En bateau
L’étoile du berger tremblote
Dans l’eau plus noire et le pilote
Cherche un briquet dans sa culotte.
C’est l’instant, Messieurs, ou jamais,
D’être audacieux, et je mets
Mes deux mains partout désormais!
Le chevalier Atys, qui gratte
Sa guitare, à Chloris l’ingrate
Lance une œillade scélérate.
L’abbé confesse bas Églé,
Et ce vicomte déréglé
Des champs donne à son cœur la clé.
Cependant la lune se lève
Et l’esquif en sa course brève
File gaîment sur l’eau qui rêve.
Sailing
The evening star flickers and glints
On darkling pool; the helmsman squints,
Searching his trousers for his flints.
Now is the time, Messieurs, or never.
Dare to be bold—like me—and clever:
My hands roam where they will, whenever!
Atys, our noble chevalier,
Strumming a tune, plucking away,
Leers at Chloris, whose eyes say “nay!”
The priest hears Sire Églé’s confession,
Who, whispering many an indiscretion,
Sets his heart on his next transgression.
Meanwhile, up comes the moon; the bark
Gaily sails round the little park
Over the water, dreaming, dark.
Le Faune
Un vieux faune de terre cuite
Rit au centre des boulingrins,
Présageant sans doute une suite
Mauvaise à ces instants sereins
Qui m’ont conduit et t’ont conduite,
—Mélancoliques pèlerins,—
Jusqu’à cette heure dont la fuite
Tournoie au son des tambourins.
The Faun
An ancient terra cotta faun
Laughs on the green: sign, probably,
That something will rain woe upon
These moments of serenity
That led us here, and led us on,
You, me—nostalgic pilgrims, we—
To this one hour, now spun and gone
Midst tambourines’ cacophony.
Mandoline
Les donneurs de sérénades
Et les belles écouteuses
Échangent des propos fades
Sous les ramures chanteuses.
C’est Tircis et c’est Aminte,
Et c’est l’éternel Clitandre,
Et c’est Damis qui pour mainte
Cruelle fait maint vers tendre.
Leurs courtes vestes de soie,
Leurs longues robes à queues,
Leur élégance, leur joie
Et leurs molles ombres bleues
Tourbillonnent dans l’extase
D’une lune rose et grise,
Et la mandoline jase
Parmi les frissons de brise.
Mandolin
There, beneath the echoing trees,
Renderers of serenades
Proffer their banalities
To their fair, attentive maids.
Tircis and Aminta too,
And Clitander, lost in time,
And the poet Damis, who
Plies cruel loves with endless rhyme.
Joyousness and elegance,
Fine long robes, silk waistcoats, and
Muted shadows join the dance
In a whirling saraband,
Blissful to be basking in
Pink-gray glories of the moon,
As, meanwhile, the mandolin
Twangs the breezes with its tune.
À Clymène
Mystiques barcarolles,
Romances sans paroles,
Chère, puisque tes yeux,
Couleur des cieux,
Puisque ta voix, étrange
Vision qui dérange
Et trouble l’horizon
De ma raison,
Puisque l’arome insigne
De ta pâleur de cygne,
Et puisque la candeur
De ton odeur,
Ah! puisque tout ton être,
Musique qui pénètre,
Nimbes d’anges défunts,
Tons et parfums,
A, sur d’almes cadences,
En ces correspondances
Induit mon cœur subtil,
Ainsi soit-il!
For Clymène
Songs of the gondolier,
Vague, wordless airs; my dear,
Since your eyes, heaven-blue;
Since your voice too,
Strange vision that upsets
The distant silhouettes
Lined up against the sky
Of my mind’s eye;
Since your skin’s fragrance, bright
As the swan’s brilliant white;
And since the pale pastel
Of your sweet smell;
Ah! since your being entire—
Heavenly angel-choir
Haloed in death, perfumes,
And sounds—subsumes
With cadence colorless
In its harmoniousness
My tenuous heart, amen!
So be it then!
Colombine
Léandre le sot,
Pierrot qui d’un saut
De puce
Franchit le buisson,
Cassandre sous son
Capuce,
Arlequin aussi,
Cet aigrefin si
Fantasque
Aux costumes fous,
Ses yeux luisants sous
Son masque,
—Do, mi, sol, mi, fa,—
Tout ce monde va,
Rit, chante
Et danse devant
Une belle enfant
Méchante
Dont les yeux pervers
Comme les yeux verts
Des chattes
Gardent ses appas
Et disent: “À bas
Les pattes!”
Colombine
The dimwitted Leander,
The hood-headed Cassander,
The spry
Pierrot, who, like a flea,
Springs, leaps the greenery;
The sly
Harlequin too—that oh
So cunning domino,
Whose eyes
Shine through that mask that is
So odd a part of his
Disguise.
All of them “ooh” and “ah”,
Giggle their fa-la-la,
Laugh, sing,
Dance, utterly beguiled
By damsel fair. The child,
Cruel thing,
Flashes her cat-eyes, green,
With callous looks that mean
A scoff,
A sneer, and that, though they
Tempt and seduce, still say:
“Hands off!”
—Eux ils vont toujours!
Fatidique cours
Des astres,
Oh! dis-moi vers quels
Mornes ou cruels
Désastres
L’implacable enfant,
Preste et relevant
Ses jupes,
La rose au chapeau,
Conduit son troupeau
De dupes?
Yet they press on! What force
Can halt the planets’ course!
Ah yes,
Tell me, oh, tell me, please,
Toward what calamity’s
Distress
(Rose in her bonnet, pert,
Taunting, with upheld skirt,
Her troops)
The heartless wench will lure
Her légion d’amour
Of dupes?
L’Amour par terre
Le vent de l’autre nuit a jeté bas l’Amour
Qui, dans le coin le plus mystérieux du parc,
Souriait en bandant malignement son arc,
Et dont l’aspect nous fit tant songer tout un jour!
Le vent de l’autre nuit l’a jeté bas! Le marbre
Au souffle du matin tournoie, épars. C’est triste
De voir le piédestal, où le nom de l’artiste
Se lit péniblement parmi l’ombre d’un arbre,
Oh! c’est triste de voir debout le piédestal
Tout seul! Et des pensers mélancoliques vont
Et viennent dans mon rêve où le chagrin profond
Évoque un avenir solitaire et fatal.
Oh! c’est triste!—Et toi-même, est-ce pas? es touchée
D’un si dolent tableau, bien que ton œil frivole
S’amuse au papillon de pourpre et d’or qui vole
Au-dessus des débris dont l’allée est jonchée.
Love Cast Down
The wind, one night, laid Cupid’s statue low,
Which, in the park’s most secret nook had stood;
Whose look, daylong, had charmed us, as we would
Muse on his sly smile and his tight-drawn bow.
The wind, one night, laid Cupid low. Ah me!
How bare his pedestal! The sculptor’s name
Dims in the shadows and, the more the shame,
Dawn’s breath whirls, swirls and scatters Love’s debris.
How sad it is to see, standing there still,
That pedestal, alone, calling to mind
Dreams of a future of the drearest kind,
Waiting in solitude for death’s dark chill.
How sad!—And you? Touched no less by the pains
Of such a sight, although your frivolous eye
Fancies the gold and purple butterfly
Flitting above Love’s bower-blown remains.
En sourdine
Calmes dans le demi-jour
Que les branches hautes font,
Pénétrons bien notre amour
De ce silence profond.
Fondons nos âmes, nos cœurs
Et nos sens extasiés,
Parmi les vagues langueurs
Des pins et des arbousiers.
Ferme tes yeux à demi,
Croise tes bras sur ton sein,
Et de ton cœur endormi
Chasse à jamais tout dessein.
Laissons-nous persuader
Au souffle berceur et doux
Qui vient à tes pieds rider
Les ondes de gazon roux.
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