Je ne sais, mais elle avait de tels
Yeux que j’y voyais poindre, aux soirs, de grands castels
Massifs d’orgueil parmi des parcs et des nymphées...
Ma chère, il est vesprée, allons par bois, viens-t’en,
Nous suivrons tous les deux le chemin brut et rude
Que tu sais adjoignant la chapelle d’Antan.
Ma voix t’appelle, ô sœur῀! mais ta voix d’or m’élude,
Lucile est morte hier, et je sanglote, étant
Comme une cloche vaine en une solitude.
Avec l’obsession d’un sanglot étouffant,
Combien ma souvenance eut d’amertume en elle,
Lorsque, remémorant la douceur maternelle,
Hier j’étais courbé sur ma couche d’enfant,
En la grand’ chambre ancienne aux rideaux de guipure,
Où la moire est flétrie et le brocart fané,
Parmi le mobilier de deuil où je suis né
Et dont se scelle en moi l’ombre nacrée et pure...
Quand je n’étais qu’au seuil de ce monde mauvais,
Berceau, que n’as-tu fait pour moi tes draps funèbres῀?
Ma vie est un blason sur des murs de ténèbres,
Et mes pas sont fautifs où maintenant je vais.
Ah῀! que n’a-t-on tiré mon linceul de tes langes,
Et mon petit cercueil de ton bois frêle et blanc,
Alors que se penchait sur ma vie en tremblant
Ma mère souriante, avec l’essaim des anges.
Quelquefois sur ma tête elle met ses mains pures,
Blanches, ainsi que des frissons blancs de guipures.
Elle me baise au front, me parle tendrement,
D’une voix au son d’or mélancoliquement.
Elle a les yeux couleur de ma vague chimère,
Ô toute poésie, ô toute extase, ô Mère῀!
À l’autel de ses pieds je l’honore en pleurant,
Je suis toujours petit pour elle, quoique grand.
Au temps où je portais des habits de velours,
Éparses sur mon col roulaient mes boucles brunes.
J’avais de grands yeux purs comme le clair des lunes῀;
Dès l’aube je partais, sac au dos, les pas lourds.
Mais en route aussitôt je tramais des détours,
Et, narguant les pions de mes jeunes rancunes,
Je montais à l’assaut des pommes et des prunes
Dans les vergers bordant les murailles des cours.
Étant ainsi resté loin des autres élèves,
Loin des bancs, tout un mois, à vivre au gré des rêves,
Un soir, à la maison, craintif, comme j’entrais,
Devant le crucifix où sa lèvre se colle
Ma mère était en pleurs῀!... Ô mes ardents regrets῀!
Depuis, je fus toujours le premier à l’école.
Ma mère, que je l’aime en ce portrait ancien,
Peint aux jours glorieux qu’elle était jeune fille,
Le front couleur de lys et le regard qui brille
Comme un éblouissant miroir vénitien῀!
Ma mère que voici n’est plus du tout la même῀;
Les rides ont creusé le beau marbre frontal῀;
Elle a perdu l’éclat du temps sentimental
Où son hymen chanta comme un rose poème.
Aujourd’hui je compare, et j’en suis triste aussi,
Ce front nimbé de joie et ce front de souci,
Soleil d’or, brouillard dense au couchant des années.
Mais, mystère du cœur qui ne peut s’éclairer῀!
Comment puis-je sourire à ces lèvres fanées῀!
Au portrait qui sourit, comment puis-je pleurer῀!
Pour la lutte qui s’ouvre au seuil des mauvais jours,
Ma mère m’a fait don d’un petit portrait d’elle,
Un gage auquel je suis resté depuis fidèle
Et qu’à mon cou suspend un cordon de velours.
«῀Sur l’autel de ton cœur, puisque la Mort m’appelle,
Enfant, m’a-t-elle dit, je veillerai toujours.
Que ceci chasse au loin les funestes amours,
Comme un lampion d’or, gardien d’une chapelle.῀»
Ah῀! sois tranquille en les ténèbres du cercueil῀!
Ce talisman sacré de ma jeunesse en deuil
Préservera ton fils des bras de la Luxure,
Tant j’aurais peur de voir un jour sur ton portrait
Couler de tes yeux doux les pleurs d’une blessure,
Mère῀!... et dont je mourrais, plein d’éternel regret.
À mon père
Las d’avoir visité mondes, continents, villes,
Et vu de tout pays, ciel, palais, monuments,
Le voyageur enfin revient vers les charmilles
Et les vallons rieurs qu’aimaient ses premiers ans.
Alors sur les vieux bancs au sein des soirs tranquilles,
Sous les chênes vieillis, quelques bons paysans,
Graves, fumant la pipe, auprès de leurs familles
Écoutaient les récits du docte aux cheveux blancs.
Le printemps refleurit. Le rossignol volage
Dans son palais rustique a de nouveau chanté,
Mais les bancs sont déserts car l’homme est en voyage.
On ne le revoit plus dans ses plaines natales.
Fantôme, il disparut dans la nuit, emporté
Par le souffle mortel des brises hivernales.
De mon berceau d’enfant j’ai fait l’autre berceau
Où ma Muse s’endort dans des trilles d’oiseau,
Ma Muse en robe blanche, ô ma toute Maîtresse῀!
Oyez nos baisers d’or aux grands soirs familiers...
Mais chut῀! j’entends la mégère Détresse
À notre seuil faisant craquer ses noirs souliers῀!
Et nos cœurs sont profonds et vides comme un gouffre,
Ma chère, allons-nous-en, tu souffres et je souffre.
Fuyons vers le castel de nos Idéals blancs,
Oui, fuyons la Matière aux yeux ensorcelants.
Aux plages de Thulé, vers l’île des Mensonges,
Sur la nef des vingt ans fuyons comme des songes.
Il est un pays d’or plein de lieds et d’oiseaux,
Nous dormirons tous deux aux frais lits des roseaux.
Nous nous reposerons des intimes désastres,
Dans des rythmes de flûte, à la valse des astres.
Fuyons vers le château de nos Idéals blancs,
Oh῀! fuyons la Matière aux yeux ensorcelants.
Veux-tu mourir, dis-moi῀? Tu souffres et je souffre,
Et nos cœurs sont profonds et vides comme un gouffre.
Comme des larmes d’or qui de mon cœur s’égouttent,
Feuilles de mes bonheurs, vous tombez toutes, toutes.
Vous tombez au jardin de rêve où je m’en vais,
Où je vais, les cheveux au vent des jours mauvais.
Vous tombez de l’intime arbre blanc, abattues
Çà et là, n’importe où, dans l’allée aux statues.
Couleur des jours anciens, de mes robes d’enfant,
Quand les grands vents d’automne ont sonné l’olifant.
Et vous tombez toujours, mêlant vos agonies,
Vous tombez, mariant, pâles, vos harmonies.
Vous avez chu dans l’aube au sillon des chemins,
Vous pleurez de mes yeux, vous tombez de mes mains.
Comme des larmes d’or qui de mon cœur s’égouttent,
Dans mes vingt ans déserts vous tombez toutes, toutes.
Hier, j’ai vu passer, comme une ombre qu’on plaint,
En un grand parc obscur, une femme voilée῀:
Funèbre et singulière, elle s’en est allée,
Recélant sa fierté sous son masque opalin.
Et rien que d’un regard, par ce soir cristallin,
J’eus deviné bientôt sa douleur refoulée῀;
Puis elle disparut en quelque noire allée
Propice au deuil profond dont son cœur était plein.
Ma jeunesse est pareille à la pauvre passante῀:
Beaucoup la croiseront ici-bas dans la sente
Où la vie à la tombe âprement nous conduit῀;
Tous la verront passer, feuille sèche à la brise
Qui tourbillonne, tombe et se fane en la nuit῀;
Mais nul ne l’aimera, nul ne l’aura comprise.
Par les jardins anciens foulant la paix des cistes,
Nous revenons errer, comme deux spectres tristes,
Au seuil immaculé de la Villa d’antan.
Gagnons les bords fanés du Passé. Dans les râles
De sa joie il expire. Et vois comme pourtant
Il se dresse sublime en ses robes spectrales.
Ici sondons nos cœurs pavés de désespoirs.
Sous les arbres cambrant leurs massifs torses noirs
Nous avons les Regrets pour mystérieux hôtes.
Et bien loin, par les soirs révolus et latents,
Suivons là-bas, devers les idéales côtes,
La fuite de l’Enfance au vaisseau des Vingt ans.
Rien n’est plus doux aussi que de s’en revenir
Comme après de longs ans d’absence,
Que de s’en revenir
Par le chemin du souvenir
Fleuri de lys d’innocence
Au jardin de l’Enfance.
Au jardin clos, scellé, dans le jardin muet
D’où s’enfuirent les gaîtés franches,
Notre jardin muet,
Et la danse du menuet
Qu’autrefois menaient sous branches
Nos sœurs en robes blanches.
Aux soirs d’Avrils anciens, jetant des cris joyeux
Entremêlés de ritournelles,
Avec des lieds joyeux,
Elles passaient, la gloire aux yeux,
Sous le frisson des tonnelles,
Comme en les villanelles.
Cependant que venaient, du fond de la villa,
Des accords de guitare ancienne,
De la vieille villa,
Et qui faisaient deviner là,
Près d’une obscure persienne,
Quelque musicienne.
Mais rien n’est plus amer que de penser aussi
À tant de choses ruinées῀!
Ah῀! de penser aussi,
Lorsque nous revenons ainsi
Par sentes de fleurs fanées,
À nos jeunes années.
Lorsque nous nous sentons névrosés et vieillis,
Froissés, maltraités et sans armes,
Moroses et vieillis,
Et que, surnageant aux oublis,
S’éternise avec ses charmes
Notre jeunesse en larmes῀!
Là, nous nous attardions aux nocturnes tombées,
Cependant qu’alentour un vol de scarabées
Nous éblouissait d’or sous les lueurs plombées,
De grands chevaux de pourpre erraient, sanguinolents,
Par les célestes turfs, et je tenais, tremblants,
Tes doigts entre mes mains, comme un nid
[d’oiseaux blancs.
Or, tous deux, souriant à l’étoile du soir,
Nous sentions se lever des lumières d’espoir
En notre âme fermée ainsi qu’un donjon noir.
Le vieux perron croulant parmi l’effroi des lierres,
Nous parlait des autans qui chantaient dans les pierres
De la vieille demeure aux grilles familières.
Puis l’Angélus, devers les chapelles prochaines,
Tintait d’une voix grêle, et, sans rompre les chaînes,
Nous allions dans la Nuit qui priait, sous les chênes.
Foulant les touffes d’herbe où le cri-cri se perd,
Invincibles, au loin, dans un grand vaisseau vert,
Nous rêvions de monter aux astres de Vesper.
Les Brises ont brui comme des litanies
Et la flûte s’exile en molles aphonies.
Les grands bœufs sont rentrés. Ils meuglent dans l’étable
Et la soupe qui fume a réjoui la table.
Fais ta prière, ô Pan῀! Allons au lit, mioche,
Que les bras travailleurs se calment de la pioche.
Le clair de lune ondoie aux horizons de soie῀:
Ô sommeil῀! donnez-moi votre baiser de joie.
Tout est fermé. C’est nuit. Silence... Le chien jappe.
Je me couche. Pourtant le songe à mon cœur frappe.
Oui, c’est délicieux, cela, d’être ainsi libre
Et de vivre en berger presque. Un souvenir vibre
En moi... là-bas, au temps de l’enfance, ma vie
Coulait ainsi, loin des sentiers, blanche et ravie῀!
Or voici que verdoie un hameau sur les côtes
Plein de houx, orgueilleux de ses misères hautes.
Des bergers s’étonnant contemplent dans la plaine,
Et mon cheval qui sue à la hauteur se traîne.
Pour y vivre l’Octobre et ses paix pastorales
Je vous apporte, ô Pan, mes lyres vespérales.
Les bœufs sont vite entrés. Ils meuglent dans l’étable,
Et la soupe qui fume a réjoui ma table.
Que vous êtes heureux, hommes bons des campagnes,
Loin du faubourg qui pue et des clameurs de bagnes.
Je vous bénis. Que la joie habite à vos portes,
En campagne, ô ces soirs de primes feuilles mortes῀!
J’eus ce rêve. Elle a vingt ans, je n’en ai pas moins῀;
Nous habiterons ces chers coins
Qu’embaumeront ses soins.
Ce sera là tout près, oui, rien qu’au bas du val῀;
Nous aurons triple carnaval῀:
Maison, coq et cheval.
Elle a les yeux de ciel, tout donc y sera bleu῀:
Pignon, châssis, seuil, porte, heu῀!
Dedans peut-être un peu.
Elle a les cheveux blonds, nous glanerons épis,
Soleils, printemps, beaux jours, foins, lys
Et l’amour sans dépits.
Sans doute, elle m’aura, m’ayant vu si peu gai
– Ne fût-ce que pour me narguer –
Un ange délégué῀!
Brusque je m’éveillai. Mon coq au jour qui gagne
Pleurait là-bas dans la campagne
Son poulailler d’Espagne.
L’aube éclabousse les monts de sang
Tout drapés de fine brume,
Et l’on entend meugler frémissant
Un bœuf au naseau qui fume.
Voici l’heure de la boucherie.
Le tenant par son licol,
Les gars pour la prochaine tuerie
Ont mis le mouchoir au col.
La hache s’abat avec tel han,
Qu’ils pausent contre habitude.
Procumbit bos. Tel un éléphant
Croule en une solitude.
Le sang gicle. Il laboure des cornes
Le sol teint rouge hideux.
Et Phébus chante aux beuglements mornes
Du bœuf qu’on rupture à deux.
Pour patrimoine il a sept chèvres῀;
Quand l’air de l’aube en ses poumons
Vibre, on le voit passer par monts
Comme un bon dieu la flûte aux lèvres.
Or plus droit qu’if, il a les plèvres
En lui des éternels limons῀;
Son œil subjugue les démons
Et les ours le fuient comme lièvres.
Il est des chevriers l’orgueil,
Comme un vénérable chevreuil
Son front a bravé le tonnerre.
Il mourra comme il a vécu,
Probe et chaste, sans un écu.
Je bois à Fritz le centenaire῀!
Octobre étend son soir de blanc repos
Comme une ombre de mère morte.
Les chevriers, du son de leurs pipeaux,
Semblent railler la brise forte.
Mais l’un s’est tu. L’instrument, de ses lèvres,
Soudain se dégage à mes pas῀;
Celui-là sait mon amour pour ses chèvres῀;
Que j’aime à causer aux soirs bas.
Je le respecte... il est vieux, c’est assez῀;
Puis, c’est mon trésor bucolique.
Ce centenaire a tout peuplé de ses
Conseils mon cœur mélancolique.
Nous veillons tels parfois tard à nuit brune
Aux intermèdes prompts et doux
De pipeau qui chevrote au clair de lune
Sa vieille sérénade aux houx῀!
Je t’ai vue un soir me sourire
Dans la planète des Bergers῀:
Tu descendais à pas légers
Du seuil d’un château de porphyre.
Et ton œil de diamant rare
Éblouissait le règne astral.
Femme, depuis, par mont ou val,
Femme, beau marbre de Carrare,
Ta voix me hante en sons chargés
De mystère et fait mon martyre,
Car toujours je te vois sourire
Dans la planète des Bergers.
Vous que j’aimai sous les grands houx,
Aux soirs de bohème champêtre,
Bergère, à la mode champêtre,
De ces soirs vous souvenez-vous῀?
Vous étiez l’astre à ma fenêtre
Et l’étoile d’or dans les houx.
Aux soirs de bohème champêtre
Vous que j’aimai sous les grands houx,
Bergère, à la mode champêtre,
Où donc maintenant êtes-vous῀?
– Vous êtes l’ombre à ma fenêtre
Et la tristesse dans les houx.
Comme la lande est riche aux heures empourprées,
Quand les cadrans du ciel ont sonné les vesprées῀!
Quels longs effeuillements d’angélus par les chênes῀!
Quels suaves appels des chapelles prochaines῀!
Là-bas, groupes meuglants de grands bœufs
[aux yeux glauques
Vont menés par des gars aux bruyants soliloques.
La poussière déferle en avalanches grises
Pleines du chaud relent des vignes et des brises.
Un silence a plu dans les solitudes proches῀:
Des Sylphes ont cueilli le parfum mort des cloches.
Quelle mélancolie῀! Octobre, octobre en voie῀!
Watteau῀! que je vous aime, Autran, ô Millevoye῀!
Refoulons la sente
Presque renaissante
À notre ombre passante.
Confabulons là
Avec tout cela
Qui fut de la villa.
Parmi les voix tues
Des vieilles statues
Çà et là abattues.
Dans le parc défunt
Où rôde un parfum
De soir blanc en soir brun...
Maints soirs nous errons dans le val
Que vont drapant les heures grises.
Des pleurs perlent ses yeux d’alises
Quand elle ouït les Cydalises
De ce dieu que fut de Nerval.
Ah῀! voudrait-elle en long vol d’or
Les rejoindre dans des domaines
Plus vastes que les cours romaines
Où par d’éternelles semaines
La coupe de Volupté dort,
Ou bien donc ouvrir son printemps
Aux fureurs des fatals cyclones
Qui croulent comme des colonnes
Parmi les chastes Babylones
Du cœur des Belles de vingt ans.
Ah῀! chère, que ton cœur est beau῀!
Laisses-y choir des blancs jours lestes
Fuis la ville, ignore ses pestes.
Tu ne seras près des Célestes
Que le plus loin de son tombeau.
Le grand bœuf roux aux cornes glauques
Hante là-bas la paix des champs,
Et va meuglant dans les couchants
Horriblement ses râles rauques.
Et tous ont tu leurs gais colloques
Sous l’orme au soir avec leurs chants.
Le grand bœuf roux aux cornes glauques
Hante là-bas la paix des champs.
Gare, gare aux desseins méchants῀!
Belles en blanc, vachers en loques,
Prenez à votre cou vos socques῀!
À travers prés, buissons tranchants,
Fuyez le bœuf aux cornes glauques.
Quand les pastours, aux soirs des crépuscules roux
Menant leurs grands boucs noirs aux râles d’or
[des flûtes,
Vers le hameau natal, de par delà les buttes,
S’en revenaient, le long des champs piqués de houx῀;
Bohèmes écoliers, âmes vierges de luttes,
Pleines de blanc naguère et de jours sans courroux,
En rupture d’étude, aux bois jonchés de brous
Nous allions, gouailleurs, prêtant l’oreille aux chutes
Des ruisseaux, dans le val que longeait en jappant
Le petit chien berger des calmes fils de Pan
Dont le pipeau qui pleure appelle, tout au loin.
Puis, las, nous nous couchions, frissonnants
[jusqu’aux mœlles,
Et parfois, radieux, dans nos palais de foin,
Nous déjeunions d’aurore et nous soupions d’étoiles...
Qu’elle est triste en Octobre avec sa voix pourprée
La Vesprée῀!
Ses funéraires los enamourent les choses
Trop moroses.
En chambre rose et blanche une vierge repose
Blanche et rose.
Et le hameau se tait. Les bergers qui reviennent
Se souviennent
Dans la marche des monts parmi le ranz des sources
De ses courses
D’autrefois avec eux. Archange bucolique
Ô relique
D’enfance à jamais douce῀! Un d’entre eux là ne parle.
C’est Fritz. Car le
Vieux chevrier, le roi des chèvres vagabondes
Près des ondes,
L’aima. Qu’il la déplore῀! Il était son égide
Bloc rigide
Contre lequel les Temps avaient usé leur lime.
Le sublime
Vieillard pleurait sa mort comme une fleur de neige.
Un cortège
S’est formé. Deux bras lourds l’amènent en chapelle.
Une pelle
Dans le souterrain creuse un exil de la vie
Qu’ont suivie
Tous mes pas douloureux. Elle gît là en terre,
Solitaire.
Je l’entends dans mon rêve. Elle pleure en les cloches
Aux approches
Du soir. J’ai gardé d’elle un souvenir de frère,
Lutte chère
Avec l’autre d’antan. Chez moi, douleur n’est fraîche,
Elle est sèche
De ce feu qui l’embrase en ses rouges fournaises
Dans les braises.
Douleur où j’ai tant soif que je boirais les mondes
Et leurs ondes.
Douleur où je péris comme un lys sur console
Sans parole...
Qu’elle est triste en Octobre avec sa voix pourprée
La Vesprée῀!...
«῀Amours d’élite῀»
À ma très chère, ultime amie,
Édith…
La vasque somnolente aux chansons de la lune
Vocalise d’une voix d’eau d’or,
Et le feuillage jaune au doux bruissement d’une
Brise triste emmi l’ombre aux chansons de la lune
Soupire et rit dans la nuit qui dort.
Or les aimés s’en vont pleureurs au blanc de lune,
Le faune jase à la nuit qui dort,
Et leur vertige est tel qu’ils voudraient mourir d’une
Mort de Cygne, noyés au glauque de la lune
Enlacés dans la Vasque d’eau d’or.
L’hiver, de son pinceau givré, barbouille aux vitres
Des pastels de jardins de roses en glaçons.
Le froid pique de vif et relègue aux maisons
Milady, canaris et les jockos bélîtres.
Mais la petite Miss en berline s’en va,
Dans son vitchoura blanc, une ombre de fourrures,
Bravant l’intempérie et les âcres froidures,
Et plus d’un, à la voir cheminer, la rêva.
Ses deux chevaux sont blancs et sa voiture aussi,
Menés de front par un cockney, flegme sur siège.
Leurs sabots font des trous ronds et creux dans la neige῀;
Tout le ciel s’enfarine en un soir obscurci.
Elle a passé, tournant sa prunelle câline
Vers moi.
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