique ! de la musique !... Et puis soudain des hommes dans sa chambre... N'est-ce pas Overbeck ?... Pourtant il est à Bâle, et lui il est... où donc ?... Il ne le sait plus... Pourquoi le regarde-t-il d'une manière aussi étrange, aussi inquiète ?... Ensuite un wagon, un wagon... Comme les rails bruissent, bruissent étrangement ! On dirait qu'ils veulent chanter... Oui... ils chantent son Chant de gondolier et lui le chante avec eux... il le chante dans les ténèbres infinies.

Et puis longtemps, tout ailleurs, dans une chambre toujours obscure, sans jamais plus de soleil. Jamais plus de lumière, ni au-dedans ni au-dehors. Quelque part au-dessous de lui des hommes parlent encore. Une femme (n'est-ce pas sa sœur ? Mais elle est loin, très loin, au pays des Lamas ?) lui dit des livres à haute voix...