Savrola

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Première édition française :
Éditions du Rocher, 1948.

 

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eISBN 978-2-3590-5058-5

 

Copyright © Longmans, Green & Co, London, 1900.
Traduction : tous droits réservés.
Copyright © Éditions Écriture, 2011, pour la présente édition.

Sommaire

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Page de Copyright
PRÉFACE
1 - UN ÉVÉNEMENT D’IMPORTANCE POLITIQUE
2 - LA TÊTE DE L’ÉTAT
3 - L’HOMME ET LA MULTITUDE
4 - LA DÉLÉGATION
5 - UNE CONVERSATION PRIVÉE
6 - SUR LE TERRAIN CONSTITUTIONNEL
7 - LE BAL DE LA PRÉSIDENCE
8 - À LA LUEUR DES ÉTOILES
9 - L’AMIRAL DE LA FLOTTE
10 - LA BAGUETTE DU MAGICIEN
11 - AUX HEURES DE LA NUIT
12 - UN CONSEIL DE GUERRE
13 - L’EXÉCUTIF
14 - LA LOYAUTÉ DE L’ARMÉE
15 - SURPRISES
16 - LA RÉVOLUTION EN MARCHE
17 - LA DÉFENSE DU PALAIS
18 - PAR LA FENÊTRE
19 - UNE EXPÉRIENCE RICHE D’ENSEIGNEMENT
20 - LA QUERELLE EST VIDÉE
21 - LE RETOUR DE LA FLOTTE
22 - LA VIE A DES COMPENSATIONS

PRÉFACE

L’œuvre écrit de Sir Winston Churchill ayant eu la bonne fortune d’être couronné du prix Nobel de littérature, il n’est pas déplacé de se demander pourquoi. Ou du moins à quel titre. D’autant que cela se passait en 1953 et que la gloire de guerre dont il se trouvait nimbé était encore vive dans les mémoires. Il s’avéra que l’historien en lui était récompensé, et particulièrement le mémorialiste. D’où il appert que l’écrivain proprement dit avait été ignoré, scandale que devrait dissiper la réédition française de sa seule œuvre de fiction.

Dans ses jeunes années à Brighton, il avait lu et relu passionnément L’Île au trésor de Stevenson ; adolescent à Harrow, il dut subir dans la douleur l’obsession de ses professeurs pour le latin et les mathématiques, quand sa pente naturelle le portait vers l’étude de l’histoire et de la poésie, songeant déjà à écrire des essais ; un peu plus tard, à l’école militaire de Sandhurst, les Opérations militaires de Hamley, les Lettres sur l’infanterie, la cavalerie et l’artillerie du prince Kraft, ainsi que la Tactique de l’infanterie au feu de Maine, de même que des récits de la guerre franco-allemande, de la guerre de Sécession américaine et du conflit russo-turc, l’emportèrent sur toute autre considération littéraire. Elles revinrent l’envahir quelques années après, en Inde, alors qu’il avait été affecté au 31e régiment d’infanterie du Pendjab ; pressé d’en découdre sur le terrain, il rongeait son frein et intriguait afin d’être versé dans le corps expéditionnaire de Tirah. Confiné à Bangalore, il résolut d’édifier ce qu’il appellera « une petite œuvre littéraire » : la réunion de ses dépêches envoyées avec succès au Daily Telegraph et au Pioneer constitua son premier livre. Un an après The Story of the Makaland Field Force (1898), il publiait The River War, également chez Longmans, Green & Co à Londres, l’un et l’autre récits relatant des campagnes militaires, le Soudan après l’Inde et les confins afghans. Il y prit goût. Il en fallait pour sauter le pas et s’essayer au roman, quitte à le dédier à son régiment, le 4e hussards. Voici comment il relate son passage à l’acte dans son meilleur livre, Mes jeunes années :

« Ayant contracté l’habitude d’écrire, je me lançai dans la fiction. L’envie me vint de m’essayer à un roman. Je trouvai cela beaucoup plus rapide que de tenir une exacte chronique des faits. Une fois commencé, le récit se déroulait tout seul. Je choisis comme thème une révolution dans quelque République imaginaire des Balkans ou d’Amérique du Sud, et je racontai les aventures d’un chef libéral qui n’a renversé un gouvernement arbitraire que pour être englouti à son tour par une révolution socialiste. Mes camarades officiers s’amusaient beaucoup de l’histoire à mesure qu’elle se développait, et me firent diverses suggestions pour animer l’intrigue sentimentale, suggestions que je ne pus accepter. Mais nous avions en abondance des épisodes militaires et politiques, entrelardés des considérations philosophiques dont j’étais capable, le tout aboutissant au grand final d’une flotte de cuirassés forçant une sorte de détroit des Dardanelles pour mater la capitale rebelle. Le roman fut achevé en deux mois. Il finit par être publié dans le Macmillan’s Magazine sous le titre de Savrola et fut successivement réimprimé dans diverses éditions pour me rapporter en plusieurs années un total d’environ sept cents livres. J’ai toujours insisté auprès de mes amis pour qu’ils s’abstiennent de le lire1. »

Ainsi Winston devint-il écrivain, ou à peu près. Car Savrola, a novel, paru en 1900 chez l’éditeur de ses débuts, mais dont la rédaction fut en réalité entreprise sous le titre provisoire Affairs of State avant le récit de ses épopées guerrières, est la matrice de son œuvre écrite.

 

Romancier, lui ? Comme pour le reste, il a appris en faisant et en voyant faire. On le soupçonna d’avoir calqué ses personnages sur certains membres de sa famille (sa mère, sa nurse, son ancêtre qui se battit contre Cromwell…), ce qui était un compliment involontaire à son imagination créatrice, tous les vrais romanciers agissant de la sorte.

L’historien Anthony Rowley tient ce roman à la fois pour une clé et pour une vitrine : « Churchill y développe le thème de la dictature, de l’homme providentiel. C’est l’idée à laquelle il a cru toute sa vie : un héros qui s’expose aux coups du destin mais qui s’en sort par le courage et la chance. Churchill, c’est le héros en actes, en vrai2. » Il est troublant de constater que le héros de Savrola, qui emprunte largement sa philosophie de la vie à l’auteur, est maître de son destin comme, dans Mes jeunes années, Sir Winston se dit maître du sien. Il a rêvé sa vie dans ce roman écrit à vingt-cinq ans ; il s’est inventé une posture de héros, manière de s’autonomiser du politique. Savrola, c’est Churchill, future grande incarnation totémique britannique du demi-siècle échu. Fascinant, l’autoportrait donne toute sa valeur au livre. Tout y est déjà, et surtout un trait parmi les plus étonnants de son caractère : son côté visionnaire. Ne décrit-il pas, vingt ans avant, l’affaire des Dardanelles ? Savrola annonce aussi l’homme aux intuitions prophétiques. Pas seulement acteur de sa vie et de son personnage, Churchill en est l’auteur.