Il se servait d’elle comme d’un aide, et elle était d’une obéissance religieuse, en voyant que sa fille semblait plus calme.

― Venez... Vous allez lui appuyer la tête sur votre épaule, pendant que j’écouterai.

Hélène fit ce qu’il ordonnait. Alors, lui, se pencha au-dessus d’elle, pour poser son oreille sur la poitrine de Jeanne. Il avait effleuré de la joue son épaule nue, et en écoutant le cœur de l’enfant, il aurait pu entendre battre le cœur de la mère. Quand il se releva, son souffle rencontra le souffle d’Hélène.

― Il n’y a rien de ce côté-là, dit-il tranquillement, pendant qu’elle se réjouissait. Recouchez-la, il ne faut pas la tourmenter davantage.

Mais un nouvel accès se produisit. Il fut beaucoup moins grave. Jeanne laissa échapper quelques paroles entrecoupées. Deux autres accès avortèrent, à de courts intervalles. L’enfant était tombée dans une prostration qui parut de nouveau inquiéter le médecin. Il l’avait couchée la tête très-haute, la couverture ramenée sous le menton, et pendant près d’une heure il demeura là, à la veiller, paraissant attendre le son normal de la respiration. De l’autre côté du lit, Hélène attendait également, sans bouger.

Peu à peu, une grande paix se fit sur la face de Jeanne. La lampe l’éclairait d’une lumière blonde. Son visage reprenait son ovale adorable, un peu allongé, d’une grâce et d’une finesse de chèvre. Ses beaux yeux fermés avaient de larges paupières bleuâtres et transparentes, sous lesquelles on devinait l’éclat sombre du regard. Son nez mince souffla légèrement, sa bouche un peu grande eut un sourire vague. Et elle dormait ainsi, sur la nappe de ses cheveux étalés, d’un noir d’encre.

― Cette fois, c’est fini, dit le médecin à demi-voix.

Et il se tourna, rangeant ses flacons, s’apprêtant à partir. Hélène s’approcha, suppliante.

― Oh ! monsieur, murmura-t-elle, ne me quittez pas. Attendez quelques minutes. Si des accès se produisaient encore... C’est vous qui l’avez sauvée.

Il fit signe qu’il n’y avait plus rien à craindre. Pourtant, il resta, voulant la rassurer. Elle avait envoyé Rosalie se coucher. Bientôt, le jour parut, un jour doux et gris sur la neige qui blanchissait les toitures. Le docteur alla fermer la fenêtre. Et tous deux échangèrent de rares paroles, au milieu du grand silence, à voix très-basse.

― Elle n’a rien de grave, je vous assure, disait-il. Seulement, à son âge, il faut beaucoup de soins... Veillez surtout à ce qu’elle mène une vie égale, heureuse, sans secousse.

Au bout d’un instant, Hélène dit à son tour :

― Elle est si délicate, si nerveuse... Je ne suis pas toujours maîtresse d’elle. Pour des misères, elle a des joies et des tristesses qui m’inquiètent, tant elles sont vives...