C’est qu’il n’a jamais mangé dans une assiette, ce petit sauvage. Il a fait gicler des gouttes de lait partout. Il recule et se pourlèche les babines d’un air dégoûté. Claude aussi a été éclaboussée, mais elle s’en moque. Elle continue à laper, vite, régulièrement, comme une machine.
Kamicha a fini de s’essuyer. En vérité, ces quelques gouttes de lait qu’il a léchées lui rappellent quelque chose. C’est un souvenir pas très ancien. Il s’aplatit. Il recommence à ramper. Mais cette fois, c’est vers sa mère qu’il rampe. Il glisse sa tête sous son ventre. Il tète.
Alors voilà : la grosse chatte lape et le petit chat tète. Ça doit être le même lait, celui de l’assiette qui entre dans la bouche de la chatte, ressort par sa doudoune, et entre dans la bouche du petit chat. La différence, c’est qu’il s’est réchauffé au passage. Le petit chat n’aime pas le lait froid. Il se sert de sa mère pour le faire tiédir.
L’assiette est vide. Claude l’a si bien léchée qu’elle brille au soleil. Claude tourne la tête. Elle découvre Kamicha toujours en train de téter. « Tiens, qu’est-ce qu’il fait là, celui-là ? » La patte de Claude s’est détendue comme un ressort. Oh, pas méchamment ! Toutes griffes rentrées. Mais le coup a sonné sur le crâne de Kamicha qui roule comme une boule. Ça lui rappellera qu’il est un grand chaton. Est-ce qu’on tète encore à son âge ?
Dimanche J’ai résolu d’entreprendre une expédition de l’autre côté du mur pour essayer d’amadouer Kamicha. Et aussi un peu par curiosité. Je crois qu’il y a là derrière quelque chose d’autre, un autre jardin, une autre maison peut-être, le jardin et la maison de Kamicha. Je crois que si je connaissais son petit paradis, je saurais mieux gagner son amitié.
Mercredi Cet après-midi, j’ai fait le tour de la propriété d’à côté. Ce n’est pas très grand. Il ne faut que dix minutes pour revenir sans se presser à son point de départ. C’est simple : c’est un jardin qui a exactement la taille du jardin de papa.
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