Petite Discussion avec une momie

Petite Discussion avec une momie
Edgar Allan Poe
(Traducteur:
Charles Baudelaire)
Publication: 1845
Catégorie(s): Fiction, Nouvelles
Source: http://www.ebooksgratuits.com
A Propos Poe:
Edgar Allan Poe was an American poet, short story writer,
playwright, editor, critic, essayist and one of the leaders of the
American Romantic Movement. Best known for his tales of the macabre
and mystery, Poe was one of the early American practitioners of the
short story and a progenitor of detective fiction and crime
fiction. He is also credited with contributing to the emergent
science fiction genre.Poe died at the age of 40. The cause of his
death is undetermined and has been attributed to alcohol, drugs,
cholera, rabies, suicide (although likely to be mistaken with his
suicide attempt in the previous year), tuberculosis, heart disease,
brain congestion and other agents. Source: Wikipedia
Disponible sur Feedbooks Poe:
Double Assassinat
dans la rue Morgue (1841)
Le Chat
noir (1843)
Silence
(1837)
Le Scarabée
d’or (1843)
Le Sphinx
(1846)
La Lettre
Volée (1844)
Aventure sans
pareille d'un certain Hans Pfaal (1835)
La Chute de la
maison Usher (1839)
Hop-Frog
(1850)
Bérénice
(1835)
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Le symposium de la soirée précédente avait un peu fatigué mes
nerfs. J’avais une déplorable migraine et je tombais de sommeil. Au
lieu de passer la soirée dehors, comme j’en avais le dessein, il me
vint donc à l’esprit que je n’avais rien de plus sage à faire que
de souper d’une bouchée, et de me mettre immédiatement au lit.
Un léger souper, naturellement. J’adore les rôties au fromage.
En manger plus d’une livre à la fois, cela peut n’être pas toujours
raisonnable. Toutefois, il ne peut pas y avoir d’objection
matérielle au chiffre deux. Et, en réalité, entre deux et trois, il
n’y a que la différence d’une simple unité. Je m’aventurai
peut-être jusqu’à quatre. Ma femme tient pour cinq ; – mais
évidemment elle a confondu deux choses bien distinctes. Le nombre
abstrait cinq, je suis disposé à l’admettre ; mais, au point
de vue concret, il se rapporte aux bouteilles de Brown Stout, sans
l’assaisonnement duquel la rôtie au fromage est une chose à
éviter.
Ayant ainsi achevé un frugal repas, et mis mon bonnet de nuit
avec la sereine espérance d’en jouir jusqu’au lendemain midi au
moins, je plaçai ma tête sur l’oreiller, et grâce à une excellente
conscience, je tombai immédiatement dans un profond sommeil.
Mais quand les espérances de l’homme furent-elles
remplies ? Je n’avais peut-être pas achevé mon troisième
ronflement, quand une furieuse sonnerie retentit à la porte de la
rue, et puis d’impatients coups de marteau me réveillèrent en
sursaut. Une minute après, et comme je me frottais encore les yeux,
ma femme me fourra sous le nez un billet de mon vieil ami le
docteur Ponnonner. Il me disait :
« Venez me trouver et laissez tout, mon cher ami, aussitôt que
vous aurez reçu ceci. Venez partager notre joie. À la fin, grâce à
une opiniâtre diplomatie, j’ai arraché l’assentiment des directeurs
du City Museum pour l’examen de ma momie, – vous savez de laquelle
je veux parler. J’ai la permission de la démailloter, et même de
l’ouvrir, si je le juge à propos. Quelques amis seulement, seront
présents ; – vous en êtes, cela va sans dire. La momie est
présentement chez moi, et nous commencerons à la dérouler à onze
heures de la nuit.
Tout à vous,
« Ponnonner. »
Avant d’arriver à la signature, je m’aperçus que j’étais aussi
éveillé qu’un homme peut désirer de l’être. Je sautai de mon lit
dans un état de délire, bousculant tout ce qui me tombait sous la
main ; je m’habillai avec une prestesse vraiment miraculeuse,
et je me dirigeai de toute ma vitesse vers la maison du
docteur.
Là, je trouvai réunie une société très-animée. On m’avait
attendu avec beaucoup d’impatience ; la momie était étendue
sur la table à manger, et, au moment où j’entrai, l’examen était
commencé.
Cette momie était une des deux qui furent rapportées, il y a
quelques années, par le capitaine Arthur Sabretash, un cousin de
Ponnonner. Il les avait prises dans une tombe prés d’Éleithias,
dans les montagnes de la Libye, à une distance considérable
au-dessus de Thèbes sur le Nil. Sur ce point, les caveaux, quoique
moins magnifiques que les sépultures de Thèbes, sont d’un plus haut
intérêt, en ce qu’ils offrent de plus nombreuses illustrations de
la vie privée des Égyptiens. La salle d’où avait été tiré notre
échantillon passait pour très-riche en documents de cette
nature ; – les murs étaient complètement recouverts de
peintures à fresque et de bas-reliefs ; des statues, des vases
et une mosaïque d’un dessin très-riche témoignaient de la puissante
fortune des défunts.
Cette rareté avait été déposée au Museum exactement dans le même
état où le capitaine Sabretash l’avait trouvée, c’est-à-dire qu’on
avait laissé la bière intacte. Pendant huit ans, elle était restée
ainsi exposée à la curiosité publique, quant à l’extérieur
seulement. Nous avions donc la momie complète à notre disposition,
et ceux qui savent combien il est rare de voir des antiquités
arriver dans nos contrées sans être saccagées jugeront que nous
avions de fortes raisons de nous féliciter de notre bonne
fortune.
En approchant de la table, je vis une grande boîte, ou caisse,
longue d’environ sept pieds, large de trois pieds peut-être, et
d’une profondeur de deux pieds et demi. Elle était oblongue, – mais
pas en forme de bière. Nous supposâmes d’abord que la matière était
du bois de sycomore ; mais en l’entamant nous reconnûmes que
c’était du carton, ou plus proprement, une pâte dure faite de
papyrus.
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