Mais je n’attendrai pas. Je sors tout
de suite. En route !
Il alla à la fenêtre, souleva le rideau et
déclara que « c’était dégoûtant, que le jour ne se lèverait
jamais ».
– Et puis, de la nuit, je m’en
fiche ! affirma-t-il.
Il passa un costume de cycliste, mais ne se
chaussa point. Il marcha « sur ses chaussettes », les
souliers dans les mains. Il ouvrit la porte de sa chambre avec
précaution, arriva sur un palier, descendit des marches, tout cela
dans la plus grande obscurité. Pold ne devait pas en être à sa
première expédition nocturne.
Il arriva dans le vestibule, tâta le mur de la
main, prit des clefs à un clou. Il ouvrit la porte du perron qui
donnait sur le parc. Là, sur les marches du perron, il se chaussa.
Puis il fut dans le parc ; il arriva à la grille. Avec son
trousseau de clefs, il ouvrit cette grille. Quand elle fut ouverte,
il s’en alla vers une maisonnette, qui était celle du concierge. Il
frappa à la fenêtre. Il refrappa. La fenêtre s’ouvrit.
Une voix enrouée dit :
– C’est encore vous, monsieur Pold. Vous
n’êtes vraiment pas raisonnable. Votre papa finira par tout savoir,
et il me mettra à la porte…
– P’pa ne saura rien, si vous ne lui
dites rien, père Jules.
– Qu’est-ce que vous voulez
encore ?
– Parbleu ! ma bicyclette !
Par la porte de la maison, le père Jules passa
la bicyclette.
– Prenez vite. Il fait un froid de loup.
Je vais attraper des rhumatismes…
– Et voilà les clefs. Vous les remettrez
dans le vestibule. Bonne nuit, père Jules. Mes amitiés à votre
chaste épouse.
Le clair de lune illuminait ces quartiers
déserts. Pold se mit à pédaler avec ardeur. Pas un passant, pas une
voiture. Il s’amusait. Il s’offrait une course de vitesse. Il
n’était point pressé, cependant. Il avait rendez-vous à six heures
avec des camarades à l’autre bout de Paris, place d’Italie.
Il avait dépassé la place Victor-Hugo et
approchait de la rue de Villejust, quand il aperçut, au loin, du
côté de la place de l’Étoile, une lumière qui approchait. Il
entendit le trot des chevaux. Il ralentit son allure. La voiture
passa.
Pold ne put retenir une exclamation :
– Tiens ! le cocher de
Diane !
Et il continua sa route plus lentement.
– Elle vient des Variétés-Parisiennes, se
dit-il. C’est Diane qui rentre chez elle…
Et, tout d’un coup, d’un mouvement presque
instinctif, il fit demi-tour, suivit la voiture à quelques
mètres.
Il considérait le coupé :
– Elle est là-dedans ! Elle est
peut-être seule là-dedans !
Des idées saugrenues lui montaient au cerveau.
Il songeait à des déclarations possibles, à des surprises. Si cette
femme était bien seule dans cette voiture, est-ce que l’occasion de
lui parler ne s’offrait pas d’elle-même ? Laisserait-il
échapper cette occasion ?
Il était plein d’audace et de timidité.
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