- C'est lui-même. quelle est donc la tristesse qui allonge les heures de Roméo ?
ROM…O. - La tristesse de ne pas avoir ce qui les abrégerait.
BENVOLIO. - Amoureux ?
ROM…O. - …perdu...
BENVOLIO. - D'amour ?
ROM…O. - Des dédains de celle que j'aime.
BENVOLIO. - Hélas ! faut-il que l'amour si doux en apparence, soit si tyrannique et si cruel à l'épreuve !
ROM…O. - Hélas ! faut-il que l'amour malgré le bandeau qui l'aveugle, trouve toujours, sans y voir, un chemin vers son but !... O˘ dînerons-nous ?... ô mon Dieu !... quel était ce tapage ?... Mais non, ne me le dis pas, car je sais tout! Ici on a beaucoup à faire avec la haine, mais plus encore avec l'amour... Amour! ô tumultueux amour! ô amoureuse haine! ô
tout, créé de rien ! ô lourde légèreté! Vanité sérieuse ! Informe chaos de ravissantes visions ! Plume de plomb, lumineuse fumée, feu glacé, santé
maladive ! Sommeil toujours éveillé qui n'est pas ce qu'il est ! Voilà
l'amour que je sens et je n'y sens pas d'amour... Tu ris, n'est-ce pas ?
BENVOLIO. - Non, cousin : je pleurerais plutôt.
ROM…O. - Bonne ‚me !... et de quoi ?
BENVOLIO. - De voir ta bonne ‚me si accablée.
ROM…O. - Oui, tel est l'effet de la sympathie. La douleur ne pesait qu'à
mon coeur, et tu veux l'étendre sous la pression de la tienne : cette affection que tu me montres ajoute une peine de plus à l'excès de mes peines. L'amour est une fumée de soupirs ; dégagé, c'est une flamme qui étincelle aux yeux des amants; comprimé, c'est une mer qu'alimentent leurs larmes. qu'est-ce encore ? La folle la plus raisonnable, une suffocante amertume, une vivifiante douceur !... Au revoir, mon cousin. (Il va pour sortir ) BENVOLIO.
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