Un homme dans la nuit

Un homme dans la nuit
Gaston Leroux
Publication: 1910
Catégorie(s): Fiction, Policiers & Mystères
Source: http://www.ebooksgratuits.com
A Propos Leroux:
Gaston Louis Alfred Leroux (6 May 1868, Paris, France – 15 April
1927) was a French journalist and author of detective fiction. In
the English-speaking world, he is best known for writing the novel
The Phantom of the Opera (Le Fantôme de l'Opéra, 1910), which has
been made into several film and stage productions of the same name,
such as the 1925 film starring Lon Chaney; and Andrew Lloyd
Webber's 1986 musical. It was also the basis of the 1990 novel
Phantom by Susan Kay. Leroux went to school in Normandy and studied
law in Paris, graduating in 1889. He inherited millions of francs
and lived wildly until he nearly reached bankruptcy. Then in 1890,
he began working as a court reporter and theater critic for L'Écho
de Paris. His most important journalism came when he began working
as an international correspondent for the Paris newspaper Le Matin.
In 1905 he was present at and covered the Russian Revolution.
Another case he was present at involved the investigation and deep
coverage of an opera house in Paris, later to become a ballet
house. The basement consisted of a cell that held prisoners in the
Paris Commune, which were the rulers of Paris through much of the
Franco-Prussian war. He suddenly left journalism in 1907, and began
writing fiction. In 1909, he and Arthur Bernède formed their own
film company, Société des Cinéromans to simultaneously publish
novels and turn them into films. He first wrote a mystery novel
entitled Le mystère de la chambre jaune (1908; The Mystery of the
Yellow Room), starring the amateur detective Joseph Rouletabille.
Leroux's contribution to French detective fiction is considered a
parallel to Sir Arthur Conan Doyle's in the United Kingdom and
Edgar Allan Poe's in America. Leroux died in Nice on April 15,
1927, of a urinary tract infection.
Disponible sur Feedbooks Leroux:
Le Mystère de la
chambre jaune (1907)
Le Fantôme de
l'Opéra (1910)
Le Parfum de la
Dame en noir (1908)
La Reine du
Sabbat (1911)
Le Roi
Mystère (1908)
Les Mohicans de
Babel (1928)
Le Crime de
Rouletabille (1921)
Les Ténébreuses -
Tome I - La Fin d'un monde (1925)
Les Ténébreuses -
Tome II - Du Sang sur la Néva (1925)
Balaoo
(1912)
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PROLOGUE – UN DRAME SUR L’UNION PACIFIC
RAILWAY
I
À toute vapeur, le train filait dans la
Prairie. Il avait quitté les rives du Missouri, laissé derrière lui
les faubourgs manufacturiers d’Omaha City et dirigeait sa course
folle vers Cheyenne, traversant dans toute sa largeur, de l’est à
l’ouest, l’État de Nebraska. Le train se trouvait alors dans la
partie la plus dangereuse de son parcours de New York à San
Francisco.
Aujourd’hui que les Peaux-Rouges se sont
civilisés et qu’ils montent dans le train après avoir pris leurs
tickets, la sécurité des voyageurs dans le Nebraska est aussi
complète que dans les autres États de l’Union.
Mais, si nous nous reportons d’une vingtaine
d’années en arrière, il n’en allait point de même. Et quand les
Omahas, les Gowas ou les Delawares, les Pawnies et surtout les
Sioux, quand quelques membres des tribus du Nebraska sortaient des
« territoires réservés » pour prendre le train, c’était
pour le prendre d’assaut. Déjà, à cette époque, ils étaient à demi
domptés et ne songeaient guère à mettre le siège devant Cheyenne ni
à affamer la ville, comme ils l’avaient fait quelques années
auparavant. Les représailles avaient été trop terribles. Néanmoins,
quelques troupes indépendantes s’attaquaient encore au
« monstre de fer et de feu ».
Ainsi nous expliquons-nous que, cette nuit-là,
les voyageurs de l’Union Pacific railway n’étaient point pressés de
dormir. À peu près tous, hommes et femmes, avaient abandonné les
« sleeping car » et leurs couchettes pour les
« parlors » et pour les « smoking ».
Mais les passerelles surtout et les terrasses
s’encombraient de voyageurs. Il faisait, du reste, une nuit chaude,
et l’on étouffait dans les wagons.
Les « passengers » étaient armés. Il
y avait des revolvers à toutes les ceintures. À Omaha, les
autorités avaient prévenu le chef de train qu’une attaque des
Indiens avait eu lieu la nuit précédente et que, dans la lutte,
trois voyageurs avaient disparu.
Quand on les mit au courant de l’incident,
quelques étrangers qui traversaient l’Amérique en touristes
jugèrent bon de séjourner à Omaha et « lâchèrent » le
convoi.
Mais un Français continua sa route, prétendant
que ces farceurs d’Américains voulaient lui « monter le
coup » et que « ces histoires-là n’arrivaient que dans
les romans de Jules Verne ». Il avait lu le Tour du monde
en quatre-vingts jours et ne redoutait pas le sort de
Passe-Partout.
Tout le monde était donc sur ses gardes, cette
nuit-là, sur l’Union Pacific railway.
Le mécanicien avait reçu l’ordre d’accélérer
la marche et sa machine avait bientôt atteint une vitesse de
vertige.
La locomotive, ombre monstrueuse, trapue,
énorme, hennissant et crachant de la flamme, fuyait dans le noir,
trouait la nuit.
D’une extrémité à l’autre du train, les boys
distribuaient des boissons glacées. Les porters, ou
garçons de couleur, se mettaient à la disposition des
passengers, de leurs moindres fantaisies, en cet hôtel
roulant et confortable qu’était déjà un train américain.
Le convoi avait d’abord remonté les bords de
la rivière Platte, franchi les stations de Summit Siding,
Papillion, Elkhorn, Diamonds, Frémont, Shell Creek (le ruisseau de
coquillages) ; on approchait de Columbus. L’attaque avait eu
lieu entre Columbus et Silver Creek (le ruisseau d’argent).
Dans le dining car, vaste salle à
manger dont nos wagons-restaurants ne donnent aucune idée,
luxueusement meublée de dressoirs chargés de vaisselle d’étain,
trois personnages s’étaient attardés : deux hommes et une
jeune fille, une jolie brune au regard bleu.
Les deux hommes buvaient du whisky arrosé
d’eau tiède et parlaient d’affaires. La jeune fille n’écoutait pas,
les yeux grands ouverts sur la nuit du dehors, qu’elle regardait
fuir, à travers les glaces.
L’un des buveurs, de haute stature et de
puissante corpulence, le visage fortement coloré, disait à son
voisin, un jeune homme à la figure rase, au profil de « joli
garçon », aux cheveux blonds plaqués sur le front en une mèche
large, à la mode anglaise :
– Écoutez, Charley. Je ne vous ai point
dit le but de notre voyage.
– Vous ne devez m’en entretenir qu’à
Denver.
– Arriverons-nous à Denver ?
– Qui vous fait douter ?…
– Nous serons attaqués cette nuit.
– Peut-être. Et après ?
– Il peut m’arriver un accident.
– Non.
– Vraiment ?
– Il ne vous arrivera rien du tout. Vous
avez la « chance ». Du reste, sir Jonathan Smith n’a
jamais douté de sa chance.
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