Dans l'allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l'ai dénoncée
au coq. A la grand'ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant
sur les quais de marbre, je la chassais.
En haut de la route, près d'un bois de lauriers, je l'ai entourée avec ses voiles amassés, et j'ai senti
un peu son immense corps. L'aube et l'enfant tombèrent au bas du bois.
Au réveil il était midi.
Fleurs
D'un gradin d'or, - parmi les cordons de soie, les gazes grises, les velours verts et les disques de
cristal qui noircissent comme du bronze au soleil, - je vois la digitale s'ouvrir sur un tapis de
filigranes d'argent, d'yeux et de chevelures.
Des pièces d'or jaune semées sur l'agate, des piliers d'acajou supportant un dôme d'émeraudes, des
bouquets de satin blanc et de fines verges de rubis entourent la rose d'eau.
Tels qu'un dieu aux énormes yeux bleus et aux formes de neige, la mer et le ciel attirent aux
terrasses de marbre la foule des jeunes et fortes roses.
Nocturne vulgaire
Un souffle ouvre des brèches opéradiques dans les cloisons, - brouille le pivotement des toits
rongés, - disperse les limites des foyers, - éclipse les croisées. - Le long de la vigne, m'étant appuyé
du pied à une gargouille, - je suis descendu dans ce carrosse dont l'époque est assez indiquée par les
glaces convexes, les panneaux bombés et les sophas contournés - Corbillard de mon sommeil, isolé,
maison de berger de ma niaiserie, le véhicule vire sur le gazon de la grande route effacée; et dans
un défaut en haut de la glace de droite tournoient les blêmes figures lunaires, feuilles, seins. - Un
vert et un bleu très foncés envahissent l'image. Dételage aux environs d'une tache de gravier.
- Ici, va-t-on siffler pour l'orage, et les Sodomes, - et les Solymes, - et les bêtes féroces et les
armées, - (Postillon et bêtes de songe reprendront-ils sous les plus suffocantes futaies, pour
m'enfoncer jusqu'aux yeux dans la source de soie).
- Et nous envoyer, fouettés à travers les eaux clapotantes et les boissons répandues, rouler sur l'aboi
des dogues...
- Un souffle disperse les limites du foyer.
Marine
Les chars d'argent et de cuivre -
Les proues d'acier et d'argent -
Battent l'écume, -
Soulèvent les souches des ronces -
Les courants de la lande,
Et les ornières immenses du reflux,
Filent circulairement vers l'est,
Vers les piliers de la forêt, -
Vers les fûts de la jetée,
Dont l'angle est heurté par des
tourbillons de lumière.
Fête d'hiver
La cascade sonne derrière les huttes d'opéra-comique. Des girandoles prolongent, dans les vergers
et les allées voisins du Méandre, - les verts et les rouges du couchant. Nymphes d'Horace coiffées
au Premier Empire, - Rondes Sibériennes, Chinoises de Boucher.
Angoisse
Se peut-il qu'Elle me fasse pardonner les ambitions continuellement écrasées, - qu'une fin aisée
répare les âges d'indigence, - qu'un jour de succès nous endorme sur la honte de notre inhabileté
fatale.
( O palmes! diamant! - Amour, force! - plus haut que toutes joies et gloires! - de toutes façons,
partout, - Démon, dieu, - Jeunesse de cet être-ci; moi ! )
Que des accidents de féerie scientifique et des mouvements de fraternité sociale soient chéris
comme restitution progressive de la franchises première?...
Mais la Vampire qui nous rend gentils commande que nous nous amusions avec ce qu'elle nous
laisse, ou qu'autrement nous soyons plus drôles.
Rouler aux blessures, par l'air lassant et la mer: aux supplices, par le silence des eaux et de l'air
meurtriers; aux tortures qui rient, dans leur silence atrocement houleux.
Métropolitain
Du détroit d'indigo aux mers d'Ossian, sur le sable rose et orange qu'a lavé le ciel vineux viennent
de monter et de se croiser des boulevards de cristal habités incontinent par de jeunes famille
pauvres qui s'alimentent chez les fruitiers. Rien de riche. - La ville !
Du désert de bitume fuient droit en déroute avec les nappes de brumes échelonnées en bandes
affreuses au ciel qui se recourbe, se recule et descend, formé de la plus sinistre fumée noire qui
puisse faire l'Océan en deuil, les casques, les roues, les barques, les croupes. - La bataille !
Lève la tête: ce pont de bois, arqué; les derniers potagers de Samarie; ces masques enluminés sous
la lanterne fouettée par la nuit froide; l'ondine niaise à la robe bruyante, au bas de la rivière: les
crânes lumineux dans les plants de pois - et les autres fantasmagories - La campagne.
Des routes bordées de grilles et de murs, contenant à peine leurs bosquets, et les atroces fleurs
qu'on appellerait coeurs et soeurs, Damas damnant de longueur, - possessions de féeriques
aristocraties ultra-Rhénanes, Japonaises, Guaranies, propres encore à recevoir la musique des
anciens - et il y a des auberges qui pour toujours n'ouvrent déjà plus - il y a des princesses, et si tu
n'es pas trop accablé, l'étude des astres - Le ciel.
Le matin où avec Elle, vous vous débattîtes parmi les éclats de neige, les lèvres vertes, les glaces,
les drapeaux noirs et les rayons bleus, et les parfums pourpres du soleil des pôles, - ta force.
Barbare
Bien après les jours et les saisons, et les êtres et les pays,
Le pavillon en viande saignante sur la soie des mers et des fleurs arctiques; (elles n'existent pas. )
Remis des vieilles fanfares d'héroïsme - qui nous attaquent encore le coeur et la tête - loin des
anciens assassins -
Oh! Le pavillon en viande saignante sur la soie des mers et des fleurs arctiques: (elles n'existent
pas)
Douceurs !
Les brasiers, pleuvant aux rafales de givre, - Douceurs! - les feux à la pluie du vent de diamants
jetée par le coeur terrestre éternellement carbonisé pour nous. - O monde! -
(Loin des vieilles retraites et des vieilles flammes, qu'on entend, qu'on sent,)
Les brasiers et les écumes. La musique, virement des gouffres et choc des glaçons aux astres.
O Douceurs, ô monde, ô musique! Et là, les formes, les sueurs, les chevelures et les yeux, flottant.
Et les larmes blanches, bouillantes, - ô douceurs! - et la voix féminine arrivée au fond des volcans
et des grottes arctiques.
Le pavillon...
Solde
A vendre ce que les Juifs n'ont pas vendu, ce que noblesse ni crime n'ont goûté, ce qu'ignorent
l'amour maudit et la probité infernale des masses: ce que le temps ni la science n'ont pas à
reconnaître:
Les voix reconstituées; l'éveil fraternel de toutes les énergies chorales et orchestrales et leurs
applications instantanées; l'occasion, unique, de dégager nos sens!
A vendre les Corps sans prix, hors de toute race, de tout monde, de tout sexe, de toute descendance!
Les richesses jaillissant à chaque démarche! Solde de diamants sans contrôle!
A vendre l'anarchie pour les masses; la satisfaction irrépressible pour les amateurs supérieurs; la
mort atroce pour les fidèles et les amants!
A vendre les habitations et les migrations, sports, féeries et comforts parfaits, et le bruit, le
mouvement et l'avenir qu'ils font!
A vendre les applications de calcul et les sauts d'harmonie inouïs. Les trouvailles et les termes non
soupçonnés, possession immédiate,
Elan insensé et infini aux splendeurs invisibles, aux délices insensibles, - et ses secrets affolants
pour chaque vice - et sa gaîté effrayante pour la foule -
A vendre les Corps, les voix, l'immense opulence inquestionable, ce qu'on ne vendra jamais. Les
vendeurs ne sont pas à bout de solde! Les voyageurs n'ont pas à rendre leur commission de si tôt!
Fairy
Pour Hélène se conjurèrent les sèves ornamentales dans les ombres vierges et les clartés
impassibles dans le silence astral. L'ardeur de l'été fut confiée à des oiseaux muets et l'indolence
requise à une barque de deuils sans prix par des anses d'amours morts et de parfums affaissés.
- Après le moment de l'air des bûcheronnes à la rumeur du torrent sous la ruine des bois, de la
sonnerie des bestiaux à l'écho des vals, et des cris des steppes. -
Pour l'enfance d'Hélène frissonnèrent les fourrures et les ombres - et le sein des pauvres, et les
légendes du ciel.
Et ses yeux et sa danse supérieurs encore aux éclats précieux, aux influences froides, au plaisir du
décor et de l'heure uniques.
Guerre
Enfant, certains ciels ont affiné mon optique: tous les caractères nuancèrent ma physionomie. Les
Phénomènes s'émurent. - A présent, l'inflexion éternelle des moments et l'infini des mathématiques
me chassent par ce monde où je subis tous les succès civils, respecté de l'enfance étrange et des
affections énormes. - Je songe à une Guerre de droit ou de force, de logique bien imprévue.
C'est aussi simple qu'une phrase musicale.
Jeunesse
I
Dimanche
Les calculs de côté, l'inévitable descente du ciel et la visite des souvenirs et la séance des rythmes
occupent la demeure, la tête et le monde de l'esprit.
- Un cheval détale sur le turf suburbain, et le long des cultures et des boisements, percé par la peste
carbonique. Une misérable femme de drame, quelque part dans le monde, soupire après des
abandons improbables. Les desperadoes languissent après l'orage, l'ivresse et les blessures. De
petits enfants étouffent des malédictions le long des rivières. -
Reprenons l'étude au bruit de l'oeuvre dévorante qui se rassemble et remonte dans les masses.
II
Sonnet
Homme de constitution ordinaire, la chair
n'était-elle pas un fruit pendu dans le verger; - ô
journées enfantes! - le corps un trésor à prodiguer; - ô
aimer, le péril ou la force de Psyché? La terre
avait des versants fertiles en princes et en artistes
et la descendance et la race vous poussaient aux
crimes et aux deuils: le monde votre fortune et votre
péril. Mais à présent, ce labeur comblé, - toi, tes calculs,
- toi, tes impatiences - ne sont plus que votre danse et
votre voix, non fixées et point forcées, quoique d'un double
événement d'invention et de succès une raison,
- en l'humanité fraternelle et discrète par l'univers,
sans images; - la force et le droit réfléchissent la
danse et la voix à présent seulement appréciées.
III
Vingt ans
Les voix instructives exilées... L'ingénuité physique amèrement rassise... - Adagio - Ah! l'égoïsme
infini de l'adolescence, l'optimisme studieux: que le monde était plein de fleurs cet
été! Les airs et les formes mourant... - Un choeur, pour calmer l'impuissance et l'absence! Un
choeur de verres, de mélodies nocturnes...
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