Tueur De Démons

Nous vivons un âge troublé, une époque sanglante aux accents de fin du monde, faite de démons et de sorcellerie, de batailles et de mort. Dans la fureur des flammes et de la destruction se forgent les légendes de ce temps, narrant les faits d’armes de héros intrépides.
Au cœur du Vieux Monde s’étend l’Empire, le plus grand et le plus puissant des royaumes humains, reputé pour ses ingénieurs, ses sorciers, ses négociants et ses soldats ; une terre riche de ses hautes chaînes de montagnes, de ses fleuves majestueux, de ses sombres forêts et de ses vastes cités.
Depuis son trône d’Altdorf règne l’Empereur Karl-Franz, descendant sacré du fondateur de ces domaines, Sigmar, et détenteur de Ghal Maraz, le mythique marteau de guerre.
L’époque n’est pour autant pas civilisée.
De toutes les régions du Vieux Monde, des palais féodaux de la Bretonnie comme des immensités glacées de Kislev perdues dans le nord lointain,
nous parviennent les présages de la guerre.
Dans les Montagnes du Bord du Monde, des tribus orques s’unissent en préparation de nouvelles attaques.
Bandits et renégats harcèlent les habitants des Principautés Frontalières. Des rumeurs prétendent même que des hommes-rats, les skavens, émergent des marais et des souterrains aux quatre coins des terres connues.
Et des désolations nordiques descend une fois de plus l’omniprésente menace du Chaos, des démons et des hommes-bêtes
corrompus par la puissance des Dieux Sombres.
Tandis qu’approche l’heure des combats,
l’Empire a besoin de héros comme jamais auparavant.
« Laissant derrière nous les murailles de Nuln, nous prîmes la direction du nord, empruntant le plus souvent des routes secondaires pour passer le plus inaperçu possible. L’intervention du messager avait plongé mon camarade dans une étrange fébrilité et il sembla presque heureux tout au long de notre voyage. Ni les longues journées de marche ni le danger que représentaient les bandits de grand chemin ou les bandes d’hommes-bêtes et autres mutants ne purent émousser son enthousiasme. Il s’arrêtait à peine pour manger un morceau ou, plus inhabituel de sa part, pour boire, et se contentait de répondre à mes interrogations par d’obscures références à d’anciens serments et à des questions d’honneur ou de destinée.
Pour ma part, j’étais en proie à l’anxiété. J’étais préoccupé par le sort d’Elissa et attristé d’avoir dû quitter mon frère. Je n’avais aucune notion du temps qui devait s’écouler jusqu’à notre prochaine rencontre, ni des aventures que j’aurais à vivre entre-temps. Et je n’avais pas plus d’idée sur ce voyage que nous venions d’entreprendre ou sa terrible destination. »
— Extrait de Mes Voyages avec Gotrek, vol. III, par Maître Félix Jaeger (Imprimé aux Presses Nouvelles d’Altdorf en 2505)
UN
LE MESSAGE
— T’as renversé ma bière, marmonna Gotrek Gurnisson.
Si l’individu interpellé avait eu une once de bon sens, se dit Félix Jaeger, il aurait perçu le ton menaçant dans la voix sourde et rocailleuse du nain et cela aurait suffi à le faire battre en retraite sur le champ. Mais le mercenaire avait abusé de la bouteille et une bonne demi-douzaine de collègues à la mine patibulaire l’attendait à quelques tables de là, sans oublier cette servante qu’il avait bien l’intention d’impressionner. Il n’allait pas reculer devant un individu qui ne lui arrivait même pas à l’épaule, même si sa carrure était plus imposante que la sienne.
— Et pis alors ? Quoi qu’tu vas me faire l’avorton ? répondit le soldat d’un air narquois.
Pendant quelques instants, le nain considéra d’un air désolé la choppe de bière posée sur la table, puis il leva la tête vers le mercenaire, passa une main dans sa crête orange et graisseuse, seul reste capillaire qui lui traversait d’arrière en avant un crâne par ailleurs chauve et tatoué. La chaîne en or qui partait de son nez jusqu’à l’une de ses oreilles tinta légèrement. Prenant toutes les précautions qu’exigeait son ébriété plus qu’avancée, Gotrek caressa le bandeau recouvrant son œil manquant, croisa les doigts, fit craquer ses phalanges, puis décocha un subit direct du droit.
Oh, ce n’était pas le plus terrible que Félix lui eût vu lancer, en vérité, l’attaque manquait même de style et de précision. Le poing du Tueur de Trolls était cependant d’une largeur telle, et le bras qui le reliait au reste du corps d’une musculature si impressionnante, que ce qui se trouverait sur sa trajectoire en souffrirait inévitablement. Et ce quelque chose se trouva être le nez du mercenaire qui se brisa en un sinistre craquement. Le soudard partit en vol plané vers la table où se trouvaient ses camarades, la traversa sur le dos et atterrit sur le sol de l’autre côté où il resta inconscient dans la poussière. Du sang s’écoulait de ses narines.
En y réfléchissant bien, considéra Félix, dont les propres pensées étaient embrumées par l’alcool, et en se remémorant le nombre de pintes qu’avait englouti le Tueur, il se dit que ce dernier s’en était plutôt bien sorti.
— D’aut’ volontaires pour la castagne ? interrogea Gotrek, s’adressant plus particulièrement à la demi-douzaine de mercenaires qui s’étaient précipitamment écartés au passage horizontal de leur
camarade.
— Ou p’t’être que vous êtes que des lopettes ?
Les soldats se levèrent d’un bond, renversant dans leurs gestes les quelques pintes que la mésaventure de leur compagnon avait épargnées. Le Tueur n’avait nullement l’intention d’attendre qu’ils se jettent sur lui et ce fut lui qui bondit à leur rencontre. Il attrapa le premier par la gorge et lui assena un énorme coup de boule, l’homme s’effondra comme une poupée désarticulée.
Félix considéra la situation en sirotant une autre gorgée de vin de Tilée. Plusieurs gobelets vides occupaient la surface de la table devant lui. Et alors ? La route avait été longue et périlleuse jusqu’à Guntersbad. À aucun moment, ils ne s’étaient reposés depuis que Gotrek avait pris connaissance de la mystérieuse missive, jusqu’à ce qu’ils fissent enfin étape dans cette taverne. Félix envisagea un instant de fouiller dans le sac du Tueur pour lire ce satané message, mais il se rappela vite que celui-ci était écrit en runes naines et qu’il n’y comprendrait de toute façon rien.
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