Je l’imite
Et je leur acquiesce en la juste limite.
Ni flacons, s’il vous plaît, ni sachets en amour !
Mais, ô qu’un air naïf et piquant flotte autour
D’un corps, pourvu que l’art de m’exciter s’y trouve ;
Et mon désir chérit et ma science approuve
Dans la chair convoitée, à chaque nudité
L’odeur de la vaillance et de la puberté
Ou le relent très bon des belles femmes mûres.
Même j’adore — tais, morale, tes murmures —
Comment dirais-je ? ces fumets, qu’on tient secrets,
Du sexe et des entours, dès avant comme après
La divine accolade et pendant la caresse,
Quelle qu’elle puisse être, ou doive, ou le paraisse.
Puis, quand sur l’oreiller mon odorat lassé,
Comme les autres sens, du plaisir ressassé,
Somnole et que mes yeux meurent vers un visage,
S’éteignant presque aussi, souvenir et présage,
De l’entrelacement des jambes et des bras,
Des pieds doux se baisant dans la moiteur des draps
De cette langueur mieux voluptueuse monte
Un goût d’humanité qui ne va pas sans honte,
Mais si bon, mais si bon qu’on croirait en manger !
Dès lors, voudrais-je encor du poison étranger,
D’une fragrance prise à la plante, à la bête
Qui vous tourne le cœur et vous brûle la tête,
Puisque j’ai, pour magnifier la volupté,
Proprement la quintessence de la beauté ?
V
Filles
I
Bonne simple fille des rues,
Combien te préféré-je aux grues
Qui nous encombrent le trottoir
De leur traîne, mon décrottoir,
Poseuses et bêtes poupées
Rien que de chiffons occupées
Ou de courses et de paris,
Fléaux déchaînés sur Paris !
Toi, tu m’es un vrai camarade
Qui la nuit monterait en grade
Et même dans les draps câlins
Garderait des airs masculins.
Amante à la bonne franquette,
L’amie à travers la coquette
Qu’il te faut bien être un petit
Pour agacer mon appétit.
Oui, tu possèdes des manières
Si farceusement garçonnières
Qu’on croit presque faire un péché
(Pardonné puisqu’il est caché),
Sinon que t’as les fesses blanches
De frais bras ronds et d’amples hanches
Et remplaces ce que n’as pas
Par tant d’orthodoxes appas.
T’es un copain tant t’es bonne âme.
Tant t’es toujours tout feu, tout flamme
S’il s’agit d’obliger les gens
Fût-ce avec tes pauvres argents
Jusqu’à doubler ta dure ouvrage,
Jusqu’à mettre du linge en gage !
Comme nous t’as eu des malheurs
Et tes larmes valent nos pleurs.
Et tes pleurs mêlés à nos larmes
Ont leurs salaces et leurs charmes,
Et de cette pitié que tu
Nous portes sort une vertu.
T’es un frère qu’est une dame
Et qu’est pour le moment ma femme…
Bon ! puis dormons jusqu’à patron
Minette, en boule, et ron, ron, ron !
Serre-toi, que je m’acoquine
Le ventre au bas de ton échine,
Mes genoux emboîtant les tiens,
Tes pieds de gosse entre les miens.
Roule ton cul sous ta chemise,
Mais laisse ma main que j’ai mise
Au chaud sous ton gentil tapis.
Là ! nous voilà cois, bien tapis.
Ce n’est pas la paix, c’est la trêve.
Tu dors ? Oui. Pas de mauvais rêve.
Et je somnole en gais frissons,
Le nez pâmé sur tes frisons.
II
Et toi, tu me chausses aussi.
Malgré ta manière un peu rude
Qui n’est pas celle d’une prude
Mais d’un virago réussi.
Oui, tu me bottes quoique tu
Gargarises dans ta voix d’homme
Toutes les gammes du rogome,
Buveuse à coudes rabattus !
Mais femme ! sacré nom de Dieu !
À nous faire perdre la tête,
Nous foutre tout le reste en fête
Et, nom de Dieu, le sang en feu.
Ton corps dresse, sous le reps noir,
Sans qu’assurément tu nous triches,
Une paire de nénais riches,
Souples, durs, excitants, faut voir !
Et moule un ventre jusqu’au bas,
Entre deux friands hauts-de-cuisse,
Qui parle de sauce et d’épice
Pour quel poisson de quel repas ?
Tes bas blancs — et je t’applaudis
De n’arlequiner point tes formes —
Nous font ouvrir des yeux énormes
Sur des mollets que rebondis !
Ton visage de brune où les
Traces de robustes fatigues
Marquent clairement que tu brigues
Surtout le choc des mieux râblés.
Ton regard ficelle et gobeur
Qui sait se mouiller puis qui mouille,
Où toute la godaille grouille
Sans reproche, ô non ! mais sans peur,
Toute ta figure — des pieds
Cambrés vers toutes les étreintes
Aux traits crépis, aux mèches teintes,
Par nos longs baisers épiés —
Ravigote les roquentins,
Et les ci-devant jeunes hommes
Que voilà bientôt que nous sommes,
Nous électrise en vieux pantins,
Fait de nous de vrais bacheliers,
Empressés autour de ta croupe,
Humant la chair comme une soupe,
Prêts à râler sous tes souliers !
Tu nous mets bientôt à quia,
Mais, patiente avec nos restes,
Les accommode, mots et gestes,
En ragoûts où de tout y a.
Et puis, quoique mauvaise au fond,
Tu nous as de ces indulgences !
Toi, si teigne entre les engeances,
Tu fais tant que les choses vont.
Tu nous gobes (ou nous le dis)
Non de te satisfaire, ô goule !
Mais de nous tenir à la coule
D’au moins les trucs les plus gentils.
Ces devoirs nous les déchargeons,
Parce qu’au fond tu nous violes,
Quitte à te fiche de nos fioles
Avec de plus jeunes cochons.
VI
À Madame ***
Quand tu m’enserres de tes cuisses
La tête ou les cuisses, gorgeant
Ma gueule des bathes délices
De ton jeune foutre astringent,
Ou mordant d’un con à la taille
Juste de tel passe-partout
Mon vit point très gros, mais canaille
Depuis les couilles jusqu’au bout,
Dans la pinette et la minette
Tu tords ton cul d’une façon
Qui n’est pas d’une femme honnête ;
Et, nom de Dieu, t’as bien raison !
Tu me fais des langues fourrées,
Quand nous baisons, d’une longueur,
Et d’une ardeur démesurées
Qui me vont, merde ! au droit du cœur,
Et ton con exprime ma pine
Comme un ours téterait un pis,
Ours bien léché, toison rupine,
Que la mienne a pour fier tapis.
Ours bien léché, gourmande et soûle
Ma langue ici peut l’attester
Qui fit à ton clitoris boule-
De-gomme à ne le plus compter.
Bien léché, oui, mais âpre en diable,
Ton con joli, taquin, coquin,
Qui rit rouge sur fond de sable ;
Telles les lèvres d’Arlequin.
VII
Vas unguentatum
Admire la brèche moirée
Et le ton rose-blanc qui met
La trace encore de mon entrée
Au paradis de Mahomet,
Vois, avec un plaisir d’artiste,
Ô mon vieux regard fatigué
D’ordinaire à bon droit si triste,
Ce spectacle opulent et gai,
Dans un mol écrin de peluche
Noire aux reflets de cuivre roux
Qui serpente comme une ruche,
D’un bijou, le dieu des bijoux,
Palpitant de sève et de vie
Et vers l’extase de l’amant
Essorant la senteur ravie,
On dirait à chaque élément.
Surtout contemple, et puis respire,
Et finalement baise encor
Et toujours la gemme en délire,
Le rubis qui rit, fleur du for
Intérieur, tout petit frère
Épris de l’autre et le baisant
Aussi souvent qu’il le peut faire,
Comme lui soufflant à présent…
Mais repose-toi, car tu flambes.
Aussi, lui, comment s’apaiser,
Cuisses et ventre, seins et jambes
Qui ne cessez de l’embrasser ?
Hélas ! voici que son ivresse
Me gagne et s’en vient embrasser
Toute ma chair qui se redresse…
Allons c’est à recommencer !
VIII
Idylle high-life
La galopine
À pleine main
Branle la pine
Au beau gamin.
L’heureux potache
Décalotté
Jouit et crache
De tout côté.
L’enfant, rieuse,
À voir ce lait
Et curieuse
De ce qu’il est,
Hume une goutte
Au bord du pis.
Puis dame ! en route,
Ma foi, tant pis !
Pourlèche et baise
Le joli bout,
Plus ne biaise,
Pompe le tout !
Petit vicomte
De Je-ne-sais,
Point ne raconte
Trop ce succès,
Fleur d’élégances,
Oaristys
De tes vacances
Quatre-vingt-dix :
Ces algarades
Dans les châteaux,
Tes camarades,
Même lourdeaux,
Pourraient sans peine
T’en raconter
À la douzaine
Sans inventer ;
Et les cousines
Anges déchus,
De ces cuisines
Et de ces jus
Sont coutumières
Pauvres trognons,
Dès leurs premières
Communions :
Ce, jeunes frères,
En attendant
Leurs adultères
Vous impendant.
IX
Tableau populaire
L’apprenti point trop maigrelet, quinze ans, pas beau,
Gentil dans sa rudesse un peu molle, la peau
Mate, l’œil vif et creux, sort de sa cotte bleue,
Fringante et raide au point, sa déjà grosse queue
Et pine la patronne, une grosse encor bien,
Pâmée au bord du lit dans quel maintien vaurien,
Jambes en l’air et seins au clair, avec un geste !
À voir le gars serrer les fesses sous sa veste
Et les fréquents pas en avant que ses pieds font,
Il appert qu’il n’a pas peur de planter profond
Ni d’enceinter la bonne dame qui s’en fiche,
(Son cocu n’est-il pas là confiant et riche ?)
Aussi bien arrivée au suprême moment
Elle s’écrie en un subit ravissement :
« Tu m’as fait un enfant, je le sens, et t’en aime
D’autant plus » — « Et voilà les bonbons du baptême ! »
Dit-elle, après la chose ; et, tendre, à croppetons,
Lui soupèse et pelote et baise les roustons.
X
Billet à Lily
Ma petite compatriote,
M’est avis que veniez ce soir
Frapper à ma porte et me voir,
Ô la scandaleuse ribote
De gros baisers et de petits
Conforme à mes gros appétits ?
Mais les vôtres sont si mièvres ?
Primo, je baiserai vos lèvres,
Toutes, c’est mon cher entremets,
Et les manières que j’y mets,
Comme en tant de choses vécues,
Sont friandes et convaincues !
Vous passerez vos doigts jolis
Dans ma flave barbe d’apôtre,
Et je caresserai la vôtre.
Et sur votre gorge de lys,
Où mes ardeurs mettront des roses,
Je poserai ma bouche en feu.
Mes bras se piqueront au jeu,
Pâmés autour de bonnes choses
De dessous la taille et plus bas
Puis mes mains, non sans fols combats
Avec vos mains mal courroucées
Flatteront de tendres fessées
Ce beau derrière qu’étreindra
Tout l’effort qui lors bandera
Ma gravité vers votre centre.
À mon tour je frappe. Ô dis : Entre !
XI
Pour Rita
J’abomine une femme maigre,
Pourtant je t’adore, ô Rita,
Avec tes lèvres un peu nègre
Où la luxure s’empâta.
Avec tes noirs cheveux, obscènes
À force d’être beaux ainsi
Et tes yeux où ce sont des scènes
Sentant, parole ! le roussi,
Tant leur feu sombre et gai quand même
D’une si lubrique gaîté Éclaire de grâce suprême
Dans la pire impudicité.
Regard flûtant au virtuose
Es-pratiques dont on se tait :
« Quoi que tu te proposes, ose
Tout ce que ton cul te dictait » ;
Et sur ta taille comme d’homme,
Fine et très fine cependant,
Ton buste, perplexe Sodome
Entreprenant puis hésitant,
Car dans l’étoffe trop tendue
De tes corsages corrupteurs
Tes petits seins durs de statue
Disent : « Homme ou femme ? » aux bandeurs,
Mais tes jambes, que féminine
Leur grâce grasse vers le haut
Jusques aux fesses que devine
Mon désir, jamais en défaut,
Dans les plis cochons de ta robe
Qu’un art salop sut disposer
Pour montrer plus qu’il ne dérobe
Un ventre où le mien se poser !
Bref, tout ton être ne respire
Que faims et soifs et passions…
Or je me crois encore pire :
Faudrait que nous comparassions.
Allons, vite au lit, mon infante,
Ça, livrons-nous jusqu’au matin
Une bataille triomphante
À qui sera le plus putain.
XII
Au bal
Un rêve de cuisses de femmes
Ayant pour ciel et pour plafond
Les culs et les cons de ces dames
Très beaux, qui viennent et qui vont.
Dans un ballon de jupes gaies
Sur des airs gentils et cochons ;
Et des culs vous ont de ces raies,
Et les cons vous ont des manchons !
Des bas blancs sur quels mollets fermes
Si rieurs et si bandatifs
Avec en haut, sans fins ni termes
Ce train d’appas en pendentifs,
Et des bottines bien cambrées
Moulant des pieds grands juste assez
Mènent ces danses mesurées
En pas vifs comme un peu lassés.
Une sueur particulière
Sentant à la fois bon et pas,
Foutre et mouille, et trouduculière,
Et haut de cuisse, et bas de bas,
Flotte et vire, joyeuse et molle,
Mêlée à des parfums de peau
À nous rendre la tête folle
Que les youtres ont sans chapeau.
Notez combien bonne ma place
Se trouve dans ce bal charmant :
Je suis par terre, et ma surface
Semble propice apparemment
Aux appétissantes danseuses
Qui veulent bien, on dirait pour
Telles intentions farceuses,
Tournoyer sur moi quand mon tour,
Ce, par un extraordinaire
Privilège en elles ou moi,
Sans me faire mal, au contraire,
Car l’aimable, le doux émoi
Que ces cinq cent mille chatouilles.
De petons vous caracolant
À même les jambes, les couilles,
Le ventre, la queue et le gland !
Les chants se taisent et les danses
Cessent. Aussitôt les fessiers
De mettre au pas leurs charmes denses,
Ô ciel ! l’un d’entre eux, tu t’assieds
Juste sur ma face, de sorte
Que ma langue entre les deux trous
Divins vague de porte en porte
Au pourchas de riches ragoûts.
Tous les derrières à la file
S’en viennent généreusement
M’apporter, chacun en son style,
Ce vrai banquet d’un vrai gourmand.
Je me réveille, je me touche ;
C’est bien moi, le pouls au galop…
Le nom de Dieu de fausse couche !
Le nom de Dieu de vrai salop !
XIII
Reddition
Je suis foutu. Tu m’as vaincu.
Je n’aime plus que ton gros cu
Tant baisé, léché, reniflé,
Et que ton cher con tant branlé,
Piné – car je ne suis pas l’homme
Pour Gomorrhe ni pour Sodome,
Mais pour Paphos et pour Lesbos,
(Et tant gamahuché, ton con)
Converti par tes seins si beaux,
Tes seins lourds que mes mains soupèsent
Afin que mes lèvres les baisent
Et, comme l’on hume un flacon,
Sucent leurs bouts raides puis mous
Ainsi qu’il nous arrive à nous
Avec nos gaules variables
C’est un plaisir de tous les diables
Que tirer un coup en gamin,
En épicier ou en levrette,
Ou à la Marie-Antoinette
Et cætera jusqu’à demain
Avec toi, despote adorée
Dont la volonté m’est sacrée,
Plaisir infernal qui me tue
Et dans lequel je m’évertue
À satisfaire ta luxure.
Le foutre s’épand de mon vit
Comme le sang d’une blessure…
N’importe ! Tant que mon cœur vit
Et que palpite encor mon être,
Je veux remplir en tout ta loi,
N’ayant, dure maîtresse, en toi
Plus de maîtresse, mais un maître.
XIV
Régals
Croise tes cuisses sur ma tête
De façon à ce que ma langue,
Taisant toute sotte harangue,
Ne puisse plus que faire fête
À ton con ainsi qu’à ton cu
Dont je suis l’à-jamais vaincu
Comme de tout ton corps, du reste,
Et de ton âme mal céleste,
Et de ton esprit carnassier
Qui dévore en moi l’idéal
Et m’a fait le plus putassier
Du plus pur, du plus filial
Que j’étais avant ta rencontre
Depuis des ans et puis des ans.
Là, dispose-toi bien et montre
Par quelques gestes complaisants
Qu’au fond t’aimes ton vieux bonhomme
Ou du moins le souffres faisant
Minette (avec boule de gomme)
Et feuille de rose, tout comme
Un plus jeune mieux séduisant
Sans doute mais moins bath en somme
Quant à la science et au faire.
Ô ton con ! qu’il sent bon ! j’y fouille
Tant de la gueule que du blaire
Et j’y fais le diable et j’y flaire
Et j’y farfouille et j’y bafouille
Et j’y renifle et oh ! j’y bave
Dans ton con à l’odeur cochonne
Que surplombe une motte flave
Et qu’un duvet roux environne
Qui mène au trou miraculeux,
Où je farfouille, où je bafouille,
Où je renifle et où je bave
Avec le soin méticuleux
Et l’âpre ferveur d’un esclave
Affranchi de tout préjugé.
La raie adorable que j’ai
Léchée amoroso depuis
Les reins en passant par le puits
Où je m’attarde en un long stage
Pour les dévotions d’usage,
Me conduit tout droit à la fente
Triomphante de mon infante.
Là, je dis un salamalec
Absolument ésotérique
Au clitoris rien moins que sec,
Si bien que ma tête d’en bas
Qu’exaspèrent tous ces ébats
S’épanche en blanche rhétorique,
Mais s’apaise dès ces prémisses
Et je m’endors entre tes cuisses
Qu’à travers tout cet émoi tendre
La fatigue t’a fait détendre.
XV
Gamineries
Depuis que ce m’est plus commode
De baiser en gamin, j’adore
Cette manière et l’aime encore
Plus quand j’applique la méthode
Qui consiste à mettre mes mains
Bien fort sur ton bon gros cul frais,
Chatouille un peu conçue exprès.
Pour mieux entrer dans tes chemins.
Alors ma queue est en ribote
De ce con, qui, de fait, la baise,
Et de ce ventre qui lui pèse
D’un poids salop — et ça clapote,
Et les tétons de déborder
De la chemise lentement
Et de danser indolemment,
Et mes yeux de comme bander,
Tandis que les tiens, d’une vache,
Tels ceux-là des Junons antiques,
Leur fichent des regards obliques,
Profonds comme des coups de hache,
Si que je suis magnétisé
Et que mon cabochon d’en bas,
Non toutefois sans quels combats ?
Se rend tout-à-fait médusé.
Et je jouis et je décharge
Dans ce vrai cauchemar de viande
À la fois friande et gourmande
Et tour à tour étroite et large,
Et qui remonte et redescend
Et rebondit sur mes roustons
En sauts où mon vit à tâtons
Pris d’un vertige incandescent
Parmi des foutres et des mouilles
Meurt, puis revit, puis meurt encore,
Revit, remeurt, revit encore
Partout ce foutre et que de mouille !
Cependant que mes doigts, non sans
Te faire un tas de postillons,
Légers comme des papillons
Mais profondément caressants
Et que mes paumes de tes fesses
Froides modérément tout juste
Remontent lento vers le buste
Tiède sous leurs chaudes caresses.
XVI
Hommage dû
Je suis couché tout de mon long sur son lit frais :
Il fait grand jour ; c’est plus cochon, plus fait exprès,
Par le prolongement dans la lumière accrue
De la fête nocturne immensément crue
Pour la persévérance et la rage du cu
Et ce soin de se faire soi-même cocu.
Elle est à poils et s’accroupit sur mon visage
Pour se faire gamahucher, car je fus sage
Hier et c’est — bonne, elle, au-delà du penser ? —
Sa royale façon de me récompenser.
Je dis royale, je devrais dire divine :
Ces fesses, chair sublime, alme peau, pulpe fine,
Galbe puissamment pur, blanc, riche, aux stries d’azur,
Cette raie au parfum bandatif, rose obscur,
Lente, grasse, et le puits d’amour, que dire sur !
Régal final, dessert du con bouffé, délire
De ma langue harpant les plis comme une lyre !
Et ces fesses encor, telle une lune en deux
Quartiers, mystérieuse et joyeuse, où je veux
Dorénavant nicher mes rêves de poète
Et mon cœur de tendeur et mes rêves d’esthète !
Et, maîtresse, ou mieux, maître en silence obéi,
Elle trône sur moi, caudataire ébloui.
XVII
Morale en raccourci
Une tête blonde et de grâce pâmée,
Sous un cou roucouleur de beaux tétons bandants,
Et leur médaillon sombre à la mamme enflammée,
Ce buste assis sur des coussins bas, cependant
Qu’entre deux jambes, très vibrantes, très en l’air
Une femme à genoux vers quels soins occupée,
Amour le sait – ne montre aux dieux que l’épopée
Candide de son cul splendide, miroir clair
De la Beauté qui veut s’y voir afin d’y croire.
Cul féminin, vainqueur serein du cul viril,
Fût-il éphébéen, et fût-il puéril,
Cul féminin, culs sur tous culs, los, culte et gloire !
Hombres
I
Oh ne blasphème pas, poète, et souviens-toi.
Certes la femme est bien, elle vaut qu’on la baise,
Son cul lui fait honneur, encor qu’un brin obèse
Et je l’ai savouré maintes fois, quant à moi.
Ce cul (et les tétons), quel nid à nos caresses !
Je l’embrasse à genoux et lèche son pertuis
Tandis que mes doigts vont, fouillant dans l’autre puits
Et les beaux seins, combien cochonnes leurs paresses !
Et puis, il sert, ce cul, encor, surtout au lit
Comme adjuvant aux fins de coussins, de sous-ventre,
De ressort à boudin du vrai ventre pour qu’entre
Plus avant l’homme dans la femme qu’il élit,
J’y délasse mes mains, mes bras aussi, mes jambes,
Mes pieds. — Tant de fraîcheur, d’élastique rondeur
M’en font un reposoir désirable où, rôdeurs,
Par instant le désir sautille en vœux ingambes.
Mais comparer le cul de l’homme à ce bon cu
À ce gros cul moins voluptueux que pratique
Le cul de l’homme fleur de joie et d’esthétique
Surtout l’en proclamer le serf et le vaincu,
« C’est mal », a dit l’amour. Et la voix de l’Histoire.
Cul de l’Homme, honneur pur de l’Hellade et décor
Divin de Rome vraie et plus divin encor,
De Sodome morte, martyre pour sa gloire.
Shakespeare, abandonnant du coup Ophélia,
Cordélia, Desdémona, tout son beau sexe
Chantait en vers magnificents qu’un sot s’en vexe
La forme masculine et son alléluia
Les Valois étaient fous du mâle et dans notre ère
L’Europe embourgeoisée et féminine tant
Néanmoins admira ce Louis de Bavière,
Le roi vierge au grand cœur pour l’homme seul battant.
La Chair, même, la chair de la femme proclame
Le cul, le vit, le torse et l’œil du fier Puceau,
Et c’est pourquoi, d’après le conseil à Rousseau.
Il faut parfois, poète, un peu « quitter la dame ».
1891.
II
Mille e tre
Mes amants n’appartiennent pas aux classes riches :
Ce sont des ouvriers faubouriens ou ruraux,
Leurs quinze et leurs vingt ans sans apprêts, sont mal chiches
De force assez brutale et de procédés gros.
Je les goûte en habits de travail, cotte et veste ;
Ils ne sentent pas l’ambre et fleurent de santé
Pure et simple ; leur marche un peu lourde, va preste
Pourtant, car jeune, et grave en l’élasticité ;
Leurs yeux francs et matois crépitent de malice
Cordiale et des mots naïvement rusés
Partent non sans un gai juron qui les épice
De leur bouche bien fraîche aux solides baisers ;
Leur pine vigoureuse et leurs fesses joyeuses
Réjouissent la nuit et ma queue et mon cu ;
Sous la lampe et le petit jour, leurs chairs joyeuses
Ressuscitent mon désir las, jamais vaincu.
Cuisses, âmes, mains, tout mon être pêle-mêle,
Mémoire, pieds, cœur, dos et l’oreille et le nez
Et la fressure, tout gueule une ritournelle,
Et trépigne un chahut dans leurs bras forcenés.
Un chahut, une ritournelle fol et folle
Et plutôt divins qu’infernals, plus infernals
Que divins, à m’y perdre, et j’y nage et j’y vole,
Dans leur sueur et leur haleine, dans ces bals.
Mes deux Charles, l’un jeune tigre aux yeux de chatte
Sorte d’enfant de cœur grandissant en soudard,
L’autre, fier gaillard, bel effronté que n’épate
Que ma pente vertigineuse vers son dard.
Odilon un gamin mais monté comme un homme
Ses pieds aiment les miens épris de ses orteils
Mieux encore mais pas plus que de son reste en somme
Adorable drûment, mais ses pieds sans pareils !
Caresseurs, satin frais, délicates phalanges
Sous les plantes, autour des chevilles, et sur
La cambrure veineuse et ces baisers étranges
Si doux, de quatre pieds, ayant une âme, sûr !
Antoine, encor, proverbial quant à la queue,
Lui, mon roi triomphal et mon suprême Dieu,
Taraudant tout mon cœur de sa prunelle bleue
Et tout mon cul de son épouvantable épieu.
Paul, un athlète blond aux pectoraux superbes
Poitrine blanche, aux durs boutons sucés ainsi
Que le bon bout ; François, souple comme des gerbes
Ses jambes de danseur, et beau, son chibre aussi !
Auguste qui se fait de jour en jour plus mâle
(Il était bien joli quand ça nous arriva)
Jules, un peu putain avec sa beauté pâle.
Henri, me va en leurs conscrits qui, las ! s’en va ;
Et vous tous à la file ou confondus en bande
Ou seuls, vision si nette des jours passés,
Passions du présent, futur qui croît et bande
Chéris sans nombre qui n’êtes jamais assez !
1891.
III
Balanide
I
C’est un plus petit cœur
Avec la pointe en l’air ;
Symbole doux et fier
C’est un plus tendre cœur.
Il verse ah ! que de pleurs
Corrosifs plus que feu
Prolongés mieux qu’adieu
Blancs comme blanches fleurs !
Vêtu de violet,
Fait beau le voir yssir,
Mais ô tout le plaisir
Qu’il donne quand lui plaît
Comme un évêque au chœur
Il est plein d’onction
Sa bénédiction
Va de l’autel au chœur
Il ne met que du soir
Au réveil auroral
Son anneau pastoral
D’améthyste et d’or noir.
Puis le rite accompli,
Déchargé congrûment,
De ramener dûment
Son capuce joli.
IV
Balanide
II
Gland, point suprême de l’être,
De mon maître
De mon amant adoré
Qu’accueille avec joie et crainte
Ton étreinte
Mon heureux cul, perforé
Tant et tant par ce gros membre
Qui se cambre,
Se gonfle et, tout glorieux
De ces hauts faits et prouesses,
Dans les fesses
Fonce en élans furieux. —
Nourricier de ma fressure,
Source sûre
Où ma bouche aussi suça,
Gland, ma grande friandise,
Quoi qu’en dise
Quelque fausse honte, or, ça,
Gland, mes délices, viens dresse
Ta caresse
De chaud satin violet
Qui dans ma main se harnache
En panache
Soudain d’opale et de lait
Ce n’est que pour une douce
Sur le pouce
Que je t’invoque aujourd’hui
Mais quoi ton ardeur se fâche…
Ô moi lâche !
Va, tout à toi, tout à lui,
Ton caprice, règle unique.
Je rapplique
Pour la bouche et pour le cu
Les voici tout prêts, en selle,
D’humeur telle
Qui te faut, maître invaincu.
Puis, gland, nectar et dictame
De mon âme,
Rentre en ton prépuce, lent
Comme un dieu dans son nuage,
Mon hommage
T’y suit, fidèle — et galant.
1891.
V
Sur une statue
Eh quoi ! dans cette ville d’eaux,
Trêve, repos, paix, intermède
Encor toi de face ou de dos ;
Beau petit ami : Ganymède !
L’aigle t’emporte, on dirait comme
À regret de parmi des fleurs
Son aile d’élans économe
Semble te vouloir par ailleurs
Que chez ce Jupin tyrannique
Comme qui dirait au Revard
Et son œil qui nous fait la nique
Te coule un drôle de regard,
Bah, reste avec nous, bon garçon,
Notre ennui, viens donc le distraire
Un peu de la bonne façon,
N’es-tu pas notre petit frère ?
Aix-les-Bains, septembre 1889.
VI
Rendez-vous
Dans la chambre encore fatale
De l’encore fatale maison
Où la raison et la morale
Se tiennent plus que de raison,
Il semble attendre la venue
À quoi, misère, il ne croit pas
De quelque présence connue
Et murmure entre haut et bas :
« Ta voix claironne dans mon âme
Et tes yeux flambent dans mon cœur
Le Monde dit que c’est infâme
Mais que me fait, ô mon vainqueur !
J’ai la tristesse et j’ai la joie
Et j’ai l’amour encore un coup,
L’amour ricaneur qui larmoie,
Ô toi beau comme un petit loup !
Tu vins à moi gamin farouche
C’est toi, joliesse et bagout
Rusé du corps et de la bouche
Qui me violente dans tout
Mon scrupule envers ton extrême
Jeunesse et ton enfance mal
Encore débrouillée et même
Presque dans tout mon animal
Deux, trois ans sont passés à peine,
Suffisants pour viriliser
Ta fleur d’alors et ton haleine
Encore prompte à s’épuiser
Quel rude gaillard tu dois être
Et que les instants seraient bons
Si tu pouvais venir ! Mais, traître,
Tu promets, tu dis : J’en réponds.
Tu jures le ciel et la terre,
Puis tu rates les rendez-vous…
Ah ! cette fois, viens ! Obtempère
À mes désirs qui tournent fous.
Je t’attends comme le Messie,
Arrive, tombe dans mes bras ;
Une rare fête choisie
Te guette, arrive, tu verras ! »
Du phosphore en ses yeux s’allume
Et sa lèvre au souris pervers
S’agace aux barbes de la plume
Qu’il tient pour écrire ces vers…
1891.
VII
Monte sur moi comme une femme
Que je baiserais en gamin
Là, c’est cela. T’es à ta main ?
Tandis que mon vit t’entre, lame
Dans du beurre, du moins ainsi
Je puis te baiser sur la bouche,
Te faire une langue farouche
Et cochonne et si douce, aussi !
Je vois tes yeux auxquels je plonge
Les miens jusqu’au fond de ton cœur
D’où mon désir revient vainqueur
Dans une luxure de songe.
Je caresse le dos nerveux,
Les flancs ardents et frais, la nuque,
La double mignonne perruque
Des aisselles et les cheveux !
Ton cul à cheval sur mes cuisses
Les pénètre de son doux poids
Pendant que s’ébat mon lourdois
Aux fins que tu te réjouisses,
Et tu te réjouis, petit,
Car voici que ta belle gourde
Jalouse aussi d’avoir son rôle,
Vite, vite, gonfle, grandit,
Raidit… Ciel ! la goutte, la perle
Avant-courrière vient briller
Au méat rose : l’avaler,
Moi, je le dois, puisque déferle
Le mien de flux, or c’est mon lot
De faire tôt d’avoir aux lèvres
Ton gland chéri tout lourd de fièvres
Qu’il décharge en un royal flot.
Lait suprême, divin phosphore
Sentant bon la fleur d’amandier,
Où vient l’âpre soif mendier,
La soif de toi qui me dévore
Mais il va, riche et généreux,
Le don de ton adolescence,
Communiant de ton essence,
Tout mon être ivre d’être heureux.
1891.
VIII
Un peu de merde et de fromage
Ne sont pas pour effaroucher
Mon nez, ma bouche et mon courage
Dans l’amour de gamahucher.
L’odeur m’est assez gaie en somme,
Du trou du cul de mes amants,
Aigre et fraîche comme la pomme
Dans la moiteur de sains ferments.
Et ma langue que rien ne dompte,
Par la douceur des longs poils roux
Raide et folle de bonne honte
Assouvit là ses plus forts goûts,
Puis pourléchant le périnée
Et les couilles d’un mode lent,
Au long du chibre contournée
S’arrête à la base du gland.
Elle y puise âprement en quête
Du nanan qu’elle mourrait pour,
Sive, la crème de quéquette
Caillée aux éclisses d’amour.
Ensuite après la politesse
Traditionnelle au méat
Rentre dans la bouche où s’empresse
De la suivre le vit béat,
Débordant de foutre qu’avale
Ce moi confit en onction
Parmi l’extase sans rivale
De cette bénédiction !
1891.
IX
Il est mauvais coucheur et ce m’est une joie
De le bien sentir, lorsqu’il est la fière proie
Et le fort commensal du meilleur des sommeils
Sans fausses couches – nul besoin ? et sans réveils,
Si près, si près de moi que je crois qu’il me baise,
En quelque sorte, avec son gros vit que je sens
Dans mes cuisses et sur mon ventre frémissants
Si nous nous trouvons face à face, et s’il se tourne
De l’autre côté, tel qu’un bon pain qu’on enfourne
Son cul délicieusement rêveur ou non,
Soudain, mutin, malin, hutin, putain, son nom
De Dieu de cul d’ailleurs choyé, m’entre en le ventre
Provocateur et me rend bandeur comme un |
chantre, |
|
diantre, |
Ou si je lui tourne semble vouloir
M’enculer ou, si dos à dos, son nonchaloir
Brutal et gentil colle à mes fesses ses fesses,
Et mon vit de bonheur, tu mouilles, puis t’affaisses
Et rebande et remouille, infini dans cet us.
Heureux moi ? Totus in benigno positus :
1891.
X
Autant certes la femme gagne
À faire l’amour en chemise
Autant alors cette compagne
Est-elle seulement de mise
À la condition expresse
D’un voile, court, délinéant,
Cuisse et mollet, téton et fesse
Et leur truc un peu trop géant.
Ne s’écartant de sorte nette,
Qu’en faveur du con, seul divin,
Pour le coup et pour la minette,
Et tout le reste, en elle est vain
À bien considérer les choses,
Ce manque de proportions,
Ces effets trop blancs et trop roses…
Faudrait que nous en convinssions,
Autant le jeune homme profite
Dans l’intérêt de sa beauté,
Prêtre d’Éros ou néophyte
D’aimer en toute nudité.
Admirons cette chair splendide,
Comme intelligente, vibrant
Intrépide et comme timide
Et, par un privilège grand
Sur toute chair, la féminine
Et la bestiale — vrai beau ! —
Cette grâce qui fascine
D’être multiple sous la peau
Jeu des muscles et du squelette,
Pulpe ferme, souple tissu.
Elle interprète, elle complète
Tout sentiment soudain conçu.
Elle se bande en la colère,
Et raide et molle tour à tour,
Souci de se plaire et de plaire,
Se tend et détend dans l’amour.
Et quand la mort la frappera
Cette chair qui me fut un dieu,
Comme auguste, elle fixera
Ses éléments, en marbre bleu !
1891.
XI
Même quand tu ne bandes pas,
Ta queue encor fait mes délices
Qui pend, blanc d’or entre tes cuisses,
Sur tes roustons, sombres appas.
— Couilles de mon amant, sœurs fières
À la riche peau de chagrin
D’un brun rose et purpurin,
Couilles farceuses et guerrières,
Et dont la gauche balle un peu,
Tout petit peu plus que l’autre
D’un air roublard et bon apôtre
À quelles donc fins, nom de Dieu ? —
Elle est dodue, ta quéquette
Et veloutée, du pubis
Au prépuce, fermant le pis,
Aux trois quarts d’une rose crête.
Elle se renfle un brin au bout.
Et dessine sous la peau douce
Le gland gros comme un demi-pouce
Montrant ses lèvres juste au bout.
Après que je l’aurai baisée
En tout amour reconnaissant,
Laisse ma main la caressant,
La saisir d’une prise osée,
Pour soudain la décalotter,
En sorte que, violet tendre,
Le gland joyeux, sans plus attendre,
Splendidement vient éclater ;
Et puis, elle, en bonne bougresse
Accélère le mouvement
Et Jean-nu-tête en un moment
De se remettre à la redresse
Tu bandes, c’est ce que voulaient
Ma bouche et mon |
cul ! |
choisis, maître |
|
con |
Une simple douce, peut-être ?
C’est ce que mes dix doigts voulaient
Cependant le vit, mon idole,
Tend pour le rite et pour le cul —
Te, à mes mains, ma bouche et mon cul
Sa forme adorable d’idole.
1891.
XII
Dans ce café bondé d’imbéciles, nous deux
Seuls nous représentions le soi-disant hideux
Vice d’être « pour hommes » et sans qu’ils s’en doutassent
Nous encaguions ces cons avec leur air bonnasse,
Leurs normales amours et leur morale en toc,
Cependant que, branlés et de taille et d’estoc,
À tire-larigot, à gogo, par principes
Toutefois, voilés par les flocons de nos pipes,
(Comme autrefois Héra copulait avec Zeus),
Nos vits tels que des nez joyeux et Karrogheus
Qu’eussent mouchés nos mains d’un geste délectable,
Éternuaient des jets de foutre sous la table.
1891.
XIII
Dizain ingénu
Ô souvenir d’enfance et le lait nourricier
Et ô l’adolescence et son essor princier !
Quand j’étais tout petit garçon j’avais coutume
Pour évoquer la Femme et bercer l’amertume
De n’avoir qu’une queue imperceptible, bout
Dérisoire, prépuce immense sous quoi bout
Tout le sperme à venir, ô terreur sébacée,
De me branler avec cette bonne pensée
D’une bonne d’enfant à motte de velours.
Depuis je décalotte et me branle toujours !
1890.
XIV
Ô mes amants.
Simples natures,
Mais quels tempéraments !
Consolez-moi de ces mésaventures,
Reposez-moi de ces littératures,
Toi, gosse pantinois, branlons-nous en argot,
Vous, gars des champs, patoisez-moi l’écot,
Des pines au cul et des plumes qu’on taille,
Livrons-nous dans les bois touffus
La grande bataille
Des baisers confus.
Vous, rupins, faisons des langues en artistes
Et merde aux discours tristes
Des pédants et des cons
(Par cons, j’entends les imbéciles,
Car les autres cons sont de mise
Même pour nous, les difficiles
Les spéciaux, les servants de la bonne Église
Dont le pape serait Platon
Et Socrate un protonotaire
Une femme par-ci, par-là, c’est de bon ton
Et les concessions n’ont jamais rien perdu
Puis, comme dit l’autre, à chacun son dû
Et les femmes ont, mon Dieu, droit à notre gloire
Soyons-leur doux,
Entre deux coups
Puis revenons à notre affaire).
Ô mes enfants bien-aimés, vengez-moi
Par vos caresses sérieuses
Et vos culs et vos nœuds régals vraiment de roi,
De toutes ces viandes creuses
Qu’offre la rhétorique aux cervelles breneuses
De ces tristes copains qui ne savent pourquoi.
Ne métaphorons pas, foutons,
Pelotons-nous bien les roustons
Rinçons nos glands, faisons ripailles
Et de foutre et de merde et de fesses et de cuisses.
Le sonnet du trou du cul
par
Arthur Rimbaud et Paul Verlaine
En forme de parodie d’un volume d’Albert Mérat intitulé L’Idole, où sont détaillées toutes les beautés d’une dame : Sonnet du front, sonnet des yeux, sonnet des fesses, sonnet du… dernier sonnet :
Paul Verlaine |
Obscur et froncé comme un œillet violet
Il respire, humblement tapi parmi la mousse
Humide encor d’amour qui suit la pente douce
Des fesses blanches jusqu’au bord de son ourlet. |
fecit |
Des filaments pareils à des larmes de lait
Ont pleuré, sous l’autan cruel qui les repousse,
À travers de petits caillots de marne rousse,
Pour s’en aller où la pente les appelait. |
Arthur Rimbaud |
Ma bouche s’accouple souvent à sa ventouse
Mon âme, du coït matériel jalouse,
En fit son larmier fauve et son nid de sanglots.
|
invenit |
C’est l’olive pâmée et la flûte câline
C’est le tube où descend la céleste praline
Chanaan féminin dans les moiteurs éclos. |
Filles
I
À la Princesse Roukhine
« Capellos de Angelos. »
(Friandise espagnole.)
C’est une laide de Boucher,
Sans poudre dans sa chevelure
Follement blonde, et d’une allure
Vénuste à tous nous débaucher.
Mais je la crois mienne entre tous,
Cette crinière tant baisée,
Cette cascatelle embrasée
Qui m’allume par tous les bouts.
Elle est à moi bien plus encor,
Comme une flamboyante enceinte
Aux entours de la porte sainte,
L’alme, la dive toison d’or !
Et qui pourrait dire ce corps
Sinon moi, son chantre et son prêtre,
Et son esclave humble et son maître
Qui s’en damnerait sans remords,
Son cher corps rare, harmonieux,
Suave, blanc comme une rose
Blanche, blanc de lait pur, et rose
Comme un lys sous de pourpres cieux ?
Cuisses belles, seins redressants,
Le dos, les reins, le ventre, fête
Pour les yeux et les mains en quête
Et pour la bouche et tous les sens ?
Mignonne, allons voir si ton lit
A toujours sous le rideau rouge
L’oreiller sorcier qui tant bouge
Et les draps fous. Ô vers ton lit !
II
Séguedille
Brune encore non eue,
Je te veux presque nue
Sur un canapé noir
Dans un jaune boudoir,
Comme en mil huit cent trente.
Presque nue et non nue
À travers une nue
De dentelles montrant
Ta chair où va courant
Ma bouche délirante.
Je te veux trop rieuse
Et très impérieuse,
Méchante et mauvaise et
Pire s’il te plaisait,
Mais si luxurieuse !
Ah ! ton corps noir et rose
Et clair de lune ! Ah ! pose
Ton coude sur mon cœur,
Et tout ton corps vainqueur,
Tout ton corps que j’adore !
Ah ! ton corps, qu’il repose
Sur mon âme morose
Et l’étouffe s’il peut,
Si ton caprice veut !
Encore, encore, encore !
Splendides, glorieuses,
Bellement furieuses
Dans leurs jeunes ébats,
Fous mon orgueil en bas
Sous tes fesses joyeuses !
III
Casta piana
Tes cheveux bleus aux dessous roux,
Tes yeux très durs qui sont trop doux,
Ta beauté, qui n’en est pas une,
Tes seins que busqua, que musqua
Un diable cruel et jusqu’à
Ta pâleur volée à la lune,
Nous ont mis dans tous nos états,
Notre-Dame du galetas
Que l’on vénère avec des cierges
Non bénits, les Ave non plus
Récités lors des Angélus
Que sonnent tant d’heures peu vierges.
Et vraiment tu sens le fagot :
Tu tournes un homme en nigaud,
En chiffre, en symbole, en un souffle,
Le temps de dire ou de faire oui,
Le temps d’un bonjour ébloui,
Le temps de baiser ta pantoufle.
Terrible lieu, ton galetas !
On t’y prend toujours sur le tas
À démolir quelque maroufle,
Et, décanillés, ces amants,
Munis de tous les sacrements,
T’y penses moins qu’à ta pantoufle !
T’as raison ! Aime-moi donc mieux
Que tous ces jeunes et ces vieux
Qui ne savent pas la manière,
Moi qui suis dans ton mouvement,
Moi qui connais le boniment
Et te voue une cour plénière !
Ne fronce plus ces sourcils-ci,
Casta, ni cette bouche-ci ;
Laisse-moi puiser tous tes baumes,
Piana, sucrés, salés, poivrés,
Et laisse-moi boire, poivrés,
Salés, sucrés, tes sacrés baumes !
IV
Auburn
« Et des châtain’s aussi. »
(Chansons de Malbrouck.)
Tes yeux, tes cheveux indécis,
L’arc mal précis de tes sourcils,
La fleur pâlotte de ta bouche,
Ton corps vague et pourtant dodu,
Te donnent un air peu farouche
À qui tout mon hommage est dû.
Mon hommage, eh, parbleu tu l’as !
Tous les soirs quels joie et soulas,
Ô ma très sortable châtaine,
Quand vers mon lit tu viens, les seins
Roides, et quelque peu hautaine,
Sûre de mes humbles desseins,
Les seins roides sous la chemise,
Fière de la fête promise
À tes sens partout et longtemps,
Heureuse de savoir ma lèvre,
Ma main, mon tout, impénitents :
De ces péchés qu’un fol s’en sèvre
Sûre de baisers savoureux
Dans le coin des yeux, dans le creux
Des bras et sur le bout des mammes,
Sûre de l’agenouillement
Vers ce buisson ardent des femmes,
Follement fanatiquement !
Et hautaine puisque tu sais
Que ma chair adore à l’excès
Ta chair et que tel est ce culte
Qu’après chaque mort, — quelle mort ! —
Elle renaît, dans quel tumulte !
Pour mourir encore et plus fort.
Oui, ma vague, sois orgueilleuse,
Car radieuse ou sourcilleuse,
Je suis ton vaincu, tu m’as tien :
Tu me roules comme la vague
Dans un délice bien païen,
Et tu n’es pas déjà si vague !

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