II

I

O mon Dieu, vous m'avez blessé d'amour

Et la blessure est encore vibrante,

O mon Dieu, vous m'avez blessé d'amour.

O mon Dieu, votre crainte m'a frappé

Et la brûlure est encor là qui tonne,

O mon Dieu, votre crainte m'a frappé.

O mon Dieu, j'ai connu que tout est vil Et votre gloire en moi s'est installée, O mon Dieu, j'ai connu que tout est vil.

Noyez mon âme aux flots de votre Vin,

Fondez ma vie au Pain de votre table,

Noyez mon âme aux flots de votre Vin.

Voici mon sang que je n'ai pas versé,

Voici ma chair indigne de souffrance,

Voici mon sang que je n'ai pas versé.

Voici mon front qui n'a pu que rougir,

Pour l'escabeau de vos pieds adorables, Voici mon front qui n'a pu que rougir.

Voici mes mains qui n'ont pas travaillé, Pour les charbons ardents et l'encens rare, Voici mes mains qui n'ont pas travaillé.

Voici mon coeur qui n'a battu qu'en vain, Pour palpiter aux ronces du Calvaire,

Voici mon coeur qui n'a battu qu'en vain.

Voici mes pieds, frivoles voyageurs,

Pour accourir au cri de votre grâce,

Voici mes pieds, frivoles voyageurs.

Voici ma voix, bruit maussade et menteur, Pour les reproches de la Pénitence,

Voici ma voix, bruit maussade et menteur.

Voici mes yeux, luminaires d'erreur,

Pour être éteints aux pleurs de la prière, Voici mes yeux, luminaires d'erreur.

Hélas, Vous, Dieu d'offrande et de pardon, Quel est le puits de mon ingratitude,

Hélas, Vous, Dieu d'offrande et de pardon, Dieu de terreur et Dieu de sainteté,

Hélas ! ce noir abîme de mon crime,

Dieu de terreur et Dieu de sainteté,

Vous, Dieu de paix, de joie et de bonheur, Toutes mes peurs, toutes mes ignorances, Vous, Dieu de paix, de joie et de bonheur, Vous connaissez tout cela, tout cela,

Et que je suis plus pauvre que personne, Vous connaissez tout cela, tout cela,

Mais ce que j'ai, mon Dieu, je vous le donne.

II

Je ne veux plus aimer que ma mère Marie.

Tous les autres amours sont de commandement.

Nécessaires qu'ils sont, ma mère seulement Pourra les allumer aux coeurs qui l'ont chérie.

C'est pour Elle qu'il faut chérir mes ennemis, C'est par Elle que j'ai voué ce sacrifice, Et la douceur de coeur et le zèle au service, Comme je la priais, Elle les a permis.

Et comme j'étais faible et bien méchant encore, Aux mains lâches, les yeux éblouis des chemins, Elle baissa mes yeux et me joignit les mains, Et m'enseigna les mots par lesquels on adore.

C'est par Elle que j'ai voulu de ces chagrins, C'est pour Elle que j'ai mon coeur dans les Cinq Plaies, Et tous ces bons efforts vers les croix et les claies, Comme je l'invoquais, Elle en ceignit mes reins.

Je ne veux plus penser qu'à ma mère Marie, Siège de la sagesse et source des pardons, Mère de France aussi, de qui nous attendons Inébranlablement l'honneur de la patrie.

Marie Immaculée, amour essentiel,

Logique de la foi cordiale et vivace,

En vous aimant qu'est-il bon que je ne fasse, En vous aimant du seul amour, Porte du ciel ?

III

Vous êtes calme, vous voulez un voeu discret, Des secrets à mi-voix dans l'ombre et le silence, Le coeur qui se répand plutôt qu'il ne s'élance, Et ces timides, moins transis qu'il ne paraît.

Vous accueillez d'un geste exquis telles pensées Qui ne marchent qu'en ordre et font le moins de bruit.

Votre main, toujours prête à la chute du fruit, Patiente avec l'arbre et s'abstient de poussées.

Et si l'immense amour de vos commandements Embrasse et presse tous en sa sollicitude, Vos conseils vont dicter aux meilleurs et l'étude Et le travail des plus humbles recueillements.

Le pécheur, s'il prétend vous connaître et vous plaire, O vous qui nous aimant si fort parliez si peu, Doit et peut, à tout temps du jour comme en tout lieu, Bien faire obscurément son devoir et se taire, Se taire pour le monde, un pur sénat de fous, Se taire sur autrui, des âmes précieuses, Car nous taire vous plaît, même aux heures pieuses, Même à la mort, sinon devant le prêtre et vous.

Donnez-leur le silence et l'amour du mystère, O Dieu glorifieur du bien fait en secret, A ces timides moins transis qu'il ne paraît, Et l'horreur, et le pli des choses de la terre.

Donnez-leur, à mon Dieu, la résignation, Toute forte douceur, l'ordre et l'intelligence, Afin qu'au jour suprême ils gagnent l'indulgence De l'Agneau formidable en la neuve Sion, Afin qu'ils puissent dire : « Au moins nous sûmes croire »

Et que l'Agneau terrible, ayant tout supputé, Leur réponde : « Venez, vous avez mérité, Pacifiques, ma paix, et douloureux, ma gloire. »

IV

I

Mon Dieu m'a dit : Mon fils, il faut m'aimer. Tu vois Mon flanc percé, mon coeur qui rayonne et qui saigne, Et mes pieds offensés que Madeleine baigne De larmes, et mes bras douloureux sous le poids De tes péchés, et mes mains ! Et tu vois la croix, Tu vois les clous, le fiel, l'éponge, et tout t'enseigne A n'aimer, en ce monde amer où la chair règne, Que ma Chair et mon Sang, ma parole et ma voix.

Ne t'ai-je pas aimé jusqu'à la mort moi-même, O mon frère en mon Père, à mon fils en l'Esprit, Et n'ai-je pas souffert, comme c'était écrit ?

N'ai-je pas sangloté ton angoisse suprême Et n'ai-je pas sué la sueur de tes nuits, Lamentable ami qui me cherches où je suis ?

II

J'ai répondu : « Seigneur, vous avez dit mon âme.

C'est vrai que je vous cherche et ne vous trouve pas.