- Ce peuple est inspiré par la fièvre et le cancer. Infirmes et vieillards sont

tellement respectables qu'ils demandent à être bouillis. - Le plus malin est de quitter ce continent,

où la folie rôde pour pourvoir d'otages ces misérables. J'entre au vrai royaume des enfants de

Cham.

Connais-je encore la nature? me connais-je? - Plus de mots. J'ensevelis les morts dans mon ventre.

Cris, tambour, danse, danse, danse, danse! Je ne vois même pas l'heure où, les blancs débarquant, je

tomberai au néant.

Faim, soif, cris, danse, danse, danse, danse!

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Les blancs débarquent. Le canon! Il faut se soumettre au baptême, s'habiller, travailler.

J'ai reçu au coeur le coup de la grâce. Ah! je ne l'avais pas prévu!

Je n'ai point fait le mal. Les jours vont m'être légers, le repentir me sera épargné. Je n'aurai pas eu

les tourments de l'âme presque morte au bien, où remonte la lumière sévère comme les cierges

funéraires. Le sort du fils de famille, cercueil prématuré couvert de limpides larmes. Sans doute la

débauche est bête, le vice est bête; il faut jeter la pourriture à l'écart. Mais l'horloge ne sera pas

arrivée à ne plus sonner que l'heure de la pure douleur! Vais-je être enlevé comme un enfant, pour

jouer au paradis dans l'oubli de tout le malheur!

Vite! est-il d'autres vies? - Le sommeil dans la richesse est impossible. La richesse a toujours été

bien public. L'amour divin seul octroie les clefs de la science.

Je vois que la nature n'est qu'un spectacle de bonté.

Adieu chimères, idéals, erreurs.

Le chant raisonnable des anges s'élève du navire sauveur: c'est l'amour divin. - Deux amours! je

puis mourir de l'amour terrestre, mourir de dévouement.

J'ai laissé des âmes dont la peine s'accroîtra de mon départ! Vous me choisissez parmi les

naufragés, ceux qui restent sont-ils pas mes amis?

Sauvez-les!

La raison est née. Le monde est bon. je bénirai la vie. J'aimerai mes frères. Ce ne sont plus des

promesses d'enfance. Ni l'espoir d'échapper à la vieillesse et à la mort. Dieu fait ma force, et je loue

Dieu.

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L'ennui n'est plus mon amour. Les rages, les débauches, la folie, dont je sais tous les élans et les

désastres, - tout mon fardeau est déposé. Apprécions sans vertige l'étendu de mon innocence.

Je ne serais plus capable de demander le réconfort d'une bastonnade. Je ne me crois pas embarqué

pour une noce avec Jésus-Christ pour beau-père.

Je ne suis pas prisonnier de ma raison. J'ai dit: Dieu.

Je veux la liberté dans le salut: comment la poursuivre? Les goûts frivoles m'ont quitté. Plus besoin

de dévouement ni d'amour divin. Je ne regrette pas le siècle des coeurs sensibles. Chacun a sa

raison, mépris et charité: je retiens ma place au sommet de cette angélique échelle de bon sens.

Quant au bonheur établi, domestique ou non... non, je ne peux pas. Je suis trop dissipé, trop faible.

La vie fleurit par le travail, vieille vérité: moi, ma vie n'est pas assez pesante, elle s'envole et flotte

loin au-dessus de l'action, ce cher point du monde.

Comme je deviens vieille fille, à manquer du courage d'aimer la mort!

Si Dieu m'accordait le calme céleste, aérien, la prière, - comme les anciens saints.