Elle était grossièrement décorée de peintures représentant
des scènes funèbres et divers sujets lugubres, parmi lesquels
serpentait un semis de caractères hiéroglyphiques, disposés en tous
sens, qui signifiaient évidemment le nom du défunt. Par bonheur, M.
Gliddon était de la partie, et il nous traduisit sans peine les
signes, qui étaient simplement phonétiques et composaient le mot
Allamistakeo.
Nous eûmes quelque peine à ouvrir cette boîte sans
l’endommager ; mais, quand enfin nous y eûmes réussi, nous en
trouvâmes une seconde, celle-ci en forme de bière, et d’une
dimension beaucoup moins considérable que la caisse extérieure,
mais lui ressemblant exactement sous tout autre rapport.
L’intervalle entre les deux était comblé de résine, qui avait
jusqu’à un certain point détérioré les couleurs de la boîte
intérieure.
Après avoir ouvert celle-ci, – ce que nous fîmes très-aisément,
– nous arrivâmes à une troisième, également en forme de bière, et
ne différant en rien de la seconde, si ce n’est par la matière, qui
était du cèdre et exhalait l’odeur fortement aromatique qui
caractérise ce bois. Entre la seconde et la troisième caisse, il
n’y avait pas d’intervalle, – celle-ci s’adaptant exactement à
celle-là.
En défaisant la troisième caisse, nous découvrîmes enfin le
corps, et nous l’enlevâmes. Nous nous attendions à le trouver
enveloppé comme d’habitude de nombreux rubans, ou bandelettes de
lin ; mais, au lieu de cela, nous trouvâmes une espèce de
gaine, faite de papyrus, et revêtue d’une couche de plâtre
grossièrement peinte et dorée. Les peintures représentaient des
sujets ayant trait aux divers devoirs supposés de l’âme et à sa
présentation à différentes divinités, puis de nombreuses figures
humaines identiques, – sans doute des portraits des personnes
embaumées. De la tête aux pieds s’étendait une inscription
columnaire, ou verticale, en hiéroglyphes phonétiques, donnant de
nouveau le nom et les titres du défunt et les noms et les titres de
ses parents.
Autour du cou, que nous débarrassâmes du fourreau, était un
collier de grains de verre cylindriques, de couleurs différentes,
et disposés de manière à figurer des images de divinités, l’image
du Scarabée, et d’autres, avec le globe ailé. La taille, dans sa
partie la plus mince, était cerclée d’un collier ou ceinture
semblable.
Ayant enlevé le papyrus, nous trouvâmes les chairs parfaitement
conservées, et sans aucune odeur sensible. La couleur était
rougeâtre ; la peau, ferme, lisse et brillante. Les dents et
les cheveux paraissaient en bon état. Les yeux, à ce qu’il
semblait, avaient été enlevés, et on leur avait substitué des yeux
de verre, fort beaux et simulant merveilleusement la vie, sauf leur
fixité un peu trop prononcée. Les doigts et les ongles étaient
brillamment dorés.
De la couleur rougeâtre de l’épiderme, M. Gliddon inféra que
l’embaumement avait été pratiqué uniquement par l’asphalte ;
mais, ayant gratté la surface avec un instrument d’acier et jeté
dans le feu les grains de poudre ainsi obtenus, nous sentîmes se
dégager un parfum de camphre et d’autres gommes aromatiques.
Nous visitâmes soigneusement le corps pour trouver les incisions
habituelles par où on extrait les entrailles ; mais, à notre
grande surprise, nous n’en pûmes découvrir la trace. Aucune
personne de la société ne savait alors qu’il n’est pas rare de
trouver des momies entières et non incisées. Ordinairement, la
cervelle se vidait par le nez ; les intestins, par une
incision dans le flanc ; le corps était alors rasé, lavé et
salé ; on le laissait ainsi reposer quelques semaines, puis
commençait, à proprement parler, l’opération de l’embaumement.
Comme on ne pouvait trouver aucune trace d’ouverture, le docteur
Ponnonner préparait ses instruments de dissection, quand je fis
remarquer qu’il était déjà deux heures passées. Là-dessus, on
s’accorda à renvoyer l’examen interne à la nuit suivante ; et
nous étions au moment de nous séparer, quand quelqu’un lança l’idée
d’une ou deux expériences avec la pile de Volta.
L’application de l’électricité à une momie vieille au moins de
trois ou quatre mille ans était une idée, sinon très-sensée, du
moins suffisamment originale, et nous la saisîmes au vol. Pour ce
beau projet, dans lequel il entrait un dixième de sérieux et neuf
bons dixièmes de plaisanterie, nous disposâmes une batterie dans le
cabinet du docteur, et nous y transportâmes l’Égyptien.
Ce ne fut pas sans beaucoup de peine que nous réussîmes à mettre
à nu une partie du muscle temporal, qui semblait être d’une
rigidité moins marmoréenne que le reste du corps, mais qui
naturellement, comme nous nous y attendions bien, ne donna aucun
indice de susceptibilité galvanique quand on le mit en contact avec
le fil. Ce premier essai nous parut décisif ; et, tout en
riant de bon cœur de notre propre absurdité, nous nous souhaitions
réciproquement une bonne nuit, quand mes yeux, tombant par hasard
sur ceux de la momie, y restèrent immédiatement cloués
d’étonnement. De fait, le premier coup d’œil m’avait suffi pour
m’assurer que les globes, que nous avions tous supposé être de
verre, et qui primitivement se distinguaient par une certaine
fixité singulière, étaient maintenant si bien recouverts par les
paupières, qu’une petite portion de la tunica albuginea restait
seule visible.
Je poussai un cri, et j’attirai l’attention sur ce fait, qui
devint immédiatement évident pour tout le monde.
Je ne dirai pas que j’étais alarmé par le phénomène, parce que
le mot alarmé, dans mon cas, ne serait pas précisément le mot
propre. Il aurait pu se faire toutefois que, sans ma provision de
Brown Stout, je me sentisse légèrement ému. Quant aux autres
personnes de la société, elle ne firent vraiment aucun effort pour
cacher leur naïve terreur. Le docteur Ponnonner était un homme à
faire pitié. M. Gliddon, par je ne sais quel procédé particulier,
s’était rendu invisible. Je présume que M. Silk Buckingham n’aura
pas l’audace de nier qu’il ne se soit fourré à quatre pattes sous
la table.
Après le premier choc de l’étonnement, nous résolûmes, cela va
sans dire, de tenter tout de suite une nouvelle expérience. Nos
opérations furent alors dirigées contre le gros orteil du pied
droit. Nous fîmes une incision au-dessus de la région de l’os
sesamoideum pollicis pedis, et nous arrivâmes ainsi à la naissance
du muscle abductor. Rajustant la batterie, nous appliquâmes de
nouveau le fluide aux nerfs mis à nu, – quand, avec un mouvement
plus vif que la vie elle-même, la momie retira son genou droit
comme pour le rapprocher le plus possible de l’abdomen, puis,
redressant le membre avec une force inconcevable, allongea au
docteur Ponnonner une ruade qui eut pour effet de décocher ce
gentleman, comme le projectile d’une catapulte, et de l’envoyer
dans la rue à travers une fenêtre.
Nous nous précipitâmes en masse pour rapporter les débris
mutilés de l’infortuné ; mais nous eûmes le bonheur de le
rencontrer sur l’escalier, remontant avec une inconcevable
diligence, bouillant de la plus vive ardeur philosophique, et plus
que jamais frappé de la nécessité de poursuivre nos expériences
avec rigueur et avec zèle.
Ce fut donc d’après son conseil que nous fîmes sur-le-champ une
incision profonde dans le bout du nez du sujet ; et le
docteur, y jetant des mains impétueuses, le fourra violemment en
contact avec le fil métallique.
Moralement et physiquement, – métaphoriquement et littéralement,
– l’effet fut électrique. D’abord le cadavre ouvrit les yeux et les
cligna très-rapidement pendant quelques minutes, comme M. Barnes
dans la pantomime ; puis il éternua ; en troisième lieu,
il se dressa sur son séant ; en quatrième lieu, il mit son
poing sous le nez du docteur Ponnonner ; enfin, se tournant
vers MM.
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