Et naïvement il demandait à Pierrot de lui prêter sa plume et son feu. Croyait-il vraiment avoir des chances de reconquérir ainsi Colombine ?
Pierrot a pitié de son rival malheureux. Il lui ouvre sa porte. Un Arlequin piteux et décoloré se précipite vers le four dont les portes continuent de suinter chaleur, couleur et bonne odeur. Comme il fait bon chez Pierrot !
Le mitron est transfiguré par son triomphe. Il fait de grands gestes amplifiés par ses longues manches flottantes. D’un mouvement théâtral, il ouvre les deux portes du four. Un flot de lumière dorée, de chaleur maternelle et de délicieuse odeur de pâtisserie baigne les trois amis. Et maintenant, à l’aide de sa longue pelle de bois, Pierrot fait glisser quelque chose hors du four. Quelque chose ? Quelqu’un plutôt ! Une jeune fille de croûte dorée, fumante et croustillante qui ressemble à Colombine comme une sœur. Ce n’est plus la Colombine-Arlequine plate et bariolée de couleurs chimiques peinte sur la façade de la blanchisserie, c’est une Colombine-Pierrette, modelée en pleine brioche avec tous les reliefs de la vie, ses joues rondes, sa poitrine pigeonnante et ses belles petites fesses pommées.
Colombine a pris Colombine dans ses bras au risque de se brûler.
— Comme je suis belle, comme je sens bon ! dit-elle.
Pierrot et Arlequin observent fascinés cette scène extraordinaire. Colombine étend Colombine sur la table, elle écarte des deux mains avec une douceur gourmande les seins briochés de Colombine. Elle plonge un nez avide, une langue frétillante dans l’or moelleux du décolleté. Elle dit, la bouche pleine :
— Comme je suis savoureuse ! Vous aussi, mes chéris, goûtez, mangez la bonne Colombine ! Mangez-moi !
Et ils goûtent, ils mangent la chaude Colombine de mie fondante. Ils se regardent. Ils sont heureux. Ils voudraient rire, mais comment faire avec des joues gonflées de brioche ?
Amandine ou
les deux jardins
Pour Olivia Clergue
Dimanche J’ai des yeux bleus, des lèvres vermeilles, des grosses joues roses, des cheveux blonds ondulés. Je m’appelle Amandine. Quand je me regarde dans une glace, je trouve que j’ai l’air d’une petite fille de dix ans. Ce n’est pas étonnant. Je suis une petite fille et j’ai dix ans.
J’ai un papa, une maman, une poupée qui s’appelle Amanda, et aussi un chat. Je crois que c’est une chatte. Elle s’appelle Claude, c’est pourquoi on n’est pas très sûr. Pendant quinze jours, elle a eu un ventre énorme, et un matin j’ai trouvé avec elle dans sa corbeille quatre chatons gros comme des souris qui ramaient autour d’eux avec leurs petites pattes et qui lui suçaient le ventre.
À propos de ventre, il était devenu tout plat à croire que les quatre petits y étaient enfermés et venaient d’en sortir ! Décidément Claude doit être une chatte.
Les petits s’appellent Bernard, Philippe, Ernest et Kamicha. C’est ainsi que je sais que les trois premiers sont des garçons. Pour Kamicha, évidemment, il y a un doute.
Maman m’a dit qu’on ne pouvait pas garder cinq chats à la maison. Je me demande bien pourquoi. Alors j’ai demandé à mes petites amies de l’école si elles voulaient un chaton.
Mercredi Annie, Sylvie et Lydie sont venues à la maison. Claude s’est frottée à leurs jambes en ronronnant. Elles ont pris dans leurs mains les chatons qui ont maintenant les yeux ouverts et qui commencent à marcher en tremblant.
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